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Conséquences de l’utilisation du modèle en juste valeur partielle instauré par les

CHAPITRE I Conséquences attendues sur l’instabilité bancaire de l’adoption des normes

3. Conséquence attendue n°2 : la réduction, induite par la qualité supérieure des états

4.1. Canaux d’influence des accruals de juste valeur sur l’instabilité

4.2.1. Conséquences de l’utilisation du modèle en juste valeur partielle instauré par les

La comptabilité en juste valeur instaurée par les normes IAS 39 et IFRS 7 constitue un

modèle de juste valeur « partielle » (« partial fair value accounting »), au sens où une fraction

seulement des instruments financiers détenus par les banques fait l’objet d’une inscription au bilan à leur juste valeur. La norme IAS 39 distingue cinq catégories d’instruments financiers. À l’actif, la norme distingue : (1) les actifs détenus à des fins de transaction, valorisés à la juste valeur par le résultat ; (2) les titres détenus jusqu’à échéance, valorisés au coût amorti ; (3) les prêts et créances, valorisés au coût amorti ; (4) les actifs disponibles à la vente, catégorie regroupant les titres non affectables à l’une des trois catégories précédentes et valorisés à la juste valeur par les capitaux propres. Au passif, la norme distingue : (1) les passifs détenus à des fins de transaction, valorisés à la juste valeur par le résultat ; (2) les autres passifs (tels les dépôts ou les dettes subordonnées), valorisés au coût amorti. Parallèlement à IAS 39, la norme IFRS 7 requiert des banques qu’elles fournissent, en notes annexes au bilan, une estimation de la juste valeur des instruments financiers valorisés au coût

amorti (titres détenus jusqu’à échéance, prêts et créances, autres passifs). Au final, trois modalités de comptabilisation des instruments financiers sont à distinguer :

(1) les actifs et passifs à la juste valeur par le résultat net ;

(2) les actifs à la juste valeur par les capitaux propres (ou par le résultat global, donné par

la somme du résultat net et des variations des réserves de réévaluation) ;

(3) les actifs et passifs comptabilisés (« recognized ») au coût amorti par le résultat net et

dont la juste valeur est seulement communiquée (« disclosed ») dans les notes

annexes.

Dans la mesure où les bilans des banques sont constitués majoritairement de crédits (et de dépôts) et où les crédits (et les dépôts) sont généralement valorisés au coût amorti, un premier constat est qu’en application des dispositions actuelles des normes IAS/IFRS, une part importante des changements de juste valeur constatée dans les états financiers des banques n’a pas d’incidence sur les items comptables influençant les comportements (qui mènent potentiellement à l’instabilité) des dirigeants et des investisseurs. D’une part, les changements de juste valeur des instruments financiers comptabilisés au coût amorti n’affectant ni le résultat, ni les fonds propres, ils sont sans effet sur les arrangements contractuels encadrant les décisions managériales. De fait, les contrats de rémunération sont généralement fondés sur le

résultat net, plutôt que sur le résultat global ou sur le résultat « full fair value » (Biddle et

Choi 2006) ; les contrats de dette se basent sur des ratios financiers excluant, en principe, les gains latents issus de l’application de la comptabilité en juste valeur (Li 2008) ; les ratios de fonds propres prudentiels, enfin, sont fondés sur les capitaux propres comptables évalués de manière prudente, c'est-à-dire en éliminant, à la manière des ratios utilisés dans les contrats de dette, les réserves de juste valeur constatées sur les instruments financiers (Banque de France 2004, CEBS 2004). D’autre part, les changements de juste valeur des instruments financiers comptabilisés au coût amorti n’étant communiqués qu’en notes annexes au bilan, il sont sans effet sur les décisions d’achat/vente de titres émanant des investisseurs « fixant » naïvement le

résultat comptable.71, 72

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Il pourrait être avancé que les baisses de juste valeur des instruments financiers comptabilisés au coût amorti affectent le résultat net et les capitaux propres par le biais d’une dépréciation de ces instruments. Toutefois, il apparaît, à la lecture de la norme IAS 39, que les règles de dépréciation des instruments financiers au coût amorti sont fondées principalement sur l’existence d’un risque de crédit et non d’un risque de marché. Pour un prêt, par exemple, les principaux critères de dépréciation énoncés par la norme IAS 39 sont ainsi les suivants (IAS 39, §39) : difficultés financières majeures rencontrées par le débiteur, probabilité haute que le débiteur entre en phase de cessation de paiement, survenance de facteurs macroéconomiques affectant la solvabilité du débiteur.

Des conclusions semblables s’appliquent au cas des titres disponibles à la vente (« available for sale securities »). Les changements de juste valeur constatés sur ces titres transitent, en normes IAS/IFRS, par une réserve de réévaluation inscrite en capitaux propres, à moins que ces titres ne soient à déprécier durablement (dans ce cas, la dépréciation est constatée directement en résultat net). Or cette réserve de réévaluation, qui reflète des gains latents incertains, est exclue des fonds propres prudentiels (CEBS 2007) et n’est généralement pas prise en compte pour le calcul de la performance sur laquelle les contrats de rémunération indexent les appointements versés aux dirigeants. Enfin, les variations de la réserve de réévaluation des instruments AFS sont comprises dans le résultat global, qui constitue un item sur lequel les investisseurs portent une attention plus limitée, notamment lorsqu’il n’est pas présenté, dans les états financiers, sur un état de performance distinct du tableau de variation des capitaux propres (Bamber et al. 2007, Maines et McDaniel 2000).

In fine, le fait que la majorité des changements de juste valeur des instruments financiers détenus par les banques n’affecte pas les items comptables susceptibles d’orienter les décisions des dirigeants et des investisseurs constitue une remise en cause forte de l’argument selon lequel les normes IAS/IFRS auraient contribué à amplifier la récente crise bancaire (voir, dans ce sens, Leuz et Laux 2009a). La remise en cause de l’argument est d’autant plus forte que ce sont les justes valeurs des crédits, sans effet sur le résultat et les capitaux propres – car seulement communiquées en notes annexes –, qui sont susceptibles de causer le risque d’instabilité le plus grand. En effet, dans l’article discuté précédemment, Plantin, Sapra et Shin (2008) montrent que l’effet néfaste de la comptabilité en juste valeur sur le risque de contagion des chocs est plus fort en cas de valorisation à la juste valeur d’actifs illiquides, seniors et à maturité longue, soit exactement les caractéristiques des prêts bancaires.

below its cost or amortised cost is not necessarily evidence of impairment (for example, a decline in the fair value of an investment in a debt instrument that results from an increase in the risk-free interest rate). »

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Il est possible d’avancer que l’hypothèse de fixation ne tient pas et qu’en conséquence, les investisseurs traitent sans faille toute l’information comptable disponible, peu importe sa localisation (compte de résultat, tableau de variation des capitaux propres ou notes annexes) dans les états financiers publiés par les banques. Un tel argument va cependant à l’encontre des résultats de travaux empiriques récents (Ahmed, Kilic et Lobo 2006, Hirst, Hopkins et Wahlen 2004), qui indiquent qu’une même information comptable est davantage reflétée dans les prix des titres et le jugement des analystes lorsqu’elle est comprise dans le résultat net, plutôt que lorsqu’elle simplement divulguée en notes annexes.

4.2.2. Cas d’exemption d’application de la comptabilité en juste valeur permis par le