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Critère d’âge constitutif ou aggravant des infractions

CHAPITRE 3. INCERTITUDES LIEES A L’AGE : DE LA QUESTION DU

I. LE MINEUR VICTIME : AGE ET CONSENTEMENT

2. Critère d’âge constitutif ou aggravant des infractions

La minorité de la victime en droit pénal s’entend à un double niveau : soit la minorité de 15 ans, soit celle de 18 ans, pour constituer ou aggraver les infractions sexuelles. C’est une spécificité du droit pénal français que de se référer à ces deux seuils d’âge dans les infractions, comme condition ou comme aggravation, à l’inverse des recommandations européennes282 F

283. Etudions cette distinction dans le tableau ci-dessous.

In

fr

ac

tion

s

Minorité de 15 ans Minorité de 18 ans

aggravant constitutif aggravant constitutif

Viol, Agression sexuelle, Corruption de mineur, Proxénétisme de mineur, recours à la prostitution de mineur, harcèlement sexuel Atteinte sexuelle, Proposition sexuelle à un mineur Proxénétisme de mineur (15- 18 ans) Atteinte sexuelle (15- 18 ans), Corruption de mineur, Pédopornographie, recours à la prostitution de mineur

Minorité victime et condition préalable des infractions. Le législateur utilise de façon alternative, soit le seuil d’âge de 18 ans (référé à la majorité civile), soit celui de 15 ans (référé à la majorité sexuelle), pour fonder certaines infractions sexuelles. La minorité de la victime s’entend alors comme condition préalable des infractions sexuelles, celles portant sur la mise en péril du mineur (atteintes sexuelles, corruption de mineur, proposition sexuelle à un mineur et

283En effet, la convention Lanzarote, 2007, dans ses préconisations législatives européennes

en matière d’infractions sexuelles sur mineurs a prévu 7 circonstances aggravantes, dont

l’âge ne fait pas partie : si l’infraction porte atteinte à la santé physique ou mentale de la victime, si elle est précédée ou accompagnée d’actes de torture ou de violences graves, si elle est commise contre une victime particulièrement vulnérable, si elle est commise par un membre de la famille ou une personne qui cohabite avec l’enfant ou une personne qui abuse de son autorité, si elle est commise par plusieurs personnes, si elles est commise dans le cadre d’une organisation criminelle, si l’auteur déjà condamné pour des faits de même nature. L’âge n’est pas un critère aggravant, mais constitutif des infractions.

pédopornographie) et du proxénétisme (recours à la prostitution de mineur). L’alternance des seuils d’âge est tout à fait singulière de ces incriminations sexuelles fondées par l’âge. Selon certains auteurs, le législateur a ainsi voulu « définir le plus largement possible la minorité afin de maintenir une protection

particulières aux personnes mineures 283F

284». Mais ce faisant, il existe des disparités entre les infractions sexuelles sur mineur constituées par le seuil de moins de 15 ans (atteinte sexuelle et proposition sexuelle fait à un mineur) ou concernant les grands mineurs de 15-18 ans (atteinte sexuelle sur mineur de plus de 15 ans) ou le seuil moins de 18 ans (pédopornographie, corruption de mineur, recours à la prostitution de mineur).

Minorité victime et circonstance aggravante : Le législateur utilise de façon générale le seuil d’âge de 15 ans pour aggraver les infractions sexuelles (viol, agression sexuelle, corruption de mineur, proxénétisme, recours à la prostitution de mineur, harcèlement sexuel2 84F

285). Ce seuil d’âge permet également d’aggraver d’autres infractions dans le code pénal, telles que le crime d’enlèvement ou séquestration285 F

286, ou d’incitation au suicide

286F

287. En revanche, le seuil d’âge de 18 ans, est utilisé dans une seule infraction sexuelle, celle de proxénétisme sur mineur et c’est du coup la seule infraction avec deux paliers

d’âge aggravants : les moins de 15 ans et les 15-18 ans. Le premier change le

régime de pénalité en transformant le délit de proxénétisme en crime passible d’une réclusion de 15 ans, tandis que le second élève la peine de 5 ans à 10 ans d’emprisonnement. Cette sévérité correspond à un axe fort de lutte contre les réseaux de prostitution infantile. Le seuil de 18 ans est donc rarement utilisé pour aggraver les infractions sexuelles, à l’exception du proxénétisme, alors qu’on le trouve dans d’autres, telles que l’exploitation à la mendicité287F

288 ou la traite des êtres humains288F

289. Notons enfin que, sans que l’on sache véritablement pourquoi, l’exhibition sexuelle est totalement exclue de ces logiques, seule incrimination sans aucune circonstance aggravante lié à l’âge.

284Bertrand Marrion. op. cit., p 38.

285Depuis la nouvelle disposition introduite par la loi n°2012-954 du 6 août 2012 sur le

harcèlement sexuel

286Article 224-5 du Code Pénal, le crime d’enlèvement et de séquestration élève la peine de 20

ans de réclusion criminelle à celle de perpétuité lorsque la victime est un mineur de 15 ans.

287Article 223-13 du Code Pénal. La répression passe de 3 ans d’emprisonnement et 45 000

euros d’amende à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque la victime a moins de 15 ans.

288Articles 225-12-5 et 225-12-6 du Code Pénal. La mendicité est punie de 7 ans

d’emprisonnement et 10 ans si commise sur un mineur.

289Articles 225-4-1 et 225-4-2 du Code Pénal. La traite des êtres humains est punie de 7 ans

Cette alternance des seuils d’âge, 15 ou 18 ans, constitutif ou aggravant, n’est pas simple. Elle donne à voir toute la complexité de la logique des infractions, et parfois la confusion suscitée. Depuis l’instauration du nouveau code pénal en 1994, le législateur a aggravé l’ensemble des peines en référence au seuil d’âge de 15 ans, sauf pour le viol289 F

290.

Le tableau ci-dessous résume l’évolution des peines applicables aux infractions sexuelles avec et sans critère d’âge de 15 ans :

In

fr

ac

tion

s

Peines de réclusion/emprisonnement encourues

1994 Depuis 2013 Sur majeur ou 15-18 ans Avec minorité de 15 ans Sur majeur ou 15-18 ans Avec minorité de 15 ans

Viol 15 ans 20 ans 15 ans 20 ans

Agression sexuelle 5 ans 7 ans 5 ans 10 ans

Atteinte sexuelle - 2 ans - 5 ans

Exhibition sexuelle 1 an - 1 an -

Harcèlement sexuel 1 an - 2 ans 3 ans

Corruption de mineur 5 ans 7 ans 5 ans 10 ans

Proposition sexuelle à un mineur

- - - 3 ans

Pédopornographie 1 an 3 ans 5 ans 5 ans

Proxénétisme 5 ans ou 10 ans 10 ans 7 ans ou 10 ans 15 ans Recours prostitution de mineur - - 5 ans 7 ans

Le tableau montre clairement cette sévérité accrue de la répression à l’égard des infractions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans. Avec la catégorie des grands mineurs, les 15-18 ans, pas d’élévation des peines, contrairement aux autres. Mais de nouvelles dispositions pour incriminer spécifiquement les violences qu’ils pourraient subir, que ce soit dans la corruption de mineur qui cumule les deux seuils d’âge, ou le proxénétisme sur mineur. Nous trouvons également de nombreuses dissonances : pour certaines infractions (atteinte sexuelle, corruption de mineur, pédopornographie) il y a jonction avec le seuil d’âge de 18 ans, alors que pour les autres (agression sexuelle, viol), passé le seuil de 15 ans, c’est le dispositif de droit commun qui s’applique. L’exhibition sexuelle est complètement évincée sur ces questions. Tout autrement, on voit que l’atteinte sexuelle du mineur de 15 ans reste une

290En effet, le crime de viol commis sur mineur de 15 ans est puni de 20 ans de réclusion

des infractions les moins sévèrement munies et très en deçà des peines encourues pour l’agression sexuelle sur mineur de 15 ans.

On voit donc la complexité introduite par la double référence à la majorité civile à 18 ans (qui peut concerner des questions relatives au sexe) et la majorité sexuelle à 15 ans : elle organise trois classes pour lesquelles l’âge de la victime est un critère aggravant ou constitutif des infractions : moins de 15 ans, 15 à 18 ans et moins de 18 ans.

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