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Quel travail de coordination ? Des profils d’activité différenciés

Nouvelles fonctions, nouveaux défis

2.2. Quel travail de coordination ? Des profils d’activité différenciés

A la question « Avant de prendre votre poste, est-ce que le travail de coordination vous motivait particulièrement ? », 68 % des coordonnateurs ont répondu « oui » et 18 % « plutôt ». Comme l‟indique le graphique 1, seuls quelques coordonnateurs, tous médecins de formation, n‟étaient pas ou « pas vraiment » intéressés par la coordination. Mais qu‟entendent-ils par coordination ? Comment les coordonnateurs se représentent leur mission et en quoi consiste leur travail au quotidien ? La façon d‟appréhender l‟activité de coordination diffère-t-elle selon l‟appartenance professionnelle d‟origine ?

Graphique 1. Motivation des coordonnateurs de MDPH pour la coordination selon leur appartenance professionnelle (N=50)

Plusieurs questions posées aux coordonnateurs permettent de saisir leur profil d’activité,

c’est-à-dire à la fois leur manière de se représenter leur activité et de l’exercer. En

analysant les réponses, nous avons construit quatre variables. La variable « Répartition du temps de travail » indique si le coordonnateur interrogé passe plus, moins ou autant de temps à coopérer avec ses collègues internes ou non à la MDPH qu‟auprès des personnes handicapées (3 modalités) ; la variable « Quotidien » varie selon qu‟il trouve que son activité au quotidien est davantage tournée vers l‟évaluation, ou aussi bien vers l‟évaluation que vers la construction de réseau (2 modalités) ; la variable « Coordination » permet d‟appréhender la façon dont il considère son travail de coordination, qui peut concerner seulement l‟équipe pluridisciplinaire ou également les partenaires extérieurs (2 modalités). A partir de la question ouverte touchant aux difficultés rencontrées par les coordonnateurs, enfin, nous avons construit la variable « Difficulté dominante ». Quatre grands types de réponses ont été retenus : « Manque d‟effectifs et de moyens » (cette modalité rassemble 44 % des réponses) ; « Gestion des relations délicates » (32 %), touchant aussi bien les relations avec la direction, les membres de l‟équipe ou les partenaires ; « Manque de temps pour faire de la coordination avec les partenaires » (12 %) ; non renseigné ou « Pas de difficulté déclarée » (12 %).

Pour identifier les relations possibles entre les différentes modalités de ces quatre variables, c‟est-à-dire entre les réponses données par les coordonnateurs aux différentes questions qui

0 5 10 15 20 25 30 35 Non Pas vraiment Plutôt Oui Administratifs Professionnels paramédicaux Travailleurs sociaux Médecins

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leur ont été posées, nous avons procédé à une analyse des correspondances multiples (ACM). La variable « Appartenance professionnelle », qui comporte quatre modalités (médecins, paramédicaux, administratifs ou travailleurs sociaux), est ici utilisée comme supplémentaire car on ne souhaite pas qu‟elle influe sur les calculs, mais son positionnement a posteriori nous intéresse. Nous souhaitons en effet voir si les différents profils d‟activité révélés par l‟analyse, à partir des variables décrivant le travail des coordonnateurs, peuvent être interprétés comme relevant aussi de profils professionnels distincts. Le graphique 2 donne une représentation simultanée de la proximité des modalités des quatre variables qualitatives étudiées. Chaque point représente une modalité et est le barycentre de tous les individus partageant cette modalité. Les points correspondants à l‟appartenance professionnelle ont été projetés indépendamment.

Graphique 2. Les profils d’activité des coordonnateurs de MDPH : graphique des variables produit par ACM (axes F1 et F2 : 81,87 %)

L‟axe horizontal (F1) et l‟axe vertical (F2) expliquent respectivement 68,36 % et 13,52 % des différences observées. Cela signifie que les écarts entre les modalités de droite et de gauche sont plus importants que les écarts entre celles de la partie supérieure et de la partie inférieure du graphique, mais que ces derniers ne sont pas négligeables pour autant. Nous allons donc étudier de plus près la répartition des modalités situées de part et d‟autre de l‟axe vertical sur le graphique 2. Elle révèle l‟existence de deux grands profils de coordonnateurs : l’un

Temps PH >> Temps collègues Temps collègues = Temps PH

Temps collègues >> Temps PH

Quotidien tourné vers la construction de réseau

Quotidien tourné vers l'évaluation

Quotidien tourné vers l'évaluation et la construction de

réseau Coordination concerne l'équipe

Coordination concerne l'équipe et les partenaires Gestion des relations délicate

Manque d'effectifs et de moyens

Manque de temps pour faire de la coordination avec les partenaires

Administratifs Médecins Paramédicaux Travailleurs sociaux -1 -0,5 0 0,5 1 1,5 -3 -2,5 -2 -1,5 -1 -0,5 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 F2 (1 3 ,5 2 % ) F1 (68,36 %)

Graphique symétrique des variables (axes F1 et F2 : 81,87 %)

Variables Variables supp.

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tourné davantage vers l’évaluation des besoins des personnes et l’autre vers la construction et l’animation d’un réseau de partenaires.

2.2.1. Les coordonnateurs médecins davantage tournés vers l’évaluation Le rapprochement des modalités situées à droite de l‟axe vertical permet de dresser le portrait d‟un coordonnateur pour lequel l‟activité de coordination concerne avant tout l‟équipe pluridisciplinaire dont il organise et encadre le travail ; il passe beaucoup de temps auprès des usagers de la MDPH (dans son bureau, à leur domicile ou encore au téléphone) parce qu‟il conduit lui-même des évaluations ; enfin, il regrette de manquer de temps pour faire davantage de coordination avec les partenaires extérieurs. A l‟opposé de cette figure du coordonnateur de MDPH « évaluateur », il y a celle du « pilote de réseau » : son quotidien est tourné vers la construction de réseau, il passe peu de temps avec les personnes handicapées, tout occupé qu‟il est à travailler avec les membres de l‟équipe pluridisciplinaire et à faire de la coordination avec les partenaires extérieurs. Si peu de personnes interrogées incarnent de façon parfaite les deux grands idéaux-type que nous avons décrits, l‟ACM montre qu‟il est pertinent de les distinguer.

Parmi les coordonnateurs interrogés, il se trouve que les médecins sont les plus enclins à rassembler les caractéristiques de l‟évaluateur. Faut-il interpréter cela comme l‟effet d‟une contrainte liée au manque de personnel ou plutôt d‟un goût pour le contact avec les personnes et pour l‟évaluation ?

Une femme, âgée de 59 ans, médecin généraliste ayant auparavant travaillé pour le Conseil général, consacre 80 % de son activité auprès des personnes handicapées. Elle déclare : « Je n'ai pas le temps

actuellement de faire réellement de la construction de réseau, on n’est trop peu nombreux ! La réduction du nombre de médecins m'oblige à étudier tous les types de demandes : cartes, ORM déplacement, éligibilité PCH, APA et aide ménagère. Trop peu de médecins (2,4 ETP !) pour traiter toutes les demandes. Cela va nous obliger à revoir les procédures pour pouvoir enfin faire de la

coordination avec tous les partenaires.»

Il y aurait donc un effet du manque d’effectifs sur l‟activité des coordonnateurs. Mais il n‟y a pas de raisons pour que les MDPH dont le coordonnateur est médecin soient moins dotées que les autres. Les coordonnateurs qui se plaignent du manque de moyens, et qui sont plutôt des non-médecins, ont d‟ailleurs souvent déclaré aussi que leur travail de coordination concernait à la fois l‟équipe pluridisciplinaire et les partenaires extérieurs. Peut-être qu‟ils réagissent différemment à une pénurie de personnel au sein des MDPH, en faisant par exemple davantage appel à des évaluateurs extérieurs. Si les coordonnateurs médecins sont tournés vers l‟évaluation, c‟est donc parce qu‟ils pallient eux-mêmes ce qu‟ils considèrent comme des carences de personnel. C‟est aussi parce qu‟ils aiment le contact avec les

personnes et le travail de diagnostic, qui caractérise leur métier d’origine. Lors de la 6e

journée des coordonnateurs organisée par la CNSA, une coordinatrice dit ainsi à une collègue qu‟elle ne pourrait pas imaginer ne pas rencontrer tous les usagers, et que c‟est même pour cela qu‟elle fait ce métier.

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Graphique 3. Les coordonnateurs de MDPH et leurs homologues : graphique des observations produit par ACM

n.r. Chef de service EMS, Coordonateur CLIC

n.r. n.r. Coordonnateur de réseau aucun n.r. n.r.

Une assistante sociale d'un SAMSAH en particulier Directeurs d'EMS, Responsables de services

dans les administrations

Médecin coordonnateur APA, Médecin conseil (chef)

n.r. Coordinatrice de réseau de santé

Responsables de CLIC

Médecins responsables d'évaluation dans les EMS

Enseignants référents Directeur du CRA

Chef de service dans d'autres domaine

n.r. Responsables de service

n.r.

Directeur EMS et équipes d'encadrement EMS

aucun n.r.

n.r.

Responsables de service d'aide à la personne n.r. n.r. n.r. n.r. n.r. n.r.

Evaluateurs au sein des ESAT

Coordonnateur SPASE n.r. n.r. n.r. n.r. n.r.

Médecin de SESSAD, d'IME, de SAMSAH etc. n.r.

Responsable dans une grosse institutions

ayant plusieurs services n.r.

n.r. Coordinateur du SAVS / SAPHAD /APF

Directeur EMS

Médecin CPAM-MSA Chef de service EMS

n.r. Autres coordonnateurs MDPH -1,5 -0,5 0,5 1,5 -2 -1 0 1 2 F2 (1 3 ,5 2 % ) F1 (68,36 %)

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A l‟appui de cette analyse, nous pouvons mobiliser la question ouverte : « Parmi vos interlocuteurs extérieurs, quel est celui dont le travail ressemble le plus au vôtre selon vous ? ». La moitié des coordonnateurs interrogés y a répondu. Le graphique 3 permet de saisir la distribution des homologues ainsi déclarés en fonction des variables étudiées précédemment. Il est issu de la même ACM que le précédent. La différence est qu‟il donne à voir le positionnement des individus interrogés et non celui des modalités. Les individus sont d‟autant plus proches les uns des autres qu‟ils partagent les mêmes modalités101

. Les étiquettes associées à chaque point apparaissent indépendamment des modalités. Elles indiquent simplement quels sont les homologues déclarés par les coordonnateurs. Nous avons conservé les vocables utilisés par les personnes interrogées102 : « Coordinatrice d‟un réseau de santé », « Médecin conseil », etc.Même si elle apparaît sous plusieurs formes, la réponse la plus fréquente est « Directeur d‟un établissement ou service médico-social (EMS) »103. Il est remarquable que presque tous les individus ayant déclaré se sentir proche des coordonnateurs de réseaux soient davantage situés dans la partie gauche du graphique, quand ceux qui se trouvent des similarités avec les médecins évaluateurs en ESAT, EMS ou CPAM sont positionnés à droite. Cela va dans le sens des résultats précédents, et montre que les variables étudiées sont pertinentes pour saisir les profils d‟activité des coordonnateurs. Le fait que les médecins soient les seuls à avoir cité des confrères comme homologues, c‟est-à-dire des fonctions occupées exclusivement par des médecins va aussi dans le sens d‟un fort

attachement au métier d’origine.

La plupart des coordonnateurs de MDPH qui sont médecins restent donc attachés à

l’exercice de leur expertise médicale. Mais ils n’en sont pas moins coordonnateurs dans le sens où ils organisent le travail des équipes pluridisciplinaires et contribuent à améliorer la qualité de l’évaluation des besoins des personnes. Plusieurs des médecins

interrogés ont ainsi souligné qu‟une bonne part de leur activité était tournée vers « l‟harmonisation des pratiques d‟évaluation », à travers la formation des membres de l‟équipe et la mise en place d‟outils comme le GEVA104

.

2.2.2. Les coordonnateurs de MDPH et le pilotage de réseau

Parmi les coordonnateurs interrogés, les professionnels paramédicaux, les administratifs et

les travailleurs sociaux semblent plus enclins à construire des partenariats et à animer un réseau que leurs collègues médecins – ils partagent davantage les modalités situées à

101 Comme certains ont les mêmes coordonnées, ils sont superposés. Nous avons alors représenté des points plus

gros.

102 Les sigles utilisés sont les suivants : Centre de Ressources Autisme (CRA), Centre local d‟information et de

coordination (CLIC), Service d‟accompagnement médico-social pour les adultes handicapés (SAMSAH), Etablissement (ESAT), Service Personnalisé d'Accompagnement et de Suivi dans l'Emploi (SPASE), Service d'Éducation Spéciale et de Soins à Domicile (SESSAD), Instituts médico-éducatifs (IME), Service d‟accompagnement et de vie sociale (SAVS), Service d'Accompagnement pour Personnes Handicapées A Domicile (SAPHAD).

103 Dans ces homologues déclarés, s‟exprime sans doute l‟ambition des individus autant que la similarité réelle

des fonctions.

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gauche de l‟axe vertical dans le graphique 2. Parmi les coordonnateurs interrogés, celui qui incarne de façon assez pure le profil de pilote est un ergothérapeute de 45 ans qui travaillait auparavant comme coordonnateur d‟un site de « Vie autonome ». En 2006, l‟année où il est nommé coordonnateur de la MDPH qui vient d‟être créée dans son département, il a aussi obtenu un Certificat d‟aptitude aux fonctions de directeur d‟établissement social (CAFDES). Il s‟intéresse tout particulièrement à la question du pilotage de réseau – son mémoire d‟étude s‟intitule « Développer et piloter le réseau d‟une MDPH » – et il a déjà travaillé dans ce sens en SVA. Au quotidien, et surtout dans les premiers temps d‟existence de la MDPH, pour luile pilotage consiste en plusieurs activités : l‟étude de la population du département et de ses besoins (il utilise par exemple une enquête du CREAI), le recensement des partenaires (établissements sanitaires et médico-sociaux, associations, institutions), les rencontres individuelles avec les responsables de ces établissements et institutions, l‟organisation et l‟animation de réunions collectives pour valoriser le projet et créer une dynamique locale. On retrouve ici de fortes similitudes avec ce qui a été décrit pour l‟implantation de la MAIA 13. Aujourd‟hui, il déclare qu‟un de ces motifs de satisfaction est la « mise en place d'une méthodologie d'animation de réseau. » Celle-ci passe par les contacts informels et par les

conventions.

Au sein du groupe des coordonnateurs dont le quotidien est tourné vers la construction de réseau, il y aurait néanmoins des différences, ce qu‟indique l‟axe F2 (13,52 %). En s‟appuyant sur les graphiques 2 et 3, il est possible de formuler une interprétation de ces différences : pour les coordonnateurs positionnés dans le quart inférieur gauche, l‟activité de management d‟équipe semble primordiale, d‟où l‟importance du temps passé avec les membres de l‟équipe et l‟aspiration à la similarité avec les fonctions de directeur d‟EMS, quand ceux situés dans le quart supérieur gauche n‟accordent de l‟importance qu‟au travail avec les partenaires extérieurs. Ainsi, il est possible d‟identifier non pas deux mais trois profils d‟activité des coordonnateurs de MDPH, ou plutôt deux grands profils, le second comportant deux

tendances, ce que suggère la figure 8. Les deux grands profils correspondent à l’activité des

coordonnateurs, selon qu‟ils sont davantage tournés vers l‟évaluation des besoins des personnes ou la construction d‟un réseau de partenaires. Ceux qui ne travaillent pas exclusivement à l‟évaluation peuvent être distingués selon leur aspiration, c‟est-à-dire leur

préférence plus ou moins forte pour le management d’équipe. Comme nous l‟avons déjà

souligné, ces profils et tendances sont pour partie déterminés par la contrainte – manque de personnel ou de temps ; organisation du travail, différente dans chaque MDPH – et pour partie par les parcours et les aspirations professionnelles – ne pas rompre avec le métier d‟origine, développer son intérêt pour le management d‟équipe, expérience dans la construction de réseau.

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Figure 8. Les profils d’activité des coordonnateurs de MDPH

Management d’équipe -- Pilotes Evaluateurs Evaluation -- Evaluation ++ Réseau ++ Réseau -- Managers Management d’équipe ++

D‟après les questionnaires recueillis, cependant, le clivage entre les deux grands profils

tend à s’estomper : les coordonnateurs qui sont aujourd‟hui complètement tournés vers

l‟évaluation regrettent de ne pouvoir se consacrer davantage à la construction de réseau ; certains indiquent que le développement des relations partenariales est leur objectif de l‟année 2010-2011 ; d‟autres reconnaissent leur incompétence et soulignent leur désir de se former à la méthodologie de coordination de réseau. Cela va dans le sens d’une transformation des

MDPH, d’instance d’évaluation en méta-réseau au niveau départemental.

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