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Un travail de coordination tourné vers l’homogénéisation et l’encadrement des pratiques médicales et soignantes

Nouvelles fonctions, nouveaux défis

B. Les nouvelles fonctions de coordination : difficile de concilier les actes cliniques, le management d’équipe, et l’animation de réseau

1. Les médecins coordonnateurs en EHPAD : « rester médecin avant tout »

1.3. Un travail de coordination tourné vers l’homogénéisation et l’encadrement des pratiques médicales et soignantes

Si le médecin coordonnateurs intervient dans la trajectoire de chacun des résidents, notamment à leur arrivée dans l‟établissement, il n‟est pas chargé de la gestion individuelle de leurs trajectoires – les médecins traitants sont les professionnels dédiés à cette tâche. En revanche, parmi les 12 missions du médecin coordonnateur, telles qu‟elles ont été fixées par

89 Nous empruntons ici les analyses produites par Robelet (2007) à partir d‟une dizaine d‟entretiens approfondis

avec des médecins coordonnateurs.

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les décrets de 2005 et 2007 (voir liste ci-après), deux consistent exclusivement en des activités de « coordination », entendue cette fois comme management d‟équipe et construction et animation de réseau. La troisième mission indique en effet qu‟il « organise la coordination des professionnels de santé salariés et libéraux exerçant dans l‟établissement », c‟est-à-dire les infirmières, les aides-soignantes, les médecins, les psychologues ou encore les kinésithérapeutes. En vertu de la onzième mission, le médecin coordonnateur « collabore à la mise en œuvre de réseaux gérontologiques coordonnés ». La dixième mission peut aussi être vue comme relevant du même faisceau de tâches de coordination, puisqu‟elle concerne « la mise en œuvre de la ou des conventions conclues entre l‟établissement et les établissements de santé au titre de la continuité des soins ». L‟enquête de la FMA révèle que ces conventions sont signées avec des centres hospitaliers généraux (21 %), des équipes mobiles de soins palliatifs (18 %), des services de psychiatrie (16 %), des hôpitaux locaux (15 %) ou encore des cliniques privées (10 %).

Une mesure de la participation des médecins coordonnateurs à ces différentes missions est donnée par l‟enquête réalisée par la FMA et présentée dans le graphique ci-dessous. A propos des missions impliquant une mobilisation directe de l‟expertise gériatrique (2, 4, 9, 8), une majorité de médecins coordonnateurs déclarent que leur participation est systématique. Au contraire, les missions de coordination (3 et 11) font partie de celles pour lesquelles une minorité de médecins déclare une participation systématique. Ces réponses sont cohérentes avec les analyses de Robelet, qui observe que les tâches cliniques d‟évaluation occupent un temps important du travail du médecin lors de sa présence à la maison de retraite.

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La faible fréquence de participation des coordonnateurs à la mission de coordination des professionnels intervenant dans l‟établissement est sans doute à mettre en relation avec la réticence ou la difficulté qu‟ils ont à coordonner l‟action des médecins traitants des résidents. D‟après l‟enquête de la FMA, il est possible d‟évaluer à 16 en moyenne le nombre de généralistes libéraux intervenant dans chacun des EHPAD. Les écarts sont importants, allant de moins de cinq pour 13 % des EHPAD, à plus de 30 pour 14 % des EHPAD. Pour 66 % des médecins coordonnateurs, leurs relations avec ces généralistes sont satisfaisantes ; pour les autres, elles sont absentes ou médiocres, la principale source de tension étant la tenue du dossier médical.

Si les médecins coordonnateurs ne s‟engagent pas pleinement dans leur mission d‟organisation du travail de leurs confrères, tant ils craignent de trop interférer dans leur liberté de prescription et d‟action et de voir leurs relations se détériorer, ils veillent néanmoins au respect de ce qu‟ils jugent être les « bonnes pratiques » médicales. Tous les médecins interrogés par Robelet ont ainsi insisté sur la diplomatie et le tact dont ils font preuve pour imposer leur expertise gériatrique aux médecins généralistes. Certains utilisent par exemple la grille Pathos, qui est avant tout un outil de gestion, pour repérer les pratiques médicales « déviantes » et homogénéiser les pratiques des confrères91 :

« Je mets mon nez dans les dossiers médicaux, et dans la grille pathos on me demande si les gens ont une anémie ou une insuffisance rénal alors que la prise de sang est un moyen sur de voir les anémies… alors je regarde les dernières prises de sang et je m’aperçois quand même qu’il y a des personnes pour lesquelles il n’y a pas de prise de sang depuis un an voir plus et qu’il y a peut-être une ou deux personnes qui n’ont pas eu de prise de sang du tout depuis qu’elles sont arrivées. Donc je m’en inquiète auprès du généraliste, que je sollicite. Alors il me répond comme un généraliste et moi je lui réponds comme un gériatre et bon… il répond que lui, c’est quelqu’un qui coûte pas cher à la

91 Extrait d‟un entretien réalisé par Robelet.

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sécurité sociale, que s’il n’y a pas de souci il voit pas pourquoi il demanderait une prise de sang et que sinon, voilà… hein, qu’il est clinicien avant tout. Moi je lui réponds en gériatre qu’on prend en charge des gens qui ne sont pas des retraités de 65 ans actifs mais parfois des grands vieillards et qu’il me semble que c’est important de faire des prises de sang à intervalle régulier et que très souvent on passe à côté d’une anémie ou d’une insuffisance rénale si on fait pas de prise de sang… et je lui dis aussi que je suis obligée de faire du Pathos… » (femme, gériatre, 44 ans)

S‟ils n‟assument pas pleinement toutes leurs tâches de coordination, que ce soit à cause d‟un manque de motivation pour ce type de tâches ou des difficultés à coordonner les actions des confrères généralistes libéraux, on peut conclure avec Robelet que les médecins coordonnateurs favorisent néanmoins la coordination des professionnels intervenant en EHPAD. Ils sont « porteurs d‟une „„rationalisation professionnelle‟‟ du travail dans les maisons de retraite, que l‟on peut définir comme un processus d‟homogénéisation des pratiques professionnelles, à travers notamment la diffusion de „„bonnes pratiques‟‟ élaborées par les élites académiques de la profession. » Cette homogénéisation des pratiques est une des conditions nécessaires à la continuité et à la cohérence des soins données aux personnes âgées, aussi bien à l‟intérieur des établissements qu‟en dehors.

2. Les coordonnateurs de MDPH : de l’évaluation des besoins des personnes

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