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Un démarrage à partir de structures déjà plus ou moins formalisées (phase I)

dépendance au sentier, et décalage entre prescrit et réel

B. Du côté des acteurs de terrain : la dynamique des expérimentations

1. Le cycle de vie des structures dédiées à la coordination

1.1. Un démarrage à partir de structures déjà plus ou moins formalisées (phase I)

1.1.1. Toutes les structures ont une préhistoire

Dans son article de 1992, Puijalon s‟appuie sur toute la connaissance du terrain qu‟elle a pu constituer à travers les initiatives locales financées par la Fondation de France pour expliquer comment la décentralisation de 1983 a fait passer l‟initiative de l‟action du pouvoir central aux acteurs de terrain. Les démarches ne sont alors plus tant instituées qu‟empiriques et basées sur l‟échange et l‟interaction. C‟est donc un nouveau système de relation qui se met en place et qui remplace le précédent. Elle reprend à son compte une expression de Sainsaulieu : « le structurel est produit par le relationnel ». Elle observe que la coordination après la décentralisation se développe de manière privilégiée sur le terrain associatif, lui redonnant ainsi un nouveau dynamisme. La coordination initialement proposée puis imposée aux départements, est appropriée par ceux-ci, ainsi que par les divers acteurs de terrain et notamment associatifs, comme un outil au service d'une meilleure gestion, de l'innovation et du travail en partenariat, donnant plus d'indépendance par rapport au national. Pour Maryvonne Lyazid, cet échelon local est beaucoup plus propice au développement d‟initiatives, par le fait que les acteurs professionnels sont en prise directe avec les problèmes des personnes en perte d‟autonomie. Les promoteurs sont souvent des associations de

familles (notamment dans le secteur des personnes handicapées) et des professionnels militants.

Dans le secteur du handicap, l‟Association des Paralysés de France est bien connue pour la création de nombreux SAVS et SAMSAH. Michel Delcey, au cours de notre entretien, cite notamment comme exemplaires en terme de coordination, les SAMSAH de Mulhouse et de Nîmes. De manière générale, pour les SAMSAH, leurs gestionnaires sont majoritairement des associations. Des professionnels militants comme le Professeur Truelle de l‟hôpital de Garches, ont pu être à l‟initiative de structures comme ce qui est devenu Arceau Anjou, ensemble de structures de prise en charge de personnes ayant subi un traumatisme crânien. De même à Bordeaux (consultation pluridisciplinaire), à Nice (réseau RESPECT TC avec des médecins généralistes, à Lille (réseau NPC) ou à Paris (Centre de ressources francilien du traumatisme crânien, outil d‟interface et lieu d‟échange) ont été créés par des médecins hospitaliers.

Du côté des personnes âgées, on peut citer l‟Institut de la Maladie d‟Alzheimer, créé à l‟initiative de praticiens hospitalier de l‟hôpital de la Timone à Marseille, structure maintenant pivot de la MAIA marseillaise. On peut aussi mentionner à nouveau que, fin 2005, 53 % des CLIC étaient portés par des associations (rapport de la Cour des comptes de 2005). Certains projets peuvent même être portés par des professionnels chercheurs comme le Docteur Friedman de Garches qui met en place une équipe pluridisciplinaire (médecin, psychologue, assistante sociale) de suivi des patients avec troubles neuromusculaires en sortie de

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réanimation et qui veut développer la relation avec les médecins généralistes de ville (projet soutenu dans le cadre du Programme Hospitalier de Recherche Clinique).

Selon le type de structure, elles sont créées dans le cadre d‟expérimentations officielles, comme par exemple pour les réseaux, les CLIC ou les MAIA, ou à la suite de la création de labels, comme pour les équipes mobiles gériatriques ou les SAMSAH. Dans la grande majorité des cas, on observe qu‟elles ne partent pas de « zéro », qu‟il existe ce que l‟on pourrait dénommer une préhistoire des structures. Par exemple, le choix des 25 CLIC de l‟expérimentation lancée en 2000, se fait à partir de structures innovantes qui avaient déjà été repérées comme telles (Colvez et al., 2004). Les SAMSAH ont été le plus souvent créés à partir d‟une structure existante avec 53% des services qui sont adossés à un autre établissement et service pour leur fonctionnement (CNSA, 2008).

Il semble aussi que le type d’acteur à l’initiative d‟un dispositif ne soit pas neutre. Ainsi par exemple, Buronfosse du service de gériatrie du centre hospitalier de Lorient en 1995 explique comment l'initiative d‟un réseau gérontologique est née du milieu associatif et a pu être favorable aux relations avec les médecins libéraux, qui auraient été certainement plus méfiants si celle-ci avait émergé des centres hospitaliers.

Ces initiatives correspondent souvent à la nécessité d‟apporter une réponse à un besoin non couvert – les « trous » du système. On peut faire l‟hypothèse que cette dynamique d‟innovation correspond aussi à un moyen de lutter contre des situations qui paraissent insupportables, et qu‟elle permet de redonner du sens aux acteurs, voire une identité, qu‟ils appartiennent à l‟entourage familial de la personne ou au secteur professionnel.

1.1.2. Top-down ou bottom-up ? Les avantages et les inconvénients des deux approches

Les auteurs et les professionnels qui s‟intéressent à la création de nouvelles structures s‟interrogent sur l‟avantage ou l‟inconvénient que peut présenter le fait que l‟initiative soit initiée et poussée par le « terrain » (approche bottom-up) versus d‟en haut (approche top- down). Pour Maryvonne Lyazid, c‟est une erreur de trop vouloir piloter par le haut : « les schémas sont toujours descendants », le plan Alzheimer étant à ce titre excessif dans ce sens, car cela pose des problèmes d’appropriation et de pérennité des actions. Pour Schweyer (2010), les réseaux ne fonctionnent que quand ce sont ses acteurs qui en ont l'initiative et en créent les configurations locales ou régionales.

De Stampa et al. (2010) proposent un bon exemple de dispositif mis en place avec succès dans une démarche de type bottom-up : le cas du réseau Ancrage à Paris. Il s‟agit de la mise en place d‟un réseau de soin intégré sur le modèle de COPA (modèle de soins intégrés développé au Canada). Pour ce faire, ils expliquent comment ils ont impliqué cliniciens et chercheurs, par interviews et focus groupes (multidisciplinaires, mêlant professionnels des secteurs social et médical, de la ville et de l‟hôpital). Cette mise en place s‟est faite en plusieurs phases et avec une évaluation continue : phase de diagnostic et phase de définition du modèle avec un leadership des cliniciens chercheurs ; phase de mise en place et phase de maintenance avec un

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leadership des cliniciens responsables de structures. Selon les auteurs, ce processus a permis de mieux répondre aux attentes des professionnels et de prendre en compte les contextes de

travail au niveau local. Ils soulignent au passage qu‟un temps minimal a été nécessaire et

que le changement n‟a pu se faire que dans la durée. Toutefois, un autre facteur de succès possible est le leadership exercé par un clinicien chercheur ayant eu toute la légitimité pour conduire ce projet d‟intégration. En revanche, ils n‟évoquent pas la question de la diffusion et de la pérennité de ce dispositif.

A partir de l‟expérimentation PRISMA France à Paris, Etheridge et al. (2009) font en revanche l‟hypothèse que le manque de leadership institutionnel observé pour la conduite du changement lors de cette expérimentation pourrait être une des raisons de son succès très partiel. En effet ils décrivent le changement mis en place selon un mode « help it happen » (d‟après Greenhalgh et al., 2004), c'est-à-dire avec beaucoup de négociations et un soutien limité du coté institutionnel (faible impulsion du « haut » vers le terrain). Mais ils reconnaissent aussi l‟importance de l‟appropriation par les professionnels de terrain.

Hadjab et al. (2007) dans le cadre d‟une comparaison entre les CLIC de la Nièvre et ceux de la Creuse, suggèrent que les CLIC issus de démarches bottom-up et top-down présentent des atouts différents. Alors que les premiers parviennent à mobiliser les acteurs locaux facilement, les seconds éprouvent plus de difficultés sur cet aspect. La situation est inverse pour les partenariats avec les acteurs institutionnels. Pour eux, les coordinations issues de démarches ascendantes parviennent à un maillage plus complet de leur territoire, notamment par rapport à leur public cible du 4eme âge potentiellement en voie de dépendance. Ils rappellent que le plan « Solidarité – Grand âge », présenté le 27 juin 2006, avait réaffirmé le rôle des CLIC et la nécessité de mobiliser les acteurs sanitaires et sociaux dans le cadre de démarches bottom-up et de laisser le temps nécessaire à l‟apparition d‟effets d‟apprentissage bénéfiques à la réduction de coûts de transaction inévitables dans toute procédure de coordination. Cet exemple illustre bien le manque de réflexion autour de la coordination verticale entre le niveau macro et les deux autres niveaux, qui peut expliquer le manque d‟apprentissage à partir de ce type d‟expérience.

En conclusion, il semble qu‟il soit difficile de généraliser sur la meilleure manière de gérer la naissance de nouvelles structures car d‟autres facteurs de contexte difficiles à neutraliser peuvent intervenir. Les démarches « bottom-up » et « top-down » semblent avoir chacune

leurs avantages respectifs et qu’une combinaison des deux, si possible, pourrait être la meilleure solution. C‟est d‟ailleurs ce que l‟on observe dans le cas où des structures qui ont

émergé de manière spontanée se portent volontaires dans le cadre d‟une expérimentation à portage institutionnel. La MAIA13 que nous avons observée se trouve donc dans cette

configuration très favorable puisqu‟elle est issue de l‟association IMA, porteuse d‟un réseau

de santé gérontologique associé à un CLIC ayant déjà une expérience de co-construction de type « bottom-up » et s‟inscrivant dans une expérimentation nationale portée au plus haut niveau de l‟Etat.

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