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CHAPITRE I Conséquences attendues sur l’instabilité bancaire de l’adoption des normes

1. Instabilité bancaire : définition, facteurs explicatifs et rôle de l’information comptable

1.2. Instabilité bancaire : facteurs explicatifs

1.2.3. Pro-cyclicality view

1.2.3.2. Biais d’endettement pro-cyclique

Un autre facteur de cyclicité tient à l’existence de « biais d’endettement pro-cyclique ». Sous cet angle, les phases haussières de cycle économique sont amplifiées par une abondance de liquidité bancaire alimentée par les ajustements pro-cycliques des ratios d’endettement des banques. Le mécanisme d’amplification, plus précisément, fonctionne schématiquement de la façon suivante (Adrian et Shin 2008, 2010, Greenlaw et al. 2008, Plantin, Sapra et Shin 2005). Supposons :

(1) que des banques financent par dette et fonds propres une même classe d’actifs (par exemple des titres adossés à des crédits immobiliers) ;

(2) que le marché d’actifs en question soit imparfaitement liquide, de sorte que le prix

coté sur ce marché est influencé par les décisions d’achat et de vente des opérateurs (liquidity pricing) ;

(3) que les dirigeants des banques, désireux de maximiser la performance actionnariale,

cherchent à aligner les capitaux propres effectifs, E, avec le capital économique ou

valeur en risque (Value-at-Risk), V. Cette dernière représente la perte probable

maximale encourue par une banque en cas de survenance d’un choc exceptionnel à un

horizon T, compte tenu d’un niveau de couverture du risque inattendu p défini ex ante.

Pour des raisons de commodité, nous écrirons : V = AÌv, où A représente la valeur des

actifs et v la valeur en risque par euro d’actif détenu.

Dans ce cadre, supposons encore que survienne, en ti, un choc positif affectant à la hausse

la valeur intrinsèque des actifs (par exemple, une amélioration de la capacité de remboursement des emprunteurs). Le choc positif réduit le risque attaché à la détention des actifs et conduit, par extension, à une diminution des valeurs en risque par euro d’actif

financé, lesquelles passent de v (valeurs en risque avant le choc) à v’ (valeurs en risque après

le choc). Cela laisse aux dirigeants un surplus de capital effectif, noté S et équivalant à E – (A

Ìv’ ), dont l’utilisation est à rationaliser. À supposer que le surplus S ne soit pas distribué, les

dirigeant optent pour la solution consistant à accroître la détention d’actifs risqués jusqu’au

point où ΔAÌv1 = S. Pour ce faire, ils utilisent le surplus S comme gage afin de lever de la

dette supplémentaire, puis emploient les liquidités obtenues pour acquérir les actifs ayant

supporté le choc initial positif. Les capitaux propres effectifs E restant inchangés, l’opération

d’alignement de V sur E a pour effet d’accroître le ratio d’endettement des banques, toutes

choses égales par ailleurs.

Sur un marché où les prix sont sensibles aux volumes d’échange, l’afflux de liquidités

entraîne un accroissement à court terme de la valeur vénale des actifs échangés. En ti+1, la

hausse de valeur cause une diminution du risque perçu associé à la détention des actifs et provoque un nouvel effondrement des valeurs en risque. Il s’ensuit un nouvel ajustement des structures de passif dans l’environnement : de la dette est levée par les banques en vue de rétablir l’égalité entre capital effectif et capital économique, puis est réinvestie en actifs

et ainsi de suite jusqu’à ce que s’estompe, à l’horizon ti+n, l’effet d’amplification du choc positif initial.20

En présence de marchés d’actifs illiquides, le jeu des ajustements des structures de passif a des effets dévastateurs sur la stabilité future du secteur bancaire. De fait, il conduit les

banques à offrir, à l’horizon ti+n, plus de liquidités qu’il n’y a d’actifs performants dans

l’économie, ce qui amène à un sur-financement d’actifs avariés. Plus précisément, les

stratégies de ciblage du ratio d’endettement optimal (celui pour lequel E = V) amènent les

banques à acquérir, aux périodes ti+1, ti+2, … ti+n, des actifs qui n’ont supporté aucun choc

positif affectant leur valeur intrinsèque durant ces périodes. Seul le choc initial survenu en ti

influe sur la valeur fondamentale des actifs et, par extension, sur la proportion de ceux qui

sont, dans l’économie, créateurs de valeur. A contrario, les augmentations de valeur des actifs

constatées au titre des périodes postérieures à ti résultent seulement d’une demande excessive

des banques à la recherche d’un emploi aux liquidités levées lors des ajustements des structures de passif.

Greenlaw et al. (2008), entre autres, mobilisent l’hypothèse d’endettement pro-cyclique

pour justifier la survenance de la crise bancaire des subprimes. Les auteurs, notamment,

trouvent une association positive entre le taux de croissance de l’endettement des grandes banques américaines et le taux de croissance des actifs détenus, sur la période 1999–2007, résultat en partie conforme à l’hypothèse d’endettement pro-cyclique. Bien que le lien entre ajustement des structures d’endettement et détention d’actifs non performants n’est pas, cependant, établi empiriquement dans l’étude, les auteurs soutiennent que, comme énoncé

dans le paragraphe précédent, « aggregate liquidity is intimately tied to how hard the

financial intermediaries search for borrowers. With regard to the subprime mortgage market in the United States, we have seen that when balance sheets are expanding fast enough, even borrowers who do not have the means to repay are granted credit. The seeds of the subsequent downturn in the credit cycle are thus sown (Greenlaw et al. 2008, p.30) ». Les travaux enrichissants de Dell’Arriccia, Igan et Laeven (2008) sont également compatibles avec l’hypothèse d’endettement pro-cyclique. En effet, la propension des dirigeants des banques à gérer activement leur structure d’endettement peut en partie expliquer la relation trouvée par les auteurs, à savoir qu’un relâchement des conditions d’accès au crédit à

20 Il convient de noter que le mécanisme d’amplification est maximal si toutes les banques d’un environnement

optent pour la même stratégie d’ajustement du ratio d’endettement. L’indexation des rémunérations sur la performance d’un benchmark et l’enclin des dirigeants à agir à court terme poussent les managers à adopter des comportements mimétiques et à ajuster collectivement leur structure de financement.

accompagner l’expansion rapide du marché des prêts immobiliers américains « subprimes » sur la période 2000-2006.