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Chapitre 2 : ÉTAT DE LA QUESTION

2.2 Les modèles éducationnels de FAD

2.2.1 Modèles centrés sur l’institution

2.2.1.2 Par une communication bidirectionnelle

Le modèle éducationnel que nous présentons ici est attribué à Desmond Keegan, qui défend l’idée de la réintégration des actes d’enseignement et d’apprentissage à distance, grâce à une communication bidirectionnelle, comme cela se fait en enseignement présentiel (teaching face to face at a distance)

La pensée de Desmond Keegan repose sur l’idée que les fondements théoriques de la FAD sont à chercher dans la théorie générale de l’éducation, qui veut que l’apprentissage soit une activité privée et individualisée

(Keegan, 1980, 1996). Keegan rejette le type de communication interpersonnelle et presque intime de la relation éducative (Jacquinot-Delaunay, 2010), calquée sur l’éducation traditionnelle orale et présentielle (Amundsen, 1993; Keegan, 1986, 1996). Pour asseoir sa théorie, Keegan a analysé les conceptions de la FAD de plusieurs auteurs dont Peters, Holmberg, Moore et Garrison, avant de se positionner (Keegan, 1980, 1986, 1996). Dans la troisième édition de ses « Foundations of distance education », il attribue les caractéristiques suivantes à la FAD :

 la séparation quasi-permanente de l’enseignant et de l’étudiant tout au long du processus de formation : c’est la distinction fondamentale de la FAD avec celle classique présentielle et en groupe ;  l’influence d’une organisation éducative, particulièrement dans la planification et la préparation du matériel d’apprentissage : ce qui distingue l’apprentissage à distance de l’apprentissage individuel et des programmes d’autoformation ;

 l’utilisation de médias techniques (imprimé, audio, vidéo, …) pour porter le contenu des cours ;  la fourniture d’une communication bidirectionnelle pour que l’étudiant puisse bénéficier du dialogue ou

même l’initier : ce qui distingue la FAD des autres usages des technologies en éducation;

 et l’absence quasi-permanente du groupe d’apprenants tout au long du processus d’enseignement ; ce qui favorise l’individualisation de l’enseignement, tout en n’excluant pas la possibilité de regroupements (séminaires) occasionnels en face-à-face ou par des moyens électroniques, pour des buts à la fois didactiques et de socialisation (Keegan, 1996).

L’hypothèse générale de Keegan est que la réintégration des actes d’enseignement et d’apprentissage améliore les taux d’achèvement des programmes d’enseignement à distance, la qualité des apprentissages et le statut de l’établissement (Amundsen, 1993; Keegan, 1986). En prenant cette posture, Keegan admet la thèse de Peters selon laquelle la FAD se distingue de l’éducation classique en ce que l’enseignement industrialisé implique une communication non pas interpersonnelle et présentielle, mais mécanique, bidirectionnelle et recréée par la technologie (Peters, 1983). La vision éducationnelle de Keegan vise ainsi une préparation minutieuse et une utilisation convenable du matériel pour des enseignements et apprentissages efficaces (Amundsen, 1993; Keegan, 1996). Pour cela, sa stratégie consiste à éviter la rupture de la relation pédagogique, par la recréation de la communication interpersonnelle traditionnelle (Keegan, 1996). La communication interpersonnelle garde chez Keegan la même conception - utilitaire - que chez Holmberg, mais Keegan porte spécialement son intérêt sur l’acte d’apprentissage et parle de « two-way communication » (Amundsen, 1993; Keegan, 1996). La communication bidirectionnelle dont parlent Keegan et Holmberg donne toutes les opportunités à l’étudiant d’initier le dialogue avec l’institution qui lui fournit les ressources d’apprentissage (Keegan, 1996).

La démarche proposée, qui se déroule en deux temps, vise à tenter de combler le gap de la communication en FAD caractérisée par : l’absence de communication verbale, l’absence de rétroaction professeur/étudiant et vice-versa, l’absence de communication étudiant-étudiant, le retard des renforcements, et le changement des processus d’enseignement non-cognitifs (contact avec les pairs, anxiété, soutien par les pairs et critique)

de l’enseignement classique présentiel avec ces éléments : le choix d’un style lisible; l’anticipation des problèmes des étudiants; la structuration soigneuse des contenus; l’intégration des questions d’autoévaluation; la présentation d’objectifs pédagogiques; l’introduction de questions; la proposition de modèles de réponses; une attention particulière aux dispositions typographiques (design, dessins, diagrammes, etc.) (Keegan, 1996, p. 118). Puis, lors de la présentation des cours, les institutions devraient favoriser le contact personnel pour une meilleure réintégration des actes d’enseignement et d’apprentissage. Les moyens proposés par Keegan sont : la communication par correspondance; les tutorats téléphoniques; la communication en ligne; la présentation de commentaires sur les devoirs par des tuteurs ou par ordinateurs; la tenue de téléconférences, vidéoconférences, webinaires, etc. (Keegan, 1996).

Mieux, grâce à l’avancée de la technologie, la recréation de la communication interpersonnelle présentielle devient davantage possible à distance avec les classes virtuelles et électroniques, qui font que professeur et étudiants (présents en salle ou dans d’autres sites distants de plusieurs kilomètres) puissent se voir et s’entendre (Keegan, 1996). La recréation de la communication interpersonnelle est désormais amplement facilitée par le World Wide Web (WWW), devenu un outil éducatif qui combine et intègre le texte, l'audio et la vidéo avec l'interaction des participants, le tout à l'échelle mondiale (Keegan, 1996, 2002).

Ainsi, selon Keegan, la qualité de la FAD est foncièrement déterminée par la capacité de l’institution à réaliser la réintégration des actes d’enseignement et d’apprentissage. La relation pédagogique théorisée par Keegan, qui n’était pas envisageable pour Peters (pour qui étudier à distance était un processus de formation individuelle) creuse la distance entre la théorie de l’industrialisation de la FAD et celle de Keegan (Amundsen, 1993). Le cadre théorique de Keegan introduit la notion d’éducation virtuelle (virtual education) que l’auteur distinguait de la FAD en ces termes : la FAD se sert toujours de technologies asynchrones, alors que l’éducation virtuelle utilise des technologies synchrones (Keegan, 1996). Cette exclusion des usages éducatifs des technologies synchrones du champ de la FAD pose réellement problème selon Garrison et Shale (1987) qui considèrent que les téléconférences audio et vidéo, largement utilisées au Canada, sont des moyens pédagogiques à distance. Ce qui amène à douter de la pertinence de certaines des caractéristiques de la FAD de Keegan dans le contexte actuel d’expansion des formations virtuelles synchrones.