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CHAPITRE 3. INCERTITUDES LIEES A L’AGE : DE LA QUESTION DU

II. L’INCESTE ET LES INTERDITS SEXUELS

1. La consanguinité dans l’ancien droit chrétien

L’inceste fait partie des premiers interdits sexuels explicités par le droit, tel que l’adultère par exemple. Il était l’un des crimes les plus dissimulés et l’un des comportements les plus marginaux réprouvés par les lois4 12F

413. La violence avec laquelle les sociétés l’ont puni à travers les différentes époques témoigne de l’horreur qu’il a toujours suscitée.

L’inceste se définit pénalement par l’interdiction pour une personne d’avoir une relation sexuelle avec ses proches. Or, ces relations n’ont pas toujours toutes été prohibées au même degré de gravité, ni selon les mêmes références, selon les époques et les cultures. Ses formes et ses contours juridiques ont considérablement changé. Ainsi par exemple, l’inceste maternel est le plus sévèrement puni dans le code Hammourabi en 1750 avant JC413F

414, en cas d’inceste d’un fils avec sa mère, les deux coupables sont jetés au feu. En revanche, s’il s’agit d’un inceste paternel, le père coupable est chassé de la ville.

Les lois romaines n’épargnaient pas non plus la sanction de l’inceste. Dans la loi des XII tables, l’inceste est considéré comme un crime à part passible de

413Le criminologue québécois Denis Szabo le présente ainsi dans son introduction à l’étude sur

l’inceste urbain. Voir : « L'inceste en milieu urbain. Étude de la dissociation des structures familiales dans le département de la Seine (1937-1954) ». 1958. En ligne sur le site de l’UQAC. URL : http://dx.doi.org/doi:10.1522/cla.szd.inc [Consulté le 24 octobre 2015].

414Le Code d'Hammourabi punissait l’inceste. § 154 : « Si un homme a eu commerce avec sa

fille, on chassera cet homme du lieu ». URL : http://ledroitcriminel.fr/dictionnaire.htm [Consulté le 13 mai 2015]. En cas d’inceste d’un fils avec sa mère, les deux coupables sont jetés au feu « Le Code babylonien d'Hammourabi ». URL : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5785586p/f15.item.r=code%20hamourabi.zoom# [Consulté le 31 octobre 2015].

la peine capitale414 F

415. Il en est de même, de la fin de la République romaine au bas empire, l’inceste reste un crime qui relève du châtiment suprême et soulève une horreur sacrée (Veyne, 1978 : 15). Avec la montée du christianisme en Occident, le droit biblique lui confère la même sévérité. Dans le lévitique 20, l’inceste est considéré par l’Eglise, comme une faute fondamentale contre la vie collective dans l’ordre de la famille « un péché de luxure qui se commet entre

parents ou alliés au degré prohibé par le mariage415F

416 ». Dans l'ancien droit chrétien, l’inceste relève à la fois d’une faute grave contre la loi naturelle4 16F

417 mais aussi et surtout d’un péché d’impureté contre la loi divine417 F

418. Le péché d’inceste est un des crimes les plus graves, qui s’assimile souvent à la sorcellerie. L'inceste, « néfendissum crimen » selon Boèrius (XVIè siècle), autrement dit le crime abominable, était lié à la notion de péché, de faute commune, sans distinction aucune entre la victime et le coupable. L’historien Georges Vigarello (1998 : 47, 48) a en effet montré dans son travail d’archives criminelles que les deux protagonistes de l’inceste étaient enveloppés dans la même faute et indignité de l'acte au point d’abolir la référence possible au viol. L’auteur donne quelques exemples. Le cas de Jeanne Alamy, 12 ans, qui a été reconnue coupable d’inceste, alors que son père était venu la trouver dans sa chambre pendant qu’elle dormait. Jeanne a été condamnée le 5 juin 1692 à être enfermée pendant un an dans une maison de force et à expier « sa faute » au pain et à l’eau dans cet établissement. La faute est encore plus grave lorsqu’un enfant est né d’un inceste. Ainsi, Denise Ensu en 1629, violée par son père, a été pendue avec ce dernier à Paris, sans que la violence du viol soit interrogée au cours du procès, ni que l’on sache ce qu’est devenu l’enfant né de l’inceste.

L’ancien droit connaissait l’inceste. Les rubriques des dictionnaires de droit et traités de jurisprudence du XVIème au XVIIIème siècle (Poumarède, 1987) le désignaient comme la conjonction illicite entre personnes parentes ou

415

Claire Lovisi. 2000. Contribution à l’étude de la peine de mort sous la République romaine (509-133 avant J.-C.), Paris, De Boccard. 393 p.

416

Dictionnaire de théologie morale. URL :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6318481h/f642.item.r=inceste%20crime.zoom[Consulté le 24 octobre 2015].

417La loi naturelle s’entend, comme un ordre de la nature des choses au sens philosophique de

Montesquieu, elle est invariable et s’imposent naturellement à tous « ces causes sont si fortes et

si naturelles, qu’elles ont agi presque par toute la terre, indépendamment d’aucune communication » (EL, XVI, 14, p.872) Esprit des Lois (1758). URL : http://dx.doi.org/doi:10.1522/cla.moc.del8.[Consulté le 13 mai 2015].

418URL :

http://ledroitcriminel.free.fr/dictionnaire/lettre_r/lettre_r_ran.htm [Consulté le 13 mai 2015]. Thomas d’Aquin, Gousset sans sa théologie morale estime que : « La loi ancienne

infligeait la peine de mort pour certains crimes particulièrement graves : homicide, rapt, irrévérence envers les parents, adultère, inceste... » ; « Les péchés de luxure ou d'impureté consommée sont de sept espèces : la simple fornication, le stupre, le rapt, l'inceste, le sacrilège, l'adultère, et le péché contre nature ».

alliés à un degré prohibé. L’ancien droit chrétien punissait l’inceste

différemment selon les degrés de parenté ou d’alliance (Knibielher, 2001 : 22418F

419). L’historienne rappelle que si la mère et son fils, étaient condamnés en 1503 à être brulés vifs pour inceste, l’oncle et sa nièce ou la tante et son neveu n’étaient punis que de la peine afflictive419 F

420. Le traité de matières criminelles de 1670420F

421 sanctionne de la peine capitale par le feu

421F

422 l’inceste par ascendant, frère ou sœur, ou alliés en ligne directe ; et d’aucune peine afflictive, l’inceste dans les autres degrés de parenté ou d’alliance en collatéral. Généralement dans ces degré de parenté, le dédommagement pécuniaire plus ou moins élevé suffisait, parfois une simple amende (un florin d’or).

Ainsi, dans l’ancien droit chrétien, l’inceste reste un crime jugé en tant que tel, plus ou moins sévèrement selon les liens de parenté ou d’alliance entre les protagonistes, mais toujours avec la certitude d’une faute commune. L’ancien droit considérait l’inceste comme un commerce illicite qui a lieu entre les personnes qui ne peuvent se marier à raison de leur parenté ou alliance ; la peine de l’inceste était la peine de mort, soit qu’il eut été commis entre ascendants et descendants, soit entre frères et sœurs, soit entre beaux-pères et belles-filles, beaux-fils et belles-mères. L’inceste des beaux-frères et belles-sœurs, oncles et nièces n’était condamné que d’une peine arbitraire.

2. L’interdit des places et des âges depuis la laïcisation du

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