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Un tournant vers l’an 2000 avec quatre nouvelles tendances

Histoire et diagnostic

A. Le rôle des pouvoirs publics : solutions multiples et dysfonctionnements

1. Du côté des personnes âgées, une accumulation de dispositifs en quête de cohérence

1.2. Un tournant vers l’an 2000 avec quatre nouvelles tendances

Les dispositifs créés au cours de la dernière décennie correspondent à quatre nouvelles

tendances dans le champ de la prise en charge : un changement de paradigme avec la

promotion de l‟individualisation des services et de l‟évaluation de la qualité ; des moyens plus importants consacrés au secteur ; un début de structuration globale ; et un appel à la convergence entre les secteurs des personnes âgées et des personnes handicapées.

Les années 2000 sont en effet placées sous l'égide du projet individuel, de l'évaluation et de

la qualité, et sont marquées par de grandes lois des secteurs sanitaire et médico-social : la loi

du 2 janvier 2002 pour la rénovation de l‟action sociale et médico-sociale, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, la loi du 11 février

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2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, et la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoire (dite loi HPST). L'article L.311-3 de la loi du 2 janvier 2002 stipule qu‟est assurée à la personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux, « la participation directe, ou avec l'aide de son représentant légal, à la conception et à la mise en œuvre du projet d'accueil et d'accompagnement qui la concerne ». Apparaît ainsi de manière explicite les notions de projet (projet de soins personnalisé, projet de vie de la personne, projet d‟établissement), la notion d’évaluation (évaluation des besoins des personnes, évaluation des structures et des services, évaluation des pratiques professionnelles), et la notion de qualité17. La coordination s’inscrit alors au service de

ces différentes dimensions ou au moins en théorie. L‟usager doit prendre une place tout à

fait centrale et aussi son entourage et ses aidants informels. L‟évaluation des besoins des personnes en perte d'autonomie et sa coordination sont mises en avant, évaluation qui est réalisée au sein des nouvelles Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ces notions sont inscrites dans la mission de la nouvelle CNSA créée par la loi du 30 juin 2004 et dont les missions sont précisées dans la loi du 11 février 2005 sur le handicap. Cet établissement public administratif joue un rôle important pour l'accompagnement des acteurs du champ de la perte d'autonomie pour l'appropriation de ces notions. Dans la circulaire relative aux réseaux du 25 novembre 1999 (DGS/SQ2/DAS/DH/DSS/DIRMI n°99-648) il avait été précisé concernant les usagers : « ils doivent être au centre des préoccupations du réseau, sous des formes évaluatives avec le temps : en tant que patients au début; en tant qu'usagers sujets de droits ensuite ; en tant que partenaires enfin dans la détermination de besoins à combler et des stratégies pour y parvenir ». Enfin la loi du 13 août 2004, modifie le dispositif des Affections de Longue Durée (ALD). Sa mise en œuvre se traduit notamment par la définition, pour tout malade entrant en ALD, d'un nouveau protocole de soins définissant son parcours de soins. Ce protocole est établi par le médecin traitant, validé par le médecin conseil de l'assurance maladie puis signé par le patient

Un autre fait marquant de cette période est l’importance grandissante dans les politiques

publiques consacrées aux personnes âgées comme en témoigne les différents plans qui sont

mis en œuvre pour développer et moderniser ce secteur. Ceci peut vraisemblablement être associé à la place grandissante des personnes âgées ou plutôt de leurs associations représentatives sur la scène publique. L‟année 1999 est l‟année internationale des personnes âgées à l‟initiative des Nations Unies, occasion de nombreuses manifestations à l‟initiative entre autres des associations dans ce secteur et de la publication du Rapport de Paulette Guinchard Kunstler « Vieillir en France », ayant aussi fortement associé le milieu associatif. Par ailleurs, dans le cadre de la réforme de l‟APA, on voit les Comités départementaux des retraités et des personnes âgées (CODERPA) prendre le leadership et voir tout l‟intérêt de la mesure de la dépendance dans toute la population, dans un souci de définition de la population de bénéficiaires potentiels. Ceci fait suite aussi à la déception liée à la mise en

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A propos de la qualité, on assiste en effet en 2005 à la transformation de l‟Agence Nationale d‟Accréditation et d‟Evaluation en Santé (ANAES) en Haute Autorité de santé (HAS), et en 2007 à la création de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, en charge du pilotage des dispositifs d‟évaluation de la qualité dans le secteur sanitaire pour la HAS et dans les secteurs social et médico-social pour l‟ANESM.

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place de la PSD en 1997, aux contours très restrictifs, qui donnera lieu en 1998 au livre noir sur la PSD où étaient notamment soulignés les disparités entre les départements, la complexité des dossiers et le recours sur succession largement dissuasif.

C‟est d‟une part la succession des 3 plans Alzheimer (1er

plan en 2001-2005, 2ème plan en 2004-2007 et plan présidentiel en 2008-2012, premier plan de santé publique concernant les personnes âgées porté par un Président de la République) ainsi que par le plan Solidarité- Grand Age (2007-2012) présenté par le premier ministre en 2006. Des moyens importants sont ainsi mis en place avec la création de places dans des établissements et des services pour les personnes âgées, avec le souci de permettre, autant que possible, à celles-ci de rester à domicile. La nouvelle Caisse Nationale de Solidarité pour l‟Autonomie (CNSA), créée suite à la canicule de 2003, qui a eu un effet d‟électrochoc dans le secteur, contribue à cet accroissement de moyens. En effet, l‟objectif national de dépenses d'assurance maladie médico-sociales (ONDAM médico-social) et des moyens supplémentaires, provenant notamment de la journée de solidarité (ancien lundi de Pentecôte), sont mis en œuvre par la CNSA dans le cadre d‟un processus d‟attribution aux départements et aux régions amélioré, pour garantir une meilleure équité de traitement sur tout le territoire.

Enfin cette dernière décennie voit plusieurs efforts de structuration d’ensemble du secteur

et des amorces d’intégration des différents dispositifs dans un souci d‟une vision plus

globale du système de prise en charge des personnes âgées. D‟une part c‟est la notion de

filière de soins gériatriques qui est explicitée dans le cadre de deux circulaires successives

de 2002 et de 200718. Toute la panoplie des différents types d‟unités et de services accueillant des personnes âgées y est répertoriée avec le souci d‟équilibrer le nombre de « places » au sein de la filière. Celle-ci comporte : un court séjour gériatrique situé dans l‟établissement de santé support de la filière ; une équipe mobile de gériatrie ; une unité de consultations et d‟hospitalisation de jour gériatrique de court séjour ; un ou plusieurs soins de suite et de réadaptation appropriés aux besoins des personnes âgées poly-pathologiques dépendantes ou à risque de dépendance (SSR gériatriques) à temps complet ou en hôpital de jour ; et un ou plusieurs soins de longue durée (SLD). Pour chaque filière, le rôle et les obligations réciproques des établissements qui en sont membres sont formalisés par convention. Cette dernière prévoit une coordination administrative de la filière ainsi qu‟une coordination médicale qui doit être assurée par un gériatre. Cette coordination peut être commune avec celle du réseau de santé « personnes âgées ». La convention précise notamment les conditions d‟admission et de sortie des patients gériatriques, les délais cible en termes de prise en charge et les procédures de transfert. Elle définit les supports d‟informations médicales communes (notamment fiches de liaison médicale et infirmière). La filière de soins gériatriques doit élaborer, avec les structures de coordination (CLIC ou coordination gérontologique, réseaux de santé), des procédures de prise en charge et de partage d‟informations notamment pour l‟organisation du retour à domicile des patients hospitalisés dans la filière. A ce titre la collaboration avec les SSIAD est recommandée.

18 Circulaire DHOS/02/DGS/SDSD/n°2002/157 du 18 mars 2002 relative à l'amélioration de la filière de soins

gériatriques et la circulaire DHOS/02/2007/117 du 28 mars 2007 relative à la filière de soins gériatriques du Plan solidarité grand âge 2007-2012

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Par ailleurs, les Contrats pluriannuels d‟objectifs et de moyens (CPOM) et la possibilité de créer des Groupements de coopération sociaux et médico-sociaux GCSMS sont aussi proposés au secteur social et médico-social pour leur permettre une restructuration par regroupements – les CPOM étant plutôt prévus pour les grandes associations et les GCSMS pour les petites associations et aux gestionnaires mono-établissements (Hardy, 2010)19. Le secteur social et médico-social est en effet très émietté avec plus de 34 000 établissements et services. Mais une enquête de la Direction Générale de l‟Action Sociale (DGAS), en septembre 2008, révélait qu‟il n‟y avait que 32 GCSMS constitués et 22 en voie de constitution sur 13 régions et 21 départements d‟implantation. Hardy explique ces faibles nombres en rappelant que ces groupements sont basés sur le volontariat et qu‟il faut « laisser faire le temps » ; il indique qu‟il ne faudrait pas vouloir accélérer ce processus en l‟imposant de manière autoritaire.

Enfin, dans le cadre du dernier plan Alzheimer, deux mesures concernent plus spécifiquement les questions de coordination avec, dans la mesure 4, la mise en place de Maisons d’accueil

et d’intégration pour les malades d’Alzheimer, les MAIA20

. Elles sont sensées constituer

un guichet unique pour les personnes atteintes de la maladie d‟Alzheimer et pour leurs familles. La mesure 5 prévoit la mise en place de 1 000 postes de coordinateurs de santé ou gestionnaire de cas au sein des MAIA. Comme on le verra plus loin, ces MAIA sont une sorte de « méta-réseau » dont la vocation est de fédérer les dispositifs existants déjà impliqués dans la coordination en favorisant entre eux une meilleure coopération, au service des personnes âgées et de leurs familles. Ces deux mesures font l‟objet d‟expérimentations : 17 MAIA expérimentales (avec 70 gestionnaires de cas) ont été mises en place en 2008 et leur expérimentation vient d‟être prolongée en octobre 2010. Nous avons en particulier effectué une enquête de terrain à Marseille auprès des membres de la MAIA 13 et de leurs partenaires. Il vient d‟être annoncé la création de 35 nouvelles MAIA et de 105 postes de gestionnaires de cas supplémentaires. Un accompagnement important de ces expérimentations a été prévu par le plan Alzheimer par la mise en place d‟une équipe projet nationale basée à la CNSA. De plus, courant 2010, des référents Alzheimer ont été nommés au sein de chaque ARS, afin de faciliter la réalisation des différentes mesures du plan Alzheimer dans les régions.

Concernant la dernière grande tendance de la période, à savoir le rapprochement entre les secteurs des services aux personnes âgées et aux des personnes handicapées, on peut repérer plusieurs faits marquants. Tout d‟abord, ces personnes sont prises en compte ensemble en tant que personnes en besoin d’aide à l’autonomie depuis la création de la Caisse Nationale de Solidarité pour l‟Autonomie en 2005. Plusieurs secrétariats d‟Etat ces dernières années ont dirigé à la fois la politique en faveur des personnes âgées et celle en faveur des personnes handicapées, ce qui est à nouveau le cas après une séparation de plus d‟un an entre un secrétariat d‟Etat aux personnes handicapées et un secrétariat d‟Etat chargé des aînés. Cependant, il reste de grandes différences dans les systèmes de prise en charge de ces personnes selon qu‟elles ont plus ou moins 60 ans (barrière d‟âge en vigueur en France). Cette différence de traitement, qui est propre à la France et ne se retrouve pas dans la plupart des pays, crée de nombreux problèmes d‟équité, en particulier pour les personnes qui se situent à

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Voir en annexe les encadrés présentant les CPOM et les GCSMS.

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la frontière – les personnes handicapées de plus de 60 ans ou les personnes atteintes de maladies chroniques comme la maladie d‟Alzheimer avant 60 ans. La convergence des deux dispositifs de prise en charge figure pourtant dans les objectifs de la loi sur le handicap de 2005, mais il y a peu de chance qu‟il soit atteint dans les délais prévus (date prévue : 2010). Pour comprendre les difficultés d‟un tel rapprochement et les conditions dans lesquelles il pourrait être effectif, il convient de s‟intéresser, de façon symétrique, à l‟histoire de la coordination dans le domaine de la prise en charge des personnes handicapées. Ce faisant, nous chercherons à dégager les points communs et les différences entre ce secteur et celui relatif aux personnes âgées dépendantes.

2. Du côté des personnes handicapées : le droit à la participation sociale fait

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