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Œuvres d’Hélisenne de Crenne

2.2. Le triptyque hélisennien : une relation de « dérivation »

Gérard Genette considère que la relation de dérivation désigne les procédés hypertextuels, qui relèvent soit de l’imitation soit de la transformation. La transposition446 constitue, pour lui, un procédé d’analyse intertextuelle indispensable, qui se décline en  440 Les Angoysses, p.441. 441 Les Epistres, p.119. 442 Le Songe, p.73. 443 Id., p.58.

444 Les epistres familieres, p.69.

445 Les Angoysses, p.445.

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deux groupes : les transformations formelles et thématiques. Ces transformations reposent sur la transfocalisation, qui consiste à raconter la même histoire selon un autre point de vue ; ou sur la tranvocalisation, qui permet de donner la parole à une personne, qui ne l’a pas dans l’hypotexte par le changement des voix narratives.447

Ceci se concrétise, d’emblée, dans les Angoysses. Autrement dit, Hélisenne de Crenne emploie respectivement trois instances narratives pour raconter son expérience amoureuse (au premier récit), celle de son amant (au second récit) et l’histoire de la publication de ses « ecriptures » (au troisième récit). Ce triple changement énonciatif illustre l’aspect mouvant et varié du livre. Force est de noter que la visée de la transvocalisation paraît complexe et problématique dans la mesure où la narration de la même histoire selon un autre point de vue entraîne la modification de la résonance psychologique. Tyrannisée par son mari et suppliciée par les paroles accusatrices et diffamatoires d’autrui, Hélisenne s’isole et s’enferme malgré elle. L’écriture devient son seul refuge pour s’extérioriser et exorciser sa peine. En donnant la parole à son amant au second récit, elle pénètre le monde masculin, et elle aspire à une éventuelle libération par la transcription du tourment amoureux de son ami. Les deux expériences paraissent si similaires, que nous pourrions parler du dédoublement du personnage féminin. Quant au dernier récit, il est confié à Quezinstra. Choisir le compagnon fidèle à Guenelic comme narrateur n’est pas anodin. Son intervention est cruciale car sa mission consiste à diffuser l’histoire de deux amants et à dévoiler que les deux âmes ont été enfin réunies aux Champs Elyséens.

De surcroît, Dame Hélisenne recourt à la transfocalisation dans ses hypertextes (Epistres et le Songe) pour transformer l’hypotexte (Les Angoysses). Les trois premières

Epistres invectives renvoient manifestement aux Angoysses. Le mari d’Hélisenne surprend

sa femme entrain de lire les lettres échangées avec Guenelic. La narratrice des Angoysses recourt au discours transposé indirect448 pour résumer le dialogue entre Hélisene et son mari. Celle-ci essaye en vain de s’innocenter. Elle prétend que ses écrits sont composés « seulement par excercice ».449 Or, son mari, furieux, recourt à l’outrance verbale. Il lui ordonne, au début, de dévoiler l’identité de son amant : « Qui est le personnage à qui tu pretends commettre telz escriptz ? » ; il lui montre, ensuite, les lettres « Voicy lettres qui

447 Ibid., p. 411,415.

448 Id.,p.136.

449

t’ont esté envoyées, d’où viennent elles ? »450

; et il lui révèle enfin qu’il avait reconnu le double de sa lettre entre les mains de son ami, lequel par son inconstance et son indiscrétion l’a montrée à ses compagnons. Les paroles rapportées par la narratrice des

Angoysses ont été reproduites par Hélisenne de Crenne sous une nouvelle forme.

Autrement dit, si la protagoniste des Angoysses paraît incapable de se défendre devant les accusations fondées de son mari, Hélisenne de Crenne lui donne une nouvelle chance pour se rattraper et prouver son innocence. Elle reconstitue le même dialogue en changeant de stratégie discursive : nous passons ainsi du dialogue à l’échange épistolaire. Les trois premières Epistres invectives permettent ainsi de reparler du conflit entre Hélisenne et son mari, de manière plus détaillée et plus approfondie. Dame Hélisenne met aussi l’accent sur le ressenti de deux personnages et sur leurs réelles intentions. Autrement dit, Hélisenne continue dans sa première Epistre invective à clamer son innocence et elle recourt à la simulation et à la contre-attaque pour accuser son mari « du vice de credulité ».451 Elle évoque, à deux reprises, ses écrits : « […] tu avoys distinctement consideré mes escriptz, tu mueroys d’opinion »452

et « […] de mes compositions je deteste amour illicite : et avec affectueux desir, je exore les dames de toujours le vivre pudicque observer, par ces remonstrances miennes »453 pour confirmer qu’ils relèvent, tout simplement, d’un exercice littéraire, mettant les dames en garde contre les périls de l’amour lascif. En revanche, le mari recourt, dans l’Epistre II, au blâme. Il accuse de manière virulente son épouse et s’acharne contre tout le sexe féminin : « je ne veulx que tu estime, que les accusateurs ne tes esciptz eussent faict naistre la maulvaise opinion que j’ay de toy. Car je te certifie que non en choses ouys, mais en choses veues je suis credule ».454

Force est de noter que si la protagoniste des Angoysses semble vulnérable et assujettie vis-à-vis des accusations et de la violence de son mari, elle décide dans la troisième Epistre invective de se défendre. Hélisenne de Crenne,narratrice, la soutient et lance un réquisitoire contre le mari pour la revaloriser et revaloriser le sexe féminin : « Puis qu’il ne se peult garder d’increper en general la condition muliebre, ce que Hélisenne ne peult tolerer, parquoy elle allegue plusieurs raisons aptes à confondre le dire 

450

Ibid,.

451 Les Epistres invectives.,p.125.

452 Id,.p126.

453Ibid,.

454

de son mary ».455

En outre, l’héroïne des Angoysses recourt souvent au songe pour compenser le vide que crée l’absence de son bien-aimé. Elle s’approprie son objet de désir par la création d’un espace utopique propice à la constitution du couple :

[…] et certes le dormir me fut plus gracieux que le veiller ,parce qu’il sembloit estre avec mon amy en ung beau jardin plaisant et delectable, et sans aulcune timeur le tenoye par la main, et luy prioie fust prudent et discret…le contraindoit à exceder les mettes de raison : mais que doresnavant il tempereroit son appetit sensuel, en sorte qu’il me donneroit occasion de m’irriter. Et je oyant ses doulces et melliflues parolles, me sembloit qu’interrompoie sa voix par souvent le baiser et accoller.456

Le rêve devient une échappatoire permettant de réaliser son rêve et de s’unir avec Guenelic. La même idée se reproduit, dans le Songe. Or Hélisenne de Crenne qui se présente, dans les Angoysses, comme auteur, narratrice et personnage, préfère occuper, dans le Songe, le rôle d’un témoin et elle assiste, dans un premier lieu, à la discussion de deux amants qui cherchent un moyen pour satisfaire leur désir vénérien et pour éviter la vengeance du mari.

L’amant sollicite le soutien de Vénus pour ne pas subir les conséquences de la jalousie cruelle du mari, cocu. La menace que représente « Jalousie » dans le Songe, rappelle celle du mari violent dans les Angoysses. Ainsi, si les amants ont connu la mort à la fin des Angoysses, l’amant tente d’échapper à cette fatalité en faisant preuve de prudence et en implorant Vénus de les aider. Hélisenne de Crenne, évoque, dans son Epistre X, sur un mode allégorique, sa crainte de l’ « odieuse jalousie ».457

Dans cette perspective, le Songe reprend la même thématique que celle des

Angoysses. La Dame amoureuse envisage de quitter son mari ; mais elle exprime sa crainte

vis-à-vis de son amant, qui semble réticent et hésitant. De même, Hélisenne, effrayée par la violence de son mari jaloux et désespérée de l’attitude inconstante de son amant, exprime constamment son désarroi et elle aspire à la mort.

L’expérience amoureuse des deux protagonistes se ressemble, mais la fin de leurs histoires est bel et bien différente. Hélisenne s’acharne constamment dans la première 

455 Id,.p141.

456 Les Angoysses, p. 188-189.

457

partie des Angoysses sur Fortune et elle se montre vulnérable vis-à-vis des détracteurs, qui ont envenimé sa réputation et qui ont causé son enfermement dans le château de Cabasus. Quant à la Dame amoureuse, elle a été innocentée par Vérité qui est intervenue à la fin du

Songe pour lever tous les soupçons sur sa réputation et sur sa culpabilité : « Verité :

laquelle sans dilation assista et porta tesmoinage, que nonobstant les detractions des langues pestiferes, si n’avoit la dame Chasteté corrompue »458

.

En décrivant son désarroi vis-à-vis de son époux violent et sa volonté de voir son ami, la narratrice emploie une comparaison :

Mais comme une femme enceincte, est persecutée de griefves et excessives douleurs devant la naissance de l’enfant, mais incontinent qu’elle voit son fruict, la parfaicte joye et liesse ou elle est reduicte, luy faict oublier les peines precedentes: et aussi pour la suavité et doulceur intrinseque que je recepvoye du delectable regard de mon amy, me faisoit oublier tous mes travaulx et fatigues pretritz.459

Elle dépeint l’effet salvateur que produit la présence de son amant, lui permettant d’oublier toutes ses peines. Cette idée est reprise dans le Songe à travers l’échange entre Sensualité et Raison. La comparaison de l’enfantement est utilisée comme un argument religieux pour spiritualiser et transcender l’amour humain en amour divin. Le discours de Raison le confirme :

Car exprimoit le Salvateur en l’evangille : la femme à enfanter, seuffre peine et douleur : mais apres, tourne en oblivion toute angustie, quand on luy annonce, qui luy est nay ung beau filz : ainsi est de l’ame quand se mect à bien faire, au commencement le trouve difficile : et est fatiguée d’aulcune douleur et contrition, d’avoir la clemence divine offensée : mais finablement d’elle naist un beau filz : qui luy propine letification, ayant vie par grace, c'est-à-dire, l’œuvre bonne et meritoire460

En outre, le débat entre Pallas et Vénus, dans la tierce partie des Angoysses, a été reproduit dans le Songe de manière différente. Autrement dit, si la querelle des deux divinités a porté, dans l’Ample narration, sur le destin du livre ; le deuxième débat est centré sur le destin amoureux de deux amants. Dans les Angoysses, Guenelic supplie Quezinstra de diffuser son histoire avec Hélisenne. Le personnage féminin, absent, a été enfin glorifié par l’amplification du nom qu’Hélisenne donne à ses écritures : « mes 

458 Le Songe, p.130.

459Id., p.139.

460

angoysses », utilisé comme titre de l’œuvre.

Toutefois, « Mouvance » et « variance » caractérisent le triptyque hélisennien et confirment sa pluralité discursive. Ces deux notions relèvent d’une pratique médiéviste qui consiste à varier les anciens textes en les reformulant et les interprétant par le recours à la traduction. C’est ainsi que Paul Zumthor définit la mouvance des textes dans la culture médiévale :

Tout texte médiéval possède une généalogie, se situe à une place relativement précise, quoique mobile, dans un réseau de relations genitives et dans une procession d'engendrements. En ce sens, les relations intertextuelles au Moyen Age tiennent de celles qu'instaurent, dans notre pratique moderne, le commentaire (rapport d'interprétation), voire la traduction (rapport de transposition).461

Au vu de ce constat, l’intertextualité devient le lieu de transformation des textes-sources par la mise en place d’un autre discours qui se déploie selon un nouveau code, produit par l’enchevêtrement de plusieurs discours. Les Epistres et le Songe permettent ainsi d’actualiser le livre liminaire pour le compléter ; ou peut-être pour l’enrichir et le modifier.

461 Zumthor Paul, « Intertextualité et mouvance », Littérature, n°41, 1981. Intertextualité et roman en France, au Moyen Âge. p. 8- 16.

Conclusion

Les Angoysses renvoient explicitement à la Flammette de Boccace et au Pérégrin de Jacopo Caviceo. Les epistres familieres et invectives font écho aux Lettres familières de Cicéron et au De conscribendis epistolis d’Érasme ; et Le songe de madame Helisenne s’inspire du Roman de la Rose, du Songe de Scipion et des Écritures saintes. Le renvoi intertextuel a une fonction référentielle et éthique (au sens rhétorique), car il illustre le savoir et l’érudition d’Hélisenne de Crenne, qui confirme son éthos et sa crédibilité, par la citation directe ou indirecte des passages des références préexistantes. En outre, Hélisenne de Crenne ne se contente pas de reproduire fidèlement ce qui a été dit et écrit dans les textes antérieurs. Elle met en place un texte novateur qui reproduit, repense et innove les anciens textes afin d’actualiser le savoir encyclopédique du lecteur. C’est pourquoi les références intertextuelles permettent d’établir un rapport étroit entre auteur, narrateur et lecteur. Nathalie Piégay-Gros précise l’intérêt au recours à l’intertextualité en ces termes :

Le propre de l’intertextualité n’est donc pas de révéler un phénomène nouveau, mais de proposer une nouvelle manière de penser et d’appréhender des formes d’intersection explicite ou implicite entre deux textes.462

L’intertextualité relève aussi de la fonction argumentative. Citer un texte connu constitue un argument d’autorité. Hélisenne de Crenne s’inspire dans son Songe des

Écritures saintes et du Songe de Scipion. Ces deux références constituent une source

indispensable sur laquelle s’ouvre également Le Roman de la rose de Guillaume de Lorris. En outre, les références à des figures mythologiques ou historiques et les renvois bibliques et évangéliques permettent de libérer la copie de son modèle, en invitant le lecteur à revivre la même histoire différemment. De ce point de vue, la rencontre des références religieuses, littéraires, mythiques, philosophiques et socio-historiques montrent à quel point les personnages sont amenés à vivre une réalité autre. Ils se renouvellent avec le renouvellement de la référence évoquée et réinterprétée. Hélisenne de Crenne écrit pour confirmer sa culture et lutter contre la misogynie masculine. Nous retrouvons cette idée dans d’autres textes féminins. Christine de Pisan, Marguerite de Navarre, Louise Labé et 

Jeanne Flore ont essayé à travers leurs écrits de revaloriser la femme et de la présenter comme un être moral et intellectuel. Ces reprises de la même thématique confirment la volonté d’Hélisenne de Crenne d’affirmer son existence sociale et la nécessité de prouver ce rapport individu-collectivité tant souhaité et recherché. L’existence de l’autre est, en ce sens, fondamentale car le texte ne pourrait être productif et constructif qu’au moment où il est raisonné de manière collective. Chaque expérience authentique est, selon Hegel, intersubjective. Mais, c’est cette union entre le texte et son intertexte qui crée la relativité et l’hétérogénéité.

Par ailleurs, la fonction méta-discursive est une des fonctions fondamentales de l’intertexte. Elle met l’accent sur le processus de la lecture vis-à-vis de l’auteur et du lecteur. Une mise en abyme s’opère dans la mesure où l’acte de lecture nécessite aussi bien pour la narratrice que pour le lecteur le passage par plusieurs étapes : il faut s’approprier le texte, s’identifier au héros pour pouvoir expliquer, réinterpréter et dépasser l’ancien texte.

Les angoysses douloureuses qui procedent d’amours est un livre qui parle de sa propre

production. Hélisenne de Crenne a toujours éprouvé le besoin d’écrire. Ses « escriptures » ont été brûlées par son mari, mais ceci ne l’a jamais empêché de continuer à transcrire ses peines sur papier. De plus, Hélisenne, enfermée dans sa chambre, a continuellement éprouvé un désir intense de lire et relire les lettres, échangées avec son amant. C’est ce rapport de jouissance et de séduction entre la lecture et l’écriture qui ont contribué à produire l’œuvre littéraire. De plus, la publication des Epistres et du Songe relève peut-être de la volonté d’Hélisenne de Crenne de compléter le livre liminaire et de le rendre plus compréhensible auprès du lecteur. L’œuvre littéraire est ainsi le produit d’un travail acharné cherchant à identifier le « je » qui écrit, raconte et participe aux événements, à déterminer sa place dans le monde socio-culturel et à confirmer son pouvoir de conviction et d’innovation.

Reste au lecteur à comprendre ce détachement du texte-modèle en se détachant lui-même du texte lu et en donnant sa propre analyse et explication. La fonction herméneutique est dans ce sens incontournable pour décoder le texte et déterminer son double sens. C’est dans ce sens que Rastier détermine l’objet du recours à l’intertexte : « Un texte n’est jamais isolé et tire son sens de relations médiates avec d’autres textes

puisqu’il n’est jamais qu’une occurrence d’un genre »463

. La citation de Rastier est suggestive dans la mesure où l’intertexte est étroitement lié à la généricité. La confrontation des intertextes opère un dialogue générique voire une hybridité discursive permettant d’engager des nouveaux sens ou une nouvelle interprétation.

En outre, le triptyque hélisennien relève de l’esthétique de varietas. Les angoysses

douloureuses qui procedent d’amours constituent un livre protéiforme. Il se compose de

trois récits racontés par trois instances narratives différentes : le premier récit est narré par Hélisenne de Crenne, le second est raconté par son amant Guenelic ; mais Hélisenne de Crenne ne manque pas de rappeler, qu’elle est la principale scriptrice de l’œuvre. Le troisième récit est relaté par le compagnon de Guenelic, Quezinstra, après la mort de deux amants. Ce brouillage énonciatif entraîne un brouillage générique. Le texte liminaire mêle alors autobiographie et fiction.

Les epistres familieres et invectives relèvent d’une hybridité énonciative et

générique sous-jacente. Ceci se traduit par le changement de l’instance narrative, opérant l’entrelacement de deux voix : féminine et masculine. La forme binaire du recueil (la lettre familière et la lettre invective) confirme l’érudition d’Hélisenne de Crenne et sa parfaite maîtrise de la rhétorique classique. Le passage du privé au public marque l’évolution de l’épistolière et l’hétérogénéité de son œuvre. Ceci se concrétise par l’emploi d’une matière verbale, variée et éclectique, visant l’enchantement du lecteur. Le concept de varietas permet ainsi l’autoreprésentation d'une persona changeante, refusant toute définition fixe.

De même, l’esthétique de la varietas se concrétise dans Le Songe de Dame

Hélisenne. Sa pluralité discursive se traduit à travers le débat intellectualisé entre les

différentes figures allégoriques et les entités abstraites. Ces débats, d’ordre religieux et philosophique, permettent de s’interroger sur les rapports égalitaires entre l’homme et la femme et sur leurs visions sur l’amour. Le débat entre Raison et Sensualité a permis de repenser le rapport entre l’humain et le divin. Une certaine solennité religieuse caractérisant les dernières pages du Songe, a été rapidement interrompue par l’éveil de l’héroïne. Cette interruption brutale semble nécessaire pour permettre à la narratrice de reproduire son rêve par écrit et à l’auteur de transcrire son avis et ses impressions. Convaincue par les propos de Raison, la Dame amoureuse, est devenue « Dame Réduicte » 

463François Rastier , « Sens et textualité ». Genres de récits : narrativité et Généricité des textes.Jean-Michel Adam, Edition Harmattan-Academia, Collection Sciences du langage : carrefour et points de vue, n°14, Louvain-La-Neuve, 1989, p.40.

parce qu’elle a choisi le repentir et la félicité éternelle. La narratrice exprime, à son réveil, son désarroi et éprouve le besoin de consigner par écrit son Songe pour ne pas en perdre le souvenir.

Il en découle qu’Hélisenne de Crenne allie discours personnel, historique, philosophique et religieux afin de confirmer l’hybridité énonciative et discursive de son corpus. Le triptyque hélisennien se situe au carrefour des genres : il associe l’autobiographie et l’autofiction (Les Angoysses), le discours personnel et le discours public (Les Epistres) et le discours concret et le discours abstrait (Le Songe). Cette variété relève de la tentative d’Hélisenne de Crenne d’instaurer une nouvelle forme romanesque, rivalisant avec l’hégémonie du roman chevaleresque, caractérisée par la pratique immodérée de la glose et de l’emprunt à d’autres textes, en combinant dans ses œuvres : récit et discours, autobiographie et fiction…

La forme hybride et hétérogène du triptyque hélisennien nous a incitée à poser