• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2. LES DIFFERENTS TYPES D’INFRACTIONS SEXUELLES

II. LES COMPOSANTES MATERIELLES DES INFRACTIONS SEXUELLES

1. Trois infractions sexuelles stricto sensu

231)

Si le code pénal de 1810 n’avait pas donné de définition du viol, depuis la loi du 23 décembre 1980, le viol est constitué lorsqu’un acte de pénétration sexuelle est commis sur une personne avec violence, contrainte, menace ou surprise. Le viol n’est ainsi plus limité à une simple conjonction sexuelle exercée sur une femme231 F

232.

L’élément matériel du viol consiste en tout acte de pénétration sur la victime (pénétration anale, vaginale ou buccale), résultat de l’infraction. Mais la jurisprudence s’est montrée plus hésitante, voir ambigüe en la matière, ce qui a été très critiqué par la doctrine232F

233

. Ainsi, la chambre criminelle n’a pas retenu

les rapports sexuels imposés par une belle-mère à son beau-fils comme un viol, considérant que la pénétration n’était pas commise sur la victime233 F

234 ; elle n’a pas retenu non plus comme viol le fait d’introduire des objets quelconque dans l’anus de la victime234 F

235 ; ou la fellation pratiquée sur la victime

235 F

236

. Nous reviendrons au chapitre 5 sur ces apparentes contradictions, entre une définition du viol qui se veut étendue et des pénétrations qui ne sont pas toutes reconnues comme viol.

L’élément moral repose sur le fait que l’auteur avait conscience d’imposer à la victime des rapports sexuels non souhaités par cette dernière, y compris si les faits sont commis au sein du couple236 F

237. L’emploi de la violence constitue implicitement cette intention.

La minorité de 15 ans de la victime et la qualité de l’auteur (ascendant, personne ayant autorité) sont des circonstances aggravantes du crime et élèvent la peine à 20 ans de réclusion, au lieu des 15 ans pour un viol simple. D’autres circonstances aggravantes sont prévues par le code pénal, bien plus étendues

231Article 222-23 du Code pénal : « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il

soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle».

232Voir le chapitre 1 sur l’histoire des incriminations. 233Valérie Malabat, op. cit. ; Marie-Laure Rassat, op. cit. 234Cass. Crim du 21 octobre 1998. Jurisdata n°1998-003944 235CA Douai du 13 mars 1996. Jurisdata n°1996-042461 236Cass. Crim. du 22 aout 2001. N° 01-84024

237La loi n°2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences

commises au sein du couple ou commises contre des mineurs reconnait légalement le viol entre époux. C’est aussi une circonstance aggravante de l’infraction (si commis par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ou par l’ancien conjoint, l’ancien concubin ou l’ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité).

que dans l’ancien code237F

238. En revanche, le droit pénal n’a pas prévu d’infraction distincte en fonction de la personnalité de la victime avec la minorité de 15 ans, comme pour l’agression sexuelle depuis 2013 en réponse aux demandes des textes internationaux , mais il s'agit d'une circonstance aggravante.

Des peines complémentaires s’ajoutent à la peine de sûreté, aux articles 222-44 à 222-48-1, tels que l’interdiction de droits civiques, civils et de famille, dl’interdiction pour une durée de cinq ans au plus de quitter le territoire français, et depuis la loi n°98-468 du 17 juin 1998, le suivi socio-judiciaire, la confiscation de la chose qui en est le produit, l’interdiction pour une durée de dix ans au plus, d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec les mineurs ; la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 a ajouté un stage de responsabilité parentale, de citoyenneté ou de sensibilisation aux dangers et usages de stupéfiants.

Le retrait partiel ou total de l’autorité parentale des personnes coupables de viol ou d’agression sexuelle sur mineur, sur lequel ces personnes sont titulaires de cette autorité. La tentative de viol est également punie des mêmes peines. Celle-ci doit être réalisée par un commencement d’exécution et doit être interrompue par une circonstance extérieure indépendante de la volonté de l’auteur. La prescription est de 20 ans après la majorité du mineur victime, sinon de 20 ans après les faits (loi n° 2017-242 du 27 février 2017).

Le délit d’agression sexuelle (article 222-27 du Code Pénal238F

239)

Ce délit substitue l’ancien attentat à la pudeur avec violence. Il est constitué lorsque des actes sexuels sont commis sur une personne avec violence, contrainte, menace ou surprise. L’agression sexuelle se distingue du viol par l’absence de pénétration sur la personne victime. En ce sens, la définition même de l’agression sexuelle se fait négativement par rapport à celle du viol. Si les agressions sexuelles se distinguent du viol par l’absence de pénétration sexuelle, elles portent toutefois sur les mêmes modalités de commission des faits : par

2386 autres aggravations sont prévues aux articles 222-24 à 222-26 du Code Pénal : pluralité

d’auteurs, si l’auteur est le conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, l’usage d’une arme, par acte de torture et de barbarie, si la victime a été mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation d’un réseau de télécommunication, si commis sur personne en état manifeste d’ivresse ou sous l’emprise de produits stupéfiants, si a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. Les circonstances aggravantes ont trois niveaux de pénalité concernant les peines principales : soit elles entraînent une réclusion criminelle de 20 ans, soit de 30 ans si le viol entraîne la mort de la victime à la suite des faits, ou la perpétuité si le viol a été accompagné d’actes de torture ou de barbarie ou s’il avait été suivi de meurtre.

239Article 222-27 du code pénal : « les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de

violence, contrainte, menace ou surprise. L’emploi de ces moyens est indispensable à la constitution de l’infraction. Le droit protège ainsi la liberté sexuelle de l’individu et non plus la moralité de l’ancien code.

Les actes de nature sexuelle qui sont réprimés par le droit s’entendent comme les attouchements, caresses de certaines parties du corps (poitrine, fesse, sexe …) accompagnés ou non de baisers sur le corps, la bouche. Ces actes doivent avoir été commis sans le consentement, et ne peuvent se déduire d’aucun élément qui soit l’âge de la victime ou la qualité de l’auteur, qui ne sont que des circonstances aggravantes de l’agression sexuelle. Nous reviendrons plus loin dans ce chapitre sur la question de preuve du non- consentement.

D’autre part, l’infraction d’agression sexuelle suppose la connaissance par l’auteur qu’il a accompli un acte transgressif de nature sexuelle en toute connaissance de cause, ce qui caractérise l’intention coupable. C’est l’élément moral de l’infraction, objet de l’article 121-3 du code pénal « il n’y a point de

crime ou délit sans intention de le commettre ». L’auteur doit avoir conscience

d’avoir passé outre le refus ou le non-consentement de la victime. Celle-ci est établie par la nature des moyens utilisés pour y parvenir : la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. La jurisprudence, d’application stricte, ne reconnait pas les agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans où ces éléments n’ont pas été caractérisés239F

240

. On retrouve ici, tout le problème de preuve du non-consentement du mineur, sur lequel nous reviendrons spécifiquement au chapitre suivant.

Les circonstances aggravantes, visées aux articles 222-28 à 222-29 sont identiques à celle du viol. Sauf qu’il n’y a pas d’aggravation par mutilation ou infirmité permanente dans le cas de l’agression sexuelle, mais « une blessure ou

une lésion » ; il n’y a pas non plus d’aggravation tenant à l’obtention de la mort

de la victime ou à l’usage d’actes de tortures ou de barbarie. Elles élèvent les peines à 7 ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende. L’agression sexuelle sur une victime ordinaire est un délit puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

240Cass. Crim., 14 novembre 2001, Bull. crim. 2001, no 239, pourvoi no (01-80.865) et 10 mai

2001 (00-87659). La cour ayant estimé que « sans caractériser en quoi l'ignorance des victimes

aurait été constitutive d'un élément de violence, de contrainte, de menace ou de surprise, et alors que l'autorité attribuée au prévenu ne pouvait constituer qu'une circonstance aggravante du délit d'agression sexuelle, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ». Affaire d’agressions

Depuis la loi n°2013-711 du 5 août 2013, la circonstance aggravante de l’agression sexuelle imposée à un mineur de 15 ans a été déplacée à l’article 222-29-1, qui en a aggravé les pénalités (10 ans d’emprisonnement au lieu de 7, et 150 000 euros d’amende au lieu de 100 000). Les autres circonstances sont comprises dans le même article mais n’aggravent pas les peines240 F

241. La sévérité de la loi pénale est centrée sur l’âge de 15 ans de la victime.

Constitue également une agression sexuelle, le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise à subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers. Le délit, créé par la loi n°2013-711 du 5 août 2013, est puni des mêmes peines prévues aux articles 222-23 à 222-30. La tentative de ce délit également.

Des peines complémentaires sont identiques à celles du viol. Cependant l’interdiction de sortie de territoire ne concerne que les agressions sexuelles aggravées sur un mineur. La tentative de délit d’agression sexuelle, à l’article 222-31 du Code Pénal, est punie des mêmes peines que l’agression sexuelle. La prescription est de 20 ans après la majorité du mineur victime ; sinon elle est 6 ans après les faits (loi n° 2017-242 du 27 février 2017).

Le délit d’atteinte sexuelle (article 227-25 du Code Pénal)2 41F

242

Ce délit remplace les anciens attentats à la pudeur sans violence, avec quelques changements. Il est constitué lorsque des actes sexuels sont commis sans violence, menace, contrainte ou surprise, par un adulte et sur un mineur de 15 ans. Tous les actes sexuels sont visés, y compris les actes de pénétration. En effet, en matière d’atteinte sexuelle, à la différence de l’agression sexuelle, l’acte de pénétration ne fait pas l’objet d’une incrimination particulière (Perrin, 2012242F

243

). Dans ce cas, un rapport sexuel complet avec un enfant peut être considéré comme atteinte sexuelle si la preuve n’a pas été apportée qu’il a été commis par « violence, contrainte, menace ou surprise ». Nous y reviendrons au chapitre 5.

La minorité de 15 ans constitue l’élément essentiel de l’incrimination. Il y a une double condition d’âge pour que soit commise une infraction d’atteinte sexuelle sans violence sur mineur : il faut que la victime mineure ait moins de

241Lorsque l’agression sexuelle sur mineur de 15 ans a été commise par un ascendant ou une

personne ayant autorité de droit ou de fait, par une personne qui abuse de l’autorité que lui confère sa fonction, par plusieurs personnes, avec usage ou menace d’une arme.

242Article 227-25 du code pénal : « Le fait, par un majeur, d'exercer sans violence, contrainte,

menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ».

15 ans et que l’auteur de l’infraction soit un majeur (ce qui change de l’ancien code).

L’atteinte sexuelle se distingue de l’agression sexuelle par l’absence de violence, menace, contrainte ou surprise. La définition de l’atteinte sexuelle se fait négativement par rapport à celle d’agression sexuelle. L’infraction ne vise

que les auteurs majeurs, contrairement à l’ancien code pénal qui n’opérait

aucune distinction. L’élément moral de l’atteinte sexuelle sans violence sur mineur repose sur le caractère intentionnel de l’acte, c’est-à-dire que l’auteur a agi en toute connaissance de cause.

L’atteinte sexuelle commise sur un mineur de 15 ans est punie de 5 ans d’emprisonnement243F

244 mais sa peine est portée à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, à l’article 227-26 du Code Pénal, lorsque les faits sont commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime, par une personne qui abuse de l’autorité que lui confère ses fonctions, par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice. Mais aussi deux nouvelles circonstances aggravantes, depuis la loi n°98-468 du 17 juin 1998 et n°2002-305 du 4 mars 2002, lorsque le mineur a été mis en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation d’un réseau de télécommunication, et enfin, avec la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 lorsque les faits sont commis par une personne agissant en état manifeste d’ivresse ou sous l’emprise de produits stupéfiants. La circonstance aggravante lorsque les faits s'accompagnent du versement d'une rémunération a été supprimée en 2002244F

245. On retrouve la même sévérité de peine de l’atteinte

sexuelle sur mineur de 15 ans et par ascendant ou personne ayant autorité, que celle prévue dans le cas de l’agression sexuelle sur mineur de 15 ans.

La spécificité tient à l’infraction d’atteinte sexuelle, prévue à l’article 227- 27 du Code Pénal, seulement lorsqu’elle est commise sans violence, menace, contrainte ou surprise, sur un mineur de plus de 15 ans, par un ascendant ou une personne ayant autorité, ou par une personne qui abuse de l’autorité qui lui confère sa fonction. Si à l’origine de cette infraction (1863) seul l’ascendant légitime, naturel ou adoptif était visé, depuis la loi du 23 décembre 1980, elle est étendue à la personne qui a autorité et à une personne qui abuse de l’autorité que lui confère sa fonction. Dans ce cas, il s’agit bien de la qualification pénale

244Le texte initial en 1994 ne prévoyait qu’une peine de 2 ans d’emprisonnement.

245Le texte permettait de sanctionner indirectement le recours à la prostitution de mineur. Depuis

la loi n°2002-305 du 4 mars 2002, cette disposition a été supprimée puisqu’une nouvelle incrimination de recours à la prostitution de mineur a été créée. Elle est devenue une incrimination à part, visée à l’article 225-12-1.

d’une forme d’inceste. La peine est de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Cependant, il n’y a pas de précision sur l’âge de l’auteur, à la différence de l’atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans. L’infraction pourrait donc être applicable à des mineurs ayant autorité sur d’autres mineurs, comme l’indique Julie Perrin « A titre d’exemple, la situation d’un jeune auteur de dix-

sept ans abusant sexuellement de son frère de quinze ans tomberait dans le champ pénal sur le fondement de l’article 227-27 du Code pénal. Mais paradoxalement, un même fait commis sur un mineur de quinze ans ne pourrait être réprimé, en raison de la minorité de l’auteur de l’acte245F

246

». Ainsi le législateur a laissé en creux la question de la pénalisation des relations sexuelles entre mineurs de 18 ans, comme il l’a également fait pour celles entre mineurs de moins de 15 ans (Delga, 2013246F

247). Elle n’est pas visée explicitement dans un cas, et totalement exclue dans l’autre.

La tentative du délit d’atteinte sexuelle sur mineurs est réprimée dans le nouvel article 227-27-2 du Code Pénal depuis la loi n°2013-711 du 5 août 2013. Des peines complémentaires sont prévues par le code pénal, tel que

l’interdiction de droits civiques, civils et de famille, l’interdiction pour une durée de cinq ans au plus de quitter le territoire français, et depuis la loi n°98- 468 du 17 juin 1998, le suivi socio-judiciaire, la confiscation de la chose qui en est le produit, l’interdiction pour une durée de dix ans au plus, d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec les mineurs ; la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 a ajouté un stage de responsabilité parentale. Le retrait total ou partiel de l’autorité parentale, relative aux mineurs victimes d’atteinte sexuelle, peut être prononcé.

La prescription se calcule après la majorité du mineur victime. Elle est de 20 ans pour l’atteinte sexuelle aggravée (par un ascendant ou personne ayant autorité) ou 10 ans pour atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans sans aggravation. Ces infractions sexuelles stricto sensu se présentent dans une certaine continuité. Tout d’abord le viol est la catégorie la plus haute et la référence première. L’agression se définit ensuite par la négative du viol (sans l’existence d’une pénétration) et dans la continuité l’atteinte sexuelle par la négative de l’agression sexuelle (sans la violence, contrainte, menace ou surprise). Il y a une

246Julie Perrin. 2012. op. cit. p. 117.

247Jacques Delga. 2013. « Les relations sexuelles consenties entre mineurs : libre sexualité,

déclinaison dans la logique d’incrimination, qui place le consentement au cœur de ce groupe d’infractions mais qui laisse en creux quelques incertitudes sur les âges. A présent, nous allons voir les composantes des infractions largo sensu.

Outline

Documents relatifs