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Chapitre 2 : ÉTAT DE LA QUESTION

2.1 Les modèles organisationnels de FAD

2.1.2 Analyse systémique et dispositive des organisations

l’Académie française jusque vers 1762 (Académie française, 2000, 4e édition). Mais à la huitième édition de 1932, le dictionnaire attribue au terme un sens plus concret et construit sur les idées de dispositif, partie, corps, fonctions et but : organiser signifie dès lors « disposer les parties d'un corps pour les fonctions auxquelles il est destiné» (Académie française, 2000, 8e édition). À partir de là, apparaissent les trois caractéristiques primaires de l’organisation qui sont : la structure (un corps), des fonctions et un but.

Au-delà de ces considérations étymologiques et sémantiques, de nombreuses théories existent pour expliquer et comprendre la marche des organisations : les théories des organisations (Hatch, 2000). De nombreux courants (ou paradigmes) existent également pour classer ces théories (Burrell & Morgan, 1979; Séguin & Chanlat, 1983). Tenant compte des particularités de l’institution éducative et des premiers écrits ayant traité de l’organisation de la FAD, nous avons choisi d’orienter nos lectures vers l’approche systémique des organisations.

L’approche systémique appartient au paradigme fonctionnaliste des théories des organisations. Comme les autres courants21 de ce paradigme, l’approche systémique représente un modèle d’analyse et de

fonctionnement des organisations basé sur des principes d’interaction, d’interdépendance, de totalité, de rétroaction et d’équifinalité (Bertalanffy, 1968; Lapointe, 1993; Rouleau, 2007; Séguin & Chanlat, 1983). À la lumière de ces principes, le concept de système (de son étymologie grecque « ensemble organisé ») et celui d’organisation présentent certaines convergences fondées principalement sur la dimension téléologique du concept de système, toujours défini selon un besoin à satisfaire (Bertalanffy, 1968; Lapointe, 1992). C’est apparemment ce qui fait que l’approche systémique, tout comme la notion d’organisation, de même que les configurations que peut prendre l’organisation, font toutes prévaloir l’importance du but, de la finalité, des

objectifs (par exemples faire des bénéfices économiques, arriver au pouvoir, innover, répandre une idéologie, etc.) (Mintzberg, 2004). Notre constat correspond avec ce propos de Bertalanffy (1968) qui estime que les mêmes considérations (interaction, finalité, ouverture, etc.) relatives au concept de système, s’appliquent également au concept d’organisation.

Ramené à l’éducation, le concept de système désigne l’ensemble des ressources permettant de satisfaire des besoins identifiés chez les apprenants et classés par ordre de priorité (Lapointe, 1992). L’approche systémique, qualifiée de « systématique » par Wong et Raulerson (1974), est une méthode de planification et de développement d’un enseignement fondée sur les éléments, les processus et la finalité du système. Elle se veut une réponse à la problématique de la variabilité de la connaissance, des capacités et des attitudes des apprenants, etc., pour un enseignement efficace. Selon Lapointe (1992), l’approche systémique s’applique lorsque le processus d’enseignement/apprentissage implique la présence de directions à poursuivre, de finalités à atteindre ou de changements à apporter chez un individu ou un groupe. L’éducation, vue comme un système, présente alors des sous-systèmes qui sont les classes, l’administration, le gardiennage, les bâtiments scolaires, etc. Chaque sous-système comprend à son tour des éléments (ou composantes), des processus et une finalité. Les éléments du sous-système des classes sont les professeurs, les élèves, le matériel de travail (tableaux, livres, cartes, matériels audio-visuels, etc.) et tout autre composante servant à atteindre le but. Les processus sont les opérations et fonctions permettant au système d’atteindre ses buts. Wong et Raulerson (1974) abordent d’autres sous-systèmes qui pourraient tout aussi valablement contribuer à l’atteinte des buts du système : l’évaluation des entrées (inputs), l’évaluation des résultats (outputs) et la rétro-information (informative feedback). L’évaluation des entrées revient à s’intéresser à la personne de l’étudiant, avec ses habiletés, ses compétences, ses motivations, etc. L’évaluation des résultats, à travers le feedback, permet de mesurer la qualité de l’organisation afin d’apporter des modifications au système. Le retour d’information (rétro-information) enfin permet d’envisager la modification des processus éducationnels (Wong & Raulerson, 1974). L’éducation, la formation et l’enseignement sont ainsi considérés comme des systèmes qui tentent de changer le comportement d’un individu ou d’un groupe dans une direction donnée (Lapointe, 1992).

En FAD, l’un des auteurs ayant inauguré cette approche est sans doute Renée Erdos (Moore & Kearsley, 2012), reprise par d’autres (Holmberg, 1995; Kaye & Rumble, 1981; Rumble, 1993). La vision originelle de Renée Erdos établit que l’organisation de FAD, comparée à l’enseignement classique, est basée sur six sous-systèmes en interaction les uns avec les autres (Anderson & Johnson, 1997) : les programmes d’enseignement, le management, les services aux étudiants, l’évaluation, le financement et le matériel d’enseignement (Erdos, 1975). Erdos assigne principalement trois fonctions à l’organisation de FAD : préparer le matériel didactique, le diffuser et corriger les travaux des étudiants (Erdos, 1975). C’est à partir de de cette vision de Erdos que Kaye

(1985) a conçu une grille d’analyse des fonctions du système d’éducation à distance, destinée à expliquer les modèles d’organisation de FAD (voir Figure 9 suivante).

Figure 9 : Analyse fonctionnelle des systèmes de formation à distance

D’après Kaye (1985, p. 63)

Selon la grille d’analyse de Kaye, les systèmes de FAD sont bâtis habituellement sur deux sous-systèmes : un sous-système qui travaille à la conception et à la production du matériel didactique ; et un second sous-système qui s’occupe de tâches purement liées à la clientèle étudiante (son admission, son encadrement, le recrutement de personnel, la diffusion des cours, l’évaluation des apprentissages, etc.) (Kaye, 1985; Moore & Marty, 2007). Comme cela apparait à travers la figure précédente, les deux sous-systèmes de l’organisation de FAD, malgré leurs différences sont interdépendants, parce que partageant des fonctions à la fois pédagogiques et non pédagogiques (Moore & Kearsley, 2012). Faisant évoluer la vision de Erdos, Kaye distingue deux grands groupes de fonctions au système de FAD. Les fonctions pédagogiques ont trait à l’acte pédagogique et comprennent la conception des programmes d’études et l’encadrement des étudiants (Kaye, 1985). Les fonctions non pédagogiques touchent à la production du matériel didactique et à la gestion logistique des activités d’apprentissage (Kaye, 1985; Rumble, 1993). Pendant que Keegan (1996) partage étroitement cette vision du système de FAD présentée par Kaye (1985), Rumble (1993) précise qu’en plus de deux sous-systèmes opérationnels ci-dessus évoqués, un troisième (celui de l’administration) peut compléter la gestion des systèmes de FAD. Ce qui fait que la gestion de la FAD repose sur des dimensions organisationnelles et administratives interdépendantes (Moore & Marty, 2007). Enfin, d’une organisation de FAD à l’autre et selon le modèle

éducationnel adopté, l’on verra accorder plus ou moins de poids à l’un ou l’autre des différents sous-systèmes ou groupe de fonctions de l’organisation vus précédemment.

Le concept de dispositif semble enfin mieux convenir que celui de système en FAD, vu que le but de l’organisation est spécifiquement la facilitation du processus d’enseignement/apprentissage (Blandin, 2002; B. Charlier et al., 2006; Paquelin, 2011). Selon Albero (2010), le concept de dispositif englobe ceux de structure et de système, dans la mesure où il traduit l’architecture des hiérarchies et la dynamique des relations et des interactions. De ce point de vue, toutes les analyses faites précédemment sur l’organisation éducative et l’organisation d’enseignement à distance, particulièrement dans une approche systémique, s’appliquent au dispositif. Le concept de dispositif convient mieux encore en FAD, pour ce qu’il représente la mise en œuvre de ressources humaines, matérielles et technologiques (souvent un environnement numérique d’apprentissage), de stratégies et de méthodes interagissant pour atteindre la finalité éducative (B. Charlier et al., 2006; Docq, Lebrun, & Smidts, 2010). C’est pourquoi, en tant que « lieu social d’interaction et de coopération » (Peraya, 1999, p. 153), le dispositif prend sens et forme par l’action et le discours de ses acteurs (Albero, 2010).