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De la création d’une fonction vers la reconnaissance d’un nouveau segment de la profession médicale

Nouvelles fonctions, nouveaux défis

B. Les nouvelles fonctions de coordination : difficile de concilier les actes cliniques, le management d’équipe, et l’animation de réseau

1. Les médecins coordonnateurs en EHPAD : « rester médecin avant tout »

1.1. De la création d’une fonction vers la reconnaissance d’un nouveau segment de la profession médicale

Avant la création de la fonction de médecin coordonnateur en 1999, des médecins salariés étaient déjà présents dans bon nombre d‟établissements accueillant des personnes âgées. Leur présence est même encouragée par la loi dans les sections de cure médicales, créées en 1975, mais leurs missions ne débordent pas alors celle du soignant. Dans les hôpitaux locaux, depuis 1992, le préfet doit nommer un médecin responsable de la coordination des activités médicales, de l‟organisation de la permanence médicale de jour comme de nuit et la mise en œuvre de l‟évaluation des soins. Depuis 1999, tous les établissements médico-sociaux accueillant des personnes âgées dépendantes bénéficient d‟un même système de financement82, déterminé en fonction de la dépendance et des pathologies de leurs résidents – d‟où leur nouvelle dénomination d‟EHPAD. La présence d‟un médecin coordonnateur « compétent en gérontologie » devient alors obligatoire dans tous les EHPAD83, une de ces premières missions étant justement de réaliser l‟évaluation de la dépendance des résidents. La création de cette fonction peut être vue comme une conséquence de la politique de médicalisation des maisons de retraite. Pour Robelet, qui a consacré aux médecins

82 Décret n° 99-317 du 26 avril 1999 relatif à la gestion budgétaire et comptable des établissements hébergeant

des personnes âgées dépendantes.

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Arrêté du 26 avril 1999 fixant le contenu du cahier des charges de la convention pluriannuelle prévue à l‟article 5-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.

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coordinateurs une étude sociologique en 2006-2007 (Robelet, 2007), elle est aussi le fruit d‟un « compromis institutionnel » entre des positions antagonistes qui s‟expriment dès 1997 au sein du Comité national de coordination gérontologique, créé auprès de la DGAS pour suivre la mise en place de la PSD et préparer la réforme de 1999. D‟un côté, les médecins généralistes défendent l‟indépendance du médecin coordonnateur par rapport au directeur d‟EHPAD et, surtout, le maintien de l‟intervention des médecins traitants libéraux. De l‟autre, attendant de la réforme la création de nouveaux postes en maison de retraite, les gériatres hospitaliers plaident pour une formation accrue du médecin coordonnateur en gériatrie et pour une présence forte au sein des établissements. Finalement, le partage des tâches qui se dessine est le suivant : les représentants des gériatres participent à l‟élaboration des outils d‟évaluation de la dépendance avec les pouvoirs publics, les gériatres hospitaliers sont les experts de la gériatrie sur un territoire donné, les coordonnateurs – des généralistes compétents en gériatrie ou des gériatres – encadrent la prise en charge médicale et soignante au sein des établissements, et les médecins généralistes sont les opérationnels de la prise en charge quotidienne des résidents. Mais cet équilibre est difficilement tenable, comme en témoignent les luttes professionnelles qui s‟exercent depuis dix ans, principalement entre gériatres et généralistes, autour des contenus de formation et de la mise en place d‟instances de représentation des médecins coordonnateurs.

Depuis dix ans, on assiste au développement de ce que l‟on peut appeler un segment professionnel de la profession médicale. Malgré certaines divergences de position et une grande hétérogénéité des modes d‟exercice et des parcours, comme on le verra plus loin, les coordonnateurs se regroupent en effet en associations à un niveau local puis national avec la création de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en EHPAD

(FFAMCO)84. Une revue, Le Journal du Médecin coordonnateur, est publiée depuis 2003. De

plus en plus de formations universitaires spécifiques sont dédiées aux médecins coordonnateurs, combinant enseignements cliniques et de gestion. Sitôt la fonction de médecin coordonnateur créée, la définition de la formation, des missions, des rapports avec la direction et avec les médecins libéraux sont au cœur des débats. En 2005, un nouveau décret répond en partie à ces questions85. Il insiste avant tout sur l‟exigence d‟une qualification en gériatrie, les compétences managériales n‟étant jamais explicitement requises.

Actuellement, deux nouveaux décrets et deux arrêtés sont en phase finale de consultation86. Ils touchent au temps d‟exercice des médecins coordinateurs ainsi qu‟à leurs missions. Même si le débat est encore ouvert, nombreux sont les éléments qui vont concourir à renforcer leur autorité au sein des établissements, au détriment des directeurs et des médecins libéraux, et peut-être même des infirmières coordinatrices. Désormais, le médecin coordonnateur doit en effet « assurer l‟encadrement de l‟équipe soignante », ce qui lui donne une position hiérarchique formelle dans l‟EHPAD qu‟il n‟avait pas. Il est aussi chargé de présider une

84 Elle fédère aujourd‟hui 37 des 61 associations locales recensées.

85 Décret n° 2005-560 du 27 mai 2005 relatif à la qualification, aux missions et au mode de rémunération du

médecin coordonnateur exerçant dans un établissement d‟hébergement pour personnes âgées dépendantes mentionné au I de l‟article L. 313-12 du code de l‟action sociale et des familles.

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Nora Berra, secrétaire d‟Etat aux Aînés à l‟époque, attendait le rapport pour le 14 décembre 2010. Les grandes lignes sont présentées dans Lespez, 2010, p. 3.

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nouvelle instance, la commission de coordination gériatrique, destinée à élaborer le projet de soins et la politique d‟admission des patients et de formation des soignants de l‟EHPAD. Enfin, à la demande des médecins coordonnateurs, une 13e mission devrait leur être confiée : la possibilité de prescrire en cas d‟urgence ou de risques, en en informant les médecins traitants. Ces derniers voient au contraire leur autonomie sur le lieu de travail diminuer : par exemple, ils doivent signaler leur présence lors de leur arrivée dans l‟EHPAD, prescrire « préférentiellement » les médicaments inscrits sur la liste propre à l‟établissement, ou encore remplir le dossier du patient en respectant les formulaires types. Ces mesures, si elles sont adoptées, devraient conférer une nouvelle autorité aux médecins coordonnateurs, touchant aussi bien à leur rôle de clinicien qu‟à la dimension gestionnaire de leur activité, ce dont se félicitent les représentants de la jeune profession. Intéressons-nous maintenant de plus près aux profils et aux motivations de ses membres.

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