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Travaux analysant les effets de la comptabilité en juste valeur sur les facteurs

CHAPITRE I Conséquences attendues sur l’instabilité bancaire de l’adoption des normes

3. Conséquence attendue n°2 : la réduction, induite par la qualité supérieure des états

4.1. Canaux d’influence des accruals de juste valeur sur l’instabilité

4.3.1. Travaux analysant les effets de la comptabilité en juste valeur sur les facteurs

Kahn (2009) cherche à voir si, comme avancé dans Plantin, Sapra et Shin (2008) et Cifuentes, Ferrucci et Shin (2005), les phénomènes de contagion des chocs ont cru avec l’adoption par un échantillon de banques américaines des normes requerrant l’usage du

capturant la coïncidence de chocs extrêmes entre banques.75 Schématiquement, l’approche, appliquée, dans Kahn (2009), au cas particulier du risque bancaire systémique, consiste à mesurer la contagion par la sensibilité du fait qu’une banque expérimente un choc extrême

(généralement mesuré par le fait qu’une banque se situe dans le 5ème ou le 10ème centile d’une

distribution du taux de rendement boursier sur une période donnée) au fait que d’autres banques de l’environnement expérimentent un choc extrême, après contrôle de l’effet lié à la survenance de facteurs d’environnement susceptibles d’expliquer les chocs extrêmes communs. Plus précisément, la spécification testée a la forme suivante :

Choc_Banque i,t =

β

0 +

β

1ÌChoc_Indice t +

β

2ÌFVA t +

β

3Ì(Choc_Indice tÌFVA t) +

β

4ÌY t + Effets fixes i + Muettes temporelles t +

ε

i,t ,

où :

- Choc_Banque i,t est une variable muette prenant la valeur « 1 » (« 0 » sinon) si la

banque i expérimente un choc extrême négatif sur la période t ;

- Choc_Indice t est une variable muette prenant la valeur « 1 » (« 0 » sinon) si un panier représentatif de banques à dimension systémique expérimente un choc extrême négatif sur la période t ;

- FVA t mesure la part des actifs et des passifs comptabilisés à la juste valeur (ou dont

une estimation de juste valeur doit être fournie en annexe) dans le secteur bancaire,

rapportée au total des bilans dans le secteur bancaire, à la période t ;

- Y t est le vecteur des variables de contrôle incluant la performance d’un indice de

marché et un taux d’intérêt court sur la période t.

Dans ce cadre, un coefficient β1 positif indique la présence d’effets de contagion. Par

extension, un coefficient β3 positif indique que les phénomènes de contagion sont exacerbés

en environnement fair value. L’étude porte sur 793 holdings bancaires, entre 1988 et 2007.

Sur ces bases, l’auteur trouve une association positive entre l’ampleur des effets de contagion et la proportion des bilan bancaires valorisée à la juste valeur (ou dont une estimation de la juste valeur des composantes est communiquée en notes annexes). En outre, il est montré que

l’incidence positive de la variable FVA sur l’effet de contagion est plus forte durant les

75

Bae, Karolyi et Stulz (2003) notamment, ont développé l’approche fondée sur la coïncidence des chocs extrêmes pour apprécier l’ampleur des phénomènes de contagion entre indices boursiers, dans les pays émergents.

périodes marquées par l’illiquidité. Ce dernier résultat est conforme aux conclusions des modèles de Plantin, Sapra et Shin (2008) et Cifuentes, Ferrucci et Shin (2005), notamment, selon lesquelles l’effet déstabilisateur de la comptabilité en juste valeur est d’autant plus fort que l’illiquidité sur les marchés d’actifs est importante.

Les résultats de Khan (2009), bien qu’enrichissants, doivent être lus avec précaution, toutefois, ce pour les raisons suivantes. Premièrement, l’usage par les banques de la comptabilité en juste valeur n’ayant cessé de croître aux États-Unis, entre 1988 et 2007, la

variable FVA, outre de mesurer le degré d’imprégnation de la fair value dans les états

financiers, reflète aussi l’effet du temps écoulé sur la période de test. Par suite, il est possible que cette variable capture l’effet de tendances liées à une hausse du risque de contagion sur la période d’étude, alors même qu’il pourrait ne pas exister d’incidence du mode de valorisation des bilans sur le risque de transmission des chocs. Par exemple, le fort développement, durant les années 2000, des marchés de produits structurés (types MBS et CDO) ayant causé la récente crise systémique pourrait expliquer le résultat trouvé par l’auteur (Leuz et Laux

2009b). Deuxièmement, la variable FVA comprend les composantes du bilan valorisées au

coût amorti dont une estimation de juste valeur est communiquée en notes. Dans la mesure où il est peu vraisemblable que les justes valeurs communiquées en annexe au bilan aient une incidence forte sur le risque systémique (ces justes valeurs, par exemple, ne constituent pas des inputs aux contrats dont les termes affectent les décisions managériales menant à

l’instabilité – voir le point 4.2, supra), on peut douter, une nouvelle fois, que l’effet capturé

par la variable FVA soit réellement lié à l’incidence du recours par les banques à la

comptabilité en juste valeur. Troisièmement, l’auteur constate un effet déstabilisateur de la juste valeur plus fort durant les périodes marquées par l’illiquidité, laquelle est approximée

par une mesure de la liquidité prévalant sur le NYSE (New York Stock Exchange). Or les

effets pervers du modèle comptable en juste valeur doivent croître avec l’illiquidité sur les marchés d’actifs détenus par les banques, et non pas avec l’illiquidité sur le marché de

cotation des actions bancaires.76

Ces remarques, plus globalement, illustrent la difficulté à identifier de façon précise l’effet

de l’utilisation par les banques du modèle fair value sur le risque d’instabilité. D’une part,

compte tenu du fait que les normes encadrant l’usage de la comptabilité en juste valeur s’appliquent à toutes les firmes d’un même environnement à une même date, la possibilité de

76

Khan (2009) justifie l’utilisation d’un indicateur mesurant l’illiquidité sur les marchés d’actions, en arguant qu’il existe une corrélation entre le degré de liquidité prévalant sur ces marchés et la liquidité prévalant sur les autres marchés d’actifs.

constituer des benchmarks de banques non affectées par la juste valeur, en vue de garantir que les tests ne sont pas influencés par la survenance de facteurs non observés, sans lien avec les règles comptables mais survenus aux dates d’introduction de la comptabilité en juste valeur, apparaît limitée. D’autre part, un problème se pose pour identifier, parmi les banques dont les

bilans sont valorisés à la fair value, les établissements dans lesquels l’effet négatif de la

comptabilité en juste en valeur est susceptible de jouer effectivement. Par exemple, les éléments développés dans les points précédents indiquent que l’incidence néfaste du modèle fair value doit être plus forte dans les banques détenant des actifs échangés sur des marchés illiquides. Or l’information concernant le degré de liquidité des places sur lesquelles les banques interviennent est difficile à obtenir.

Revenant à la revue des preuves empiriques existantes, Amel-Zadeh et Meeks (2010) cherchent à voir si l’adoption des normes comptables américaines SFAS 115 et SFAS 107, introduisant la comptabilité en juste valeur dans les états financiers, a accru l’incitation des banques à opter pour des politiques d’endettement pro-cyclique. Suivant Adrian et Shin (2008, 2010), les auteurs recourent à une spécification de la forme suivante :

Δ

FP i,t =

β

0 +

β

1Ì

Δ

TA i,t +

β

2ÌFVA t +

β

3Ì(

Δ

TA i,tÌFVA t) +

ε

i,t , où :

-

Δ

FP i,t est le changement du ratio d’endettement constaté dans une banque i sur le

trimestre t ;

-

Δ

TA i,t est le changement de valeur de l’actif pour la banque i sur le trimestre t ;

- FVA t est une variable muette prenant la valeur « 1 » si l’observation fait référence à la

période précédant l’année 1994, cette période étant marquée par une faible utilisation de la comptabilité en juste valeur dans l’industrie financière américaine, et « 0 » si l’observation fait référence à la période suivant 1994.

Adrian et Shin (2010) recourent à cette spécification (variable FVA exclue) pour montrer que

l’endettement des banques d’investissement américaines est pro-cyclique. L’endettement est

pro-cyclique lorsque β1 > 0, c'est-à-dire lorsqu’un choc positif affectant à la hausse la valeur

de l’actif conduit les banques à lever de la dette, en vue de rétablir leur ratio de capitaux propres optimal. L’endettement pro-cyclique est une source d’instabilité, dans la mesure où il favorise la formation de bulles sur les marchés d’actifs détenus par les banques, par le biais

d’un afflux de liquidités sur ces marchés (voir le point 1.2.3.2, supra). Pour un échantillon d’établissements de crédit américains, sur la période 1980-2008, Amel-Zadeh et Meeks (2010) manquent à valider l’hypothèse selon laquelle la comptabilité en juste valeur exacerbe le risque de pro-cyclicité. La validité de ce résultat, toutefois, est sujette aux mêmes précautions que celles évoquées précédemment.

4.3.2. Travaux étudiant la réaction des banques et des investisseurs à l’annonce, en