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Chapitre 5 : CAS DE COURS STNL12

5.4 De l’expérience des étudiants de STNL12

5.4.2 Usages et perceptions du dispositif

5.4.2.2 Réticence face aux activités distancielles

Comme nous l’avons vu dans la section portant sur le profil de nos répondants, les deux étudiants sont passionnés de leur formation en informatique et développement d’application (IDA) et trouvent différents avantages à y être inscrits : pour cela, nous considérons qu’ils sont intrinsèquement motivés (Guillemette, 2004), vu leur engagement dans leurs apprentissages. Toutefois, ils éprouvent tous les deux un certain malaise face à la modalité distancielle dans laquelle le cours est offert.

Les perceptions des deux étudiants portent sur la valeur relativement modique accordée à la modalité distancielle dans laquelle le cours est offert. Etu2STNL12 rapporte une expérience d’une séance présentielle, qu’elle juge très satisfaisante, confirmant du coup le propos tenu par le concepteur de cours selon lequel des activités présentielles pouvaient se tenir à la sollicitation des étudiants :

On a eu déjà, une fois, une activité en présence à l’ENO, avec un tuteur, au début du semestre, parce que nous l’avions demandé. Les séances en présence sont plus avantageuses pour l’étudiant, car lorsqu’on est face à l’enseignant, y a des choses qu’on ne peut pas faire. C’est là qu’on se concentre mieux. Quand on est à distance, on est toujours tenté de laisser là l’ordinateur et de faire autre chose. Donc, moi, je préfère avoir l’enseignant et le tuteur en face (Etu2STNL12). Son collègue, à cause de son inscription tardive, n’a pas eu cette chance de vivre cette séance présentielle à l’ENO : « Pour le cours [STNL12], je n’ai jamais assisté à une activité présentielle », dit-il avec une note de regret. Il ajoute ceci :

L’UVS devrait [...] multiplier les activités présentielles : actuellement, on n’a qu’un seul cours en présentiel […]. Si on pouvait avoir pareil pour les cours de […] et [STNL12], cela va nous motiver davantage. Les cours en présence sont plus vivants : ils nous permettent de saisir certains détails, certaines nuances qu’on ne perçoit pas en ligne (Etu1STNL12).

Sa consœur est presque du même point de vue. Selon la jeune fille, la distance et la formation en ligne empêchent le développement de liens interpersonnels voire affectifs avec le formateur :

Nous avons aussi besoin de voir l’enseignant, de savoir comment il est physiquement, ses attitudes, sa manière d’expliquer, sa manière de parler : tout ça joue dans notre engagement et notre amour ou non pour la discipline. On ne sent pas tellement cette attraction en ligne. C’est vrai qu’on a une tutrice […] qui, juste par ses explications, ses manières de faire, arrive à mettre de l’ambiance, à avoir une vraie relation avec les étudiants et nous donne envie d’aimer son cours (Etu2STNL12).

S’inspirant des bienfaits connus de l’enseignement présentiel tels que les liens interpersonnels avec l’enseignant, Etu1STNL12 exprime un certain doute sur la valeur et l’efficacité des activités distancielles proposées, en rapport avec son projet de formation qui est de « devenir spécialiste en informatique ou programmeur » (Etu1STNL12). Cette appréhension est surtout relative au faible poids accordé aux activités présentielles et au manque d’opportunité de « pratique » : « Je ne pense pas trop que la formation que me propose l’UVS actuellement me permette d’y arriver, car pour l’instant, on ne nous offre pas assez de possibilités de pratique; ce qui fait que certains détails de la formation m’échappent » (Etu1STNL12). Continuant d’argumenter sur cette faiblesse qu’il attribue à sa formation, il ajoute que la nature technologique de la discipline exige plus encore des activités présentielles :

Parfois, on a besoin de faire du réseau informatique, c’est-à-dire de relier deux ordinateurs ou postes de travail, par le câblage par exemple. Mais pour faire ces manipulations-là, on nous a fait télécharger une application. Mais si on avait du matériel pour faire des tests pratiques en présentiel, cela aurait été plus facile à maitriser pour nous (Etu1STNL12).

Ainsi conforté dans ses attentes d’activités présentielles, Etu1STNL12 est très peu confiant que les activités distancielles d’enseignement et d’apprentissage proposées lui permettent d’acquérir les compétences et connaissances nécessaires à son objectif professionnel.

Au cœur de la plateforme de cours (Etu2STNL12) …

Sa collègue Etu2STNL12, qui fait un usage plus assidu de la plateforme de cours, a une expérience légèrement différente. Participant activement aux classes virtuelles synchrones, l’étudiante considère avoir les habiletés technologiques nécessaires pour suivre les activités de formation à distance du cours, animées par le tuteur et consacrées au traitement des travaux dirigés (TD) :

Lors des TD, si je veux corriger ou soumettre une difficulté rencontrée lors du traitement d’un TD, le tuteur nous demande de partager notre écran, faire des captures d’écran. Et je n’ai pas de difficulté à faire cela. Mais on ne nous demande pas souvent à intégrer des ressources multimédias comme des images, vidéos, photos, etc. Nous, on amène beaucoup plus des documents ou des liens (Etu2STNL12).

Ce sentiment de compétence technologique de l’étudiante, assimilable à un sentiment positif d’efficacité personnelle de l’étudiante, représente un facteur de proximité numérique avec son dispositif de cours, dans la mesure où cela rend possibles ses apprentissages.

L’étudiante déplore néanmoins le manque de sociabilité de l’accompagnement tutoral : « Les tuteurs, eux, ils expliquent les cours et corrigent les TD. Ils ne s’occupent pas de savoir si on se connait, si on est motivé, etc. Ils nous demandent juste si on a compris » (Etu2STNL12). Cette fonction exclusivement cognitive du tutorat constitue, pour la jeune étudiante, un blocage à son épanouissement dans l’environnement numérique d’apprentissage. Elle se sent par exemple désarmée face aux forums de discussion, dont elle ne comprend pas les modalités d’utilisation, et face au clavardage qui est institué comme médium de communication synchrone dans la salle virtuelle de cours :

Le forum, je ne l’ai jamais utilisé car je ne le comprends, je ne sais pas comment l’utiliser, je ne le comprends. Et je n’ai jamais demandé à quoi il sert, parce que c’est par le chat que nous posons nos questions. Et moi, je n’aime pas trop utiliser le chat pour parler d’autre chose qui n’a pas trait au cours. Mais quand il y a quelque chose que je ne comprends pas sur le cours, je n’hésite pas à utiliser le chat pour poser ma question. Mais pour les choses qui n’ont pas trait aux contenus de cours, … non. Cela m’intimide un peu (Etu2STNL12).

Le manque de préparation de l’étudiante à l’usage des forums de discussion confirme l’appréhension de la tutrice à ce sujet (voir plus haut). Tout se passe comme si les interactions entre le tuteur de cours et les étudiants devraient essentiellement porter sur les contenus de cours, excluant de fait les aspects méthodologiques, métacognitifs et socio-affectifs de l’accompagnement prévus par Hy-Sup (Peraya et al., 2014). Pour toutes ces raisons et par ce qu’Etu2STNL12 ne mobilise pas les échanges asynchrones parmi ses ressources d’apprentissage, l’étudiante se prive d’autant de facteurs de proximité qui auraient contribué à améliorer son

expérience d’apprentissage. Enfin, le peu de facilité de l’étudiante à interagir par écrit – via le forum ou le chat – aurait-il un lien avec le mode de communication non verbal prescrit?

En tout cas, le manque de contrôle de l’étudiante sur les activités distancielles de formation agit sur sa motivation à apprendre et à rester dans l’environnement numérique de travail :

Moi quand je ne me sens pas à l’aise, quand ça ne va vraiment pas, je ne dis rien, je me déconnecte tout simplement. Par exemple, il y a des cours qui vous ennuient réellement comme le cours de […], où la tutrice ne fait rien du tout qu’entrer et sortir, entrer sortir ! Là, je n’apprends rien avec elle, je sens qu’elle me fait perdre mon temps. Donc, je m’en vais (Etu2STNL12).

Même si cela ne concerne pas exclusivement le cours STNL12 sur lequel portent nos investigations, il est intéressant de noter que l’objectif de l’étudiante est clairement d’apprendre et d’acquérir des connaissances.

5.4.2.3 Motivation à apprendre (Etu1STNL12)

Plus que sa camarade de formation, Etu1STNL12 s’est exprimé sur ses dispositions psychologiques à apprendre. Hautement préoccupé par l’acquisition de connaissances et de compétences, l’étudiant affiche sa passion pour sa formation détermine, à travers une motivation plus souvent intrinsèque qu’extrinsèque, eu égard à l’accomplissement de son projet d’avenir qui est de devenir « spécialiste en informatique ou programmeur » (Etu1STNL12).

Préoccupé à bien comprendre …

À cet effet, le récit de l’étudiant est parsemé d’expressions traduisant sa préoccupation à bien comprendre : « avoir un aperçu clair des cours », « exemples intéressants pour la compréhension des cours et sur lesquels on peut s’inspirer pour traiter les TD » (Etu1STNL12). Cette soif d’apprendre se reflète encore sur les sentiments de compétence et de satisfaction de l’étudiant face aux tâches à accomplir :

Je me sens à l’aise, de manière générale pour le cours STNL12. Je comprends aisément. Mais en …, je ne me sens pas du tout à l’aise. Ce cours nous fatigue beaucoup, les étudiants sont unanimes là-dessus, car le coefficient est le plus grand. Tu fais ton maximum, tu comprends même quelque part certains bouts, mais tu ne comprends pas l’essentiel. En … et …, je me débrouille mais j’ai de réelles difficultés, car c’est les cours les plus difficiles et je n’ai personne sur qui m’appuyer, qui puisse m’expliquer jusqu’à ce que je comprenne. (Etu1STNL12).

Le sentiment d’efficacité de l’étudiant par rapport au cours STNL12 est assez positif, eu égard à la nature relativement facile du cours comparé à trois autres cours de son cheminement actuel, pour lesquels il éprouve de faibles sentiments de compétence et un faible contrôle, malgré les efforts fournis. De plus, l’étudiant est réellement préoccupé à mettre en application ses connaissances, à les réinvestir dans la résolution de tâches pratiques et de problèmes complexes, comme dans l’approche en profondeur (Bloom, 1979) : « Il m’arrive

parfois de comprendre sans savoir comment exprimer ce que j’ai compris, ni comment mettre en pratique » (Etu1STNL12). Malheureusement, selon lui, le dispositif ne lui en donne pas les moyens.

Le défaut d’interactions, un obstacle à l’apprentissage …

Même si l’étudiant déclare comprendre « aisément » les contenus de cours en STNL12, il éprouve néanmoins des difficultés dans la réalisation des travaux dirigés du cours, qui sont des séries de devoirs à rendre obligatoirement à la fin de chaque chapitre du cours, en guise d’évaluation de l’enseignement dispensé.

En [STNL12], on nous donne des exercices qu’on n’est pas capable de faire et pour lesquels on n’a personne pour nous guider. En connexion, connexion des câbles, etc. Il faut avoir quelqu’un qui t’explique pour que tu puisses te débloquer. Très souvent, on se réunit pour travailler, on fait du rafistolage juste pour envoyer (NDR : rendre) les TD. Mais sérieusement, des fois, on ne comprend rien. On fait les TD juste pour les faire et pour rendre. Parce que dès le moment que les TD sont obligatoires et notés, si tu ne les fais pas, c’est que tu te suicides (Etu1STNL12).

La motivation de l’apprenant est d’autant plus réelle que malgré son faible sentiment de compétence et le rabibochage dans lequel il mène certains de ses apprentissages et ses évaluations, il persiste dans ses efforts; ce qui laisse penser à une motivation intrinsèque (Guillemette, 2004). Le principal obstacle identifié à la réalisation efficace de ses apprentissages reste le défaut d’interactions prévues dans le cadre du dispositif pédagogique formel. Lesquelles interactions sont reconnues comme des moteurs privilégiés du processus d’apprentissage (Viau, 1994).

La motivation, effet du milieu et des conditions de vie …

Enfin, outre son projet professionnel, il semble y avoir chez cet étudiant des facteurs typiquement personnels ou peut-être liés à la culture du milieu, mais indépendants de la configuration de l’environnement du dispositif pédagogique, qui nourrissent sa motivation, sa persévérance et son engagement dans sa formation, malgré les difficultés d’apprentissage rencontrés. Répondant à une de nos questions cherchant à comprendre ce qui le fait tenir, ce qui fait qu’il n’abandonnait pas, Etu1STNL12 a répondu ceci :

La passion… Le manque d’alternative, … À part ça, j’aurais pu faire des formations privées comme beaucoup d’autres, mais les parents n’ont pas les moyens. Les écoles de formations coutent 500 000 francs par année. C’est pourquoi on ne peut que s’agripper à cette formation de l’UVS. (Silence) Sans volonté réelle et sans endurance, on ne peut pas étudier à l’UVS. C’est depuis le début, depuis l’admission à l’UVS qu’il faut faire preuve d’endurance. Il y a des étudiants qui ne reçoivent leur ordinateur que deux mois après le début des cours. Mais ils patientent. Il y a encore des étudiants qui, jusqu’à aujourd’hui, n’ont pas reçu leur ordinateur. Et pourtant, ils viennent parfois et se débrouillent pour faire cours. Je connais quelqu’un qui s’est même débrouillé pour se trouver lui-même une machine (NDR : un ordinateur), mais je ne le vois plus (ton de découragement) ! (Etu1STNL12).

À la lumière de ce segment de l’expérience du jeune homme, qui inclut celle d’autres étudiants, on arrive à déceler certaines caractéristiques personnelles qui favorisent la motivation d’Etu1STNL12 et sa persévérance.

Parfois mieux que les facteurs liés à la configuration du dispositif, ces traits de personnalité de l’étudiant contribuent aussi à sa proximité avec son dispositif pédagogique. Il s’agit de : la passion pour la formation malgré les obstacles de la distance et du défaut de certaines ressources, la faiblesse du patrimoine familial pour envisager une alternative, la volonté, l’endurance, la patience et enfin le sens de la débrouillardise. Ces derniers éléments sont repris dans la dernière colonne du Tableau 15 : Synthèse des facteurs de proximité concernant le cours STNL12.

C’est sans doute grâce à leurs différentes qualités personnelles ci-dessus énumérées que les étudiants se sont positionnés comme agents de leur formation pour apporter une réponse au défaut d’interactions au sein du dispositif pédagogique.