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CHAPITRE 3. INCERTITUDES LIEES A L’AGE : DE LA QUESTION DU

I. LE MINEUR VICTIME : AGE ET CONSENTEMENT

1. La minorité une notion extensible

La définition de la minorité se trouve dans le code civil à l’article 388 : « le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de

18 ans accomplis ». La majorité civile était fixée à 21 ans dans le Code Civil

Napoléonien de 1804 et a été abaissé à 18 ans par la loi n°74-631 du 5 juillet 1974.

La minorité s’entend à sur le plan civil comme une incapacité juridique mais à des degrés différents selon certains actes de la vie courante. Il existe ainsi différents seuils d’âge de la minorité :

- Un seuil d’âge du discernement fixé à 11 ans et posé aux articles 388-1 et 2 du code civil : c’est le seuil pour être entendu dans toutes procédures le concernant (convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant et la loi n°93-22 du 8 janvier 1993)

- Un seuil d’âge du consentement fixé à 13 ans : c’est celui retenu par le législateur pour exiger le consentement personnel de l’adopté à son adoption (article 345 et 360 du code civil), ou pour lui accorder le droit de s’opposer à son changement de prénom souhaité par les parents. - Un seuil d’âge de l’initiative fixé à 16 ans : c’est celui qui permet au

mineur d’accomplir seul des actes d’administration nécessaires à la création d’une entreprise individuelle

La minorité est un terme singulier dans le droit civil, qui désigne une longue période qui s’étend de la naissance à 18 ans. L’enfance est en général définie comme « les premières années de la vie d’un être humain avant

l’adolescence274F

275 », mais le droit ne distingue pas clairement les deux notions.

Philippe Ariès2 75F

276 a avancé l’hypothèse selon laquelle l’enfant a longtemps été

275Le Trésor de la Langue Française Informatisée. URL : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm [Consulté le 5

mai 2017]

276Dans la France de l’Ancien Régime, il n’y avait pas de véritable transition entre l’enfance et

l’âge adulte « passé les cinq à sept premières années, l’enfant se fondait sans transition parmi

les adultes » p. 207. C’est une des thèses avancées par l’historien Philippe Ariès dans son livre L’enfant et la Vie familiale sous l’Ancien Régime, Seuil, 1973. La durée de l’enfance était

restreinte à la période la plus fragile, et de très petit enfant, il devenait immédiatement « homme jeune » sans passer par les intermédiaires de la « seconde enfance », puis de la « jeunesse » ou « adolescence ». A partir du XVIIème siècle l’enfant a cessé d’être mêlé aux adultes, au XIXème siècle, la famille commence à s’organiser autour de l’enfant, il sort de son anonymat. L’historien a cherché à reconstituer une histoire de l’enfance comme « classe d’âge » mais il n’a toutefois pas abordé la question des seuils d’âge en droit, se limitant aux classes d’âge organisées autour d’institutions, telle que l’école, la conscription, puis le service militaire. On peut également se référer au travail de l’historien italien Carlo Corsini. 1998. « Enfance et famille au XIXe siècle ». In Becchi Egle et Julia Dominique (dir.). Histoire de l'enfance en

Occident. Seuil, vol. II. pp. 289-320.Une des thèses avancées par l’historien est qu’au XIXème

écarté de la société et que jusqu’au XVIIème siècle « il n’y avait pas de place

pour l’enfant dans ce monde 276F

277» (Ariès, 1973 : 52). Cette idée a été depuis nuancée, voire critiquée (Lett, 1997), mais il n’en reste pas moins qu’il a fallu attendre le XIXème siècle pour voir éclore les premières mesures légales de protection des enfants : travail des enfants277F

278, restriction de la puissance paternelle278F

279, enseignement scolaire

279F

280 . Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale, que la déclaration des droits de l’enfant du 20 novembre 1959 par l’assemblée générale des Nations Unies, leur reconnait des droits fondamentaux. Enfin la Convention Internationale des Droits de l’Enfant est adoptée le 20 novembre 1989, et ratifiée par la France une année plus tard. L’accent est mis sur la personne de l’enfant, titulaire de droits indépendants de sa famille et de son environnement. Cependant, avec la focalisation de l’attention sur les « nouveaux droits » de l’enfant, on peut redouter que sa vulnérabilité et sa dépendance soient moins reconnues. Ainsi, entre la tradition de protection de l’enfant d’un côté, et de l’autre, l’affirmation nouvelle de son autonomie (1992280F

281), de nouvelles questions se posent.

Dans le droit pénal, la minorité de la victime fait l’objet de protection particulière, et notamment dans le domaine des infractions sexuelles. Le législateur s’attache particulièrement aux moins de 15 ans281F

282

: il sanctionne toute sexualité avec un mineur de moins de 15 ans et après cet âge, punit par principe dès lors qu’elle est commise par un ascendant, une personne ayant autorité sur le mineur ou une personne abusant de l’autorité que lui confère ses fonctions. En droit pénal, le corps du mineur est appréhendé dans une triple dimension : matérielle par les infractions à son intégrité physique (infractions

stricto sensu), morale par les infractions d’atteinte à sa dignité, à sa moralité

(corruption de mineur, proposition sexuelle, proxénétisme et recours à la

10 ans en raison de l’importance du taux de mortalité infantile (40% dans la classe d’âge).

277Philippe Ariès. op. cit. Ses travaux ont toutefois fait l’objet de critiques de la part d’historiens

médiévistes contestant l’absence de sentiment de l’enfance au Moyen-Âge. Sur la critique, voir l’ouvrage de Didier Lett, 1997. L’Enfant des miracles. Enfance et société au Moyen Âge, XIIe-

XIIIe siècle. Paris : Aubier. 396 p.

278Loi du 22 mars 1841 relative au travail des enfants dans les manufactures usines et ateliers

qui interdit le travail des enfants de moins de 8 ans, et le travail de nuit pour les enfants de moins de 13 ans ; la loi du 19 mai 1874 et du 2 novembre 1892 interdisant le travail des mineurs de 13 ans.

279La loi du 24 juillet 1889 envisage la déchéance de la puissance paternelle de plein droit en cas

de condamnation pour excitation de mineur à la débauche, pour crime sur mineur ou délit sur mineur si l’auteur est le père. Loi du 19 avril 1898 sur la répression des violences, voies de faits, actes de cruauté et attentats commis contre les enfants.

280Loi du 28 mars 1882, lois « Jules Ferry », rendant obligatoire, public et gratuit,

l’enseignement primaire pour tous les enfants âgés de 6 à 13 ans.

281Irène Théry. 1992. « Nouveaux droits de l’enfant, la potion magique ». Revue Esprit. n°180.

¾. Mars, Avril. pp 5-30.

prostitution de mineur) et « dématérialisée » avec la pédopornographie. Les notions de minorité, de vulnérabilité et de protection du corps du mineur se trouvent entremêlées au sein du domaine des infractions sexuelles. Voyons quelles sont les règles d’incriminations basées sur les âges du mineur victime dans les infractions sexuelles.

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