• Aucun résultat trouvé

Travail émotionnel et « contrefaçons »

Dans le document D. H Lawrence et la question de la pensée (Page 92-104)

La force du travail de la sociologue Arlie Hochschild240 tient notamment à une distinction entre deux formes de jeu social, qui permet d’éclairer les critiques adressées par Lawrence au sentimentalisme. Le « truquage » émotionnel exigé par la vie sociale, remarque Hochschild, va beaucoup plus loin que le fait de simplement mimer une émotion, ou d'envoyer des signes émotionnels au bon moment. Ce que la vie sociale exige des sujets, ce n'est pas uniquement qu'ils imitent des signes affectifs conventionnels, par exemple qu'ils adoptent une attitude abattue

236 DHL, « Apropos of Lady Chatterley », Phoenix, p.545.

237 DHL, STH, 221.

238 DHL, LCL, 313.

239 DHL, Apropos, LCL.

92

lors d'un enterrement, ou un sourire de circonstance lors d'un mariage. Ce qui est attendu, c'est qu’ils éprouvent effectivement les émotions correspondantes. On attend du convive, non seulement qu'il simule l'amusement, mais qu'il s'amuse vraiment et qu'il l'exprime publiquement. Ce qui est exigé de lui, c'est qu'il produise un « travail émotionnel » (emotional labour), un effort pour non seulement réguler mais « induire en lui-même » un état émotionnel réel adéquat à la situation, ou comme le note Hochschild d’une manière volontairement paradoxale : « a real

feeling that has been self-induced241 ». Ces remarques seront essentielles pour comprendre le rôle singulier que peut jouer la littérature sur la vie émotionnelle.

Attardons-nous un moment sur la remarquable possibilité humaine de susciter artificiellement des réactions affectives « réelles ». Cette capacité est exigée du fait du développement de la vie sociale, qui n'exige pas simplement des signes émotionnels extérieurs, mais demande que l'on soit sincère dans l’expression d’émotions artificiellement produites. Encore une fois, il n’est pas seulement attendu du convive qu’il fasse un sourire composé mais qu’il s’efforce de s’amuser vraiment. Pourquoi a-t-on besoin d’induire en soi-même des émotions réelles plutôt que de simplement les feindre ? L’idée défendue par Hochschild est double. D’une part l’urbanisation et le développement des emplois de service suscitent des normes sociales plus exigeantes. Là où l’on se contentait jadis d’un sourire d’emprunt, on exige désormais un sourire sincère242. D’autre part il est, toujours selon Hochschild, plus efficace et plus économique d’induire en soi-même une émotion vraie que de feindre une imitation. Les deux raisons reviennent finalement à une seule exigence d’avoir à être émotionnellement convaincant en contexte social, c’est-à-dire à produire de « faux sentiments » capables de fournir le degré d’apparence de sincérité requis par la vie sociale. Il est naturel de penser que cette réflexion puisse s’inspirer des professionnels de l’imitation émotionnelle que sont les acteurs et les comédiens. De fait, Hochschild discute un traité adressé aux futurs comédiens professionnels, qui recèle globalement les mêmes conseils : il vaut mieux produire en soi-même une émotion que de la feindre. La chose est pourtant loin d’aller de soi.

On se souvient que Diderot défendait quant à lui le « paradoxe » suivant : le meilleur acteur ne ressent rien lorsqu'il imite des émotions, il ne fait que mimer les signes extérieurs de

241 Hochschild, op.cit., p.35.

242 Comme l’explique Axel Honneth dans sa Préface au recueil collectif : Eva Illouz (dir.), Les marchandises

émotionnelles, Editions Premier Parallèle, trad. Frédéric Joly, 2019 : « [Eva Illouz] ne croit plus que la sphère de

la consommation capitaliste se contente d’influencer nos émotions « de l’extérieur », en les poussant à se conformer à une certaine vision de la société ; elle est en effet désormais convaincue que nos sentiments eux-mêmes prennent la forme de marchandises à tout moment opérationnelles, qu’elle nomme « emotidies » (marchandises émotionnelles) ».

93

l’émotion243. Diderot s’opposait à l’idée selon laquelle aucune imitation, même la plus intelligente, ne peut réussir à rendre la finesse des expressions émotionnelles spontanées. Il était selon lui tout à fait possible d’imiter froidement une passion brûlante, au point de tromper les spectateurs les plus exigeants. La question se pose en psychologie contemporaine autour de la querelle des « faux sourires ». Paul Ekman a soutenu que certains muscles du visages, impliqués dans le sourire sincère et spontané, dit sourire de Duchenne (en mémoire du neurologiste français Guillaume Duchenne, pionnier dans l’étude scientifique des muscles impliqués dans le sourire « sincère »), en particulier certains muscles de l’orbiculaire liés à la fermeture des paupières supérieures, ne pouvaient pas être activés volontairement244. De même les micro-expressions, constituées de la contraction et du relâchement rapides (moins d’une demi-seconde) de certains des 46 muscles du visage identifiés, à la suite des travaux d’Ekman (qui en dénombrait quant à lui 43), par le système de codage d’action faciale (FACS), paraissent extrêmement difficiles à imiter sans « vivre » l’expérience affective correspondante. Comment serait-il possible d’imiter des mouvements qu’on ne peut contrôler volontairement ? La sincérité serait donc inaccessible à toute forme de volontarisme, puisqu’il serait impossible de produire volontairement un sourire sincère. Certaines études récentes semblent toutefois contester l’impossibilité, longtemps tenue pour acquise, de feindre des « vrais » sourires de Duchenne245. On peut également imaginer, avec Diderot, un acteur capable de se concentrer sur l’imitation d’attitudes corporelles, et capable de capter une attitude d'ensemble de façon à reproduire fidèlement, sans avoir à prendre conscience de chacune, de nombreuses contractions musculaires presque imperceptibles, ou des inflexions de voix, sans « éprouver » véritablement l’émotion vécue par son modèle. Il faudrait alors distinguer l’expression émotionnelle de sa représentation. Dans le premier cas on extérioriserait une expérience vécue, dans le second on figurerait un sentiment. Ce que remarquait Diderot, c’est que l’on peut représenter une émotion sans l’éprouver soi-même, et que la distance émotionnelle est même un avantage pour l’artiste (c’est là le « paradoxe ») puisqu’elle lui permet de mieux contrôler les figures qu’il produit. Pour Diderot « la sensibilité réelle et la sensibilité simulée sont deux choses fort diverses246 », et lorsqu’il s’agit de

243 Denis Diderot, Le paradoxe sur le comédien, Editions numériques Ligaran, 2015.

244 Paul Ekman, Davidson, Friesen, “The Duchenne smile: emotional expression and brain physiology. II”

Journal of personality and social psychology, 1990: 58(2), 342-353. Ekman résume la chose ainsi dans une

interview (« A conversation with Paul Ekman. The 43 Facial Muscles That Reveal Even the Most Fleeting Emotions”, New-York Times, August 5th 2003): « In a real smile, the eyebrows and the skin between the upper eyelid and the eyebrow come down very slightly. The muscle involved is the orbicularis oculi, pars lateralis.”

245 Sarah Gunnery, Judith Hall, and Mollie A. Ruben, “The Deliberate Duchenne Smile: Individual Differences in Expressive Control”, Journal of Nonverbal Behavior, 2012. DOI: 10.1007/s10919-012-0139-4

94

représenter des émotions comme le font les artistes, c’est la simulation qui est la technique la plus efficace. Car les émotions représentées, Diderot y insiste, ne sont pas les émotions réelles : « Les images des passions au théâtre n’en sont pas les vraies images ; ce sont des portraits outrés, assujettis à des règles de convention247 ». Ce qui est vrai au théâtre vaut d’ailleurs bien au-delà de l’univers de la scène. On se souvient que la représentation volontaire de certaines émotions produit un résultat très différent de l’observation de réactions expressives spontanées : la colère qu’on imite n’apparaît pas comme celle que l’on éprouve spontanément. En d’autres termes la

représentation volontaire de la colère se distingue spontanément de l’expression de la colère.

Tout se passe comme si on imitait volontairement une certaine représentation de la colère plutôt que la manière dont on se met spontanément en colère. C’est pourquoi Diderot insiste sur le fait que le bon comédien n’est pas celui qui parvient à produire des réactions émotionnelles volontaires, mais celui qui réussit à représenter une image choisie ou idéalisée du réel, une « Belle Nature248 » capable de nous frapper davantage qu’aucune réalité. Cette idéalisation doit bien s’accompagner de gages de réalité pour éviter la fadeur. Mais les éléments qui « font vrais » ne signifient pas que la réalité existante est la mesure de toute création. Une émotion représentée

peut nous toucher davantage qu’une émotion réelle, parce qu’elle est plus proche, non de la colère que l’on vit ordinairement, mais de l’idée que l’on a de ce qu’elle doit être. On voit là la

proximité avec les remarques de Lawrence sur la puissance de l’idée, et on comprend l’importance qu’acquiert ainsi la littérature, qui n’est plus soumise au réel mais devient capable, en quelque manière, de lui donner forme.

Arlie Hochschild s’oppose à Diderot en affirmant que la sincérité est la stratégie la plus efficace pour produire une imitation émotionnelle crédible, telle que la vie en société en exige des acteurs sociaux. Elle propose alors de distinguer un « jeu social de surface » (surface acting) et un « jeu social profond » (deep acting), le premier consistant simplement à émettre des signes conventionnels, comme des sourires ou des froncements de sourcils, le second exigeant en revanche de susciter en soi-même un état émotionnel « sincère ». Hochschild distingue donc trois choses : i) l’expression émotionnelle spontanée, ii) l’expression émotionnelle feinte, iii) l’expression émotionnelle sincère volontairement induite. Seule l’émotion feinte n’est pas

247 Diderot, op.cit.

248 Diderot, « Beau (Métaphysique) », Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences et des arts : « Qu'est - ce donc qu'on entend, quand on dit à un artiste, imitez la belle nature? Ou l'on ne sait ce qu'on commande, ou on lui dit: si vous avez à peindre une fleur, & qu'il vous soit d'ailleurs indifférent laquelle peindre, prenez la plus belle d'entre les fleurs; si vous avez à peindre une plante, & que votre sujet ne demande point que ce soit un chêne ou un ormeau sec, rompu, brisé, ébranché, prenez la plus belle d'entre les plantes; si vous avez à peindre un objet de la nature, & qu'il vous soit indifférent lequel choisir, prenez le plus beau. »

95

sincère, mais seule l’expression émotionnelle spontanée est authentique. On peut être

volontairement sincère sans être authentiquement sincère. C’est peut-être là que réside le talent des comédiens sur la scène ; c’est en tout cas pour Hochschild à ce niveau que l’on peut comprendre le talent social ou l’efficacité des employés du tertiaire les plus efficaces : ils sont capables de produire volontairement des réactions émotionnelles sincères. C’est ce brouillage entre le « vrai » et le « faux », entre le sincère et le simulé, qui permet de mieux situer les critiques adressées au sentimentalisme.

Arlie Hochscild interroge, en des termes quelquefois très proches de ceux de Lawrence, les conséquence du volontarisme émotionnel sur ceux qui le pratiquent. Quelles conséquences y a-t-il à la production continue (comme c’est le cas d’hôtesses de l’air sur certains vols) d’une imitation émotionnelle « profonde » et sincère - c’est-à-dire au fait de susciter en soi-même dans un but social des émotions qu’on n’éprouve pas spontanément ? Tant que l'on se borne à feindre, à émettre des signes, comme chez Proust les membres du « petit groupe » dans le salon de Madame Verdurin, les choses ne portent guère à conséquence249. Bien sûr les acteurs peuvent se faire illusion, et penser avoir beaucoup ri quand ils n'ont fait en réalité que simuler l'amusement dans un but pro-social. Mais on peut généralement compter de la part des acteurs sur une forme de lucidité quant au caractère artificiel ou « mondain » des émotions échangées, et imaginer qu'en sortant du salon ils retrouvent leurs mouvements affectifs « réels », leur « vrai moi » opposé au « moi social » qui souriait publiquement quelques instants plus tôt. Mais dans le cas du « jeu social profond » les choses sont beaucoup moins claires, puisqu'il s'agit pour les acteurs de s'efforcer d'éprouver réellement une certaine émotion, et non simplement d’en mimer les signes extérieurs. Dans le « jeu social de surface » on cherche à tromper les autres, dans le « jeu profond » à se tromper soi-même pour mieux tromper les autres. Une forme originale du devoir social est ici à l'œuvre, un « tu dois » qui ne concerne pas seulement les actes ou les intentions, mais les émotions. Le « jeu profond » consiste à « trying to feel what we sense we ought to feel

or want to feel250 ». On ne se contente plus de mimer des signes extérieurs, on s’efforce de se transformer beaucoup plus profondément. À propos du témoignage d'une femme engagée dans une forme particulièrement intense de volontarisme émotionnel, Hochschild note : « She may

have lost for a while the sense of what she would have felt had she not been trying so hard to feel something else. By taking over the levers of feeling production, by pretending deeply, she alters

249 Gilles Deleuze, Proust et les signes, PUF, 1971, p.11 : « Rien de drôle n’est dit chez Mme Verdurin, et Mme Verdurin ne rit pas ; mais Cottard fait signe qu’il dit quelque chose de drôle, Mme Verdurin fait signe qu’elle rit ».

96

herself251 ». Lawrence voit lui aussi dans ce travail social appliqué aux émotions un risqué d’effondrement nerveux :

If the man has no real feelings, she has none either. No matter how she feels about her husband, unless she is in a state of nervous rage she calls him angel of light, and winged messenger, and loveliest man, and my beautiful pet boy. She flips it all over to him, like eau de cologne. And he takes it quite for granted, and suggests the next amusement. And their life is “one round of pleasure”, to use the old banality: until the nerves collapse. Everything is counterfeit: counterfeit complexion, counterfeit jewels, counterfeit elegance, counterfeit endearment, counterfeit passion, counterfeit culture, counterfeit love of Blake, or of The Bridge of San Luis Rey, or Picasso, or the latest film-star. Counterfeit sorrows and counterfeit delights, counterfeit woes and moans, counterfeit ecstasies, and, under all, a hard, hard realization that we live by money, and money alone: and a terrible lurking fear of nervous collapse.

Ce texte, comme beaucoup d’autres dans le même ton, expriment bien une forme de panique morale de la part d’un provincial confronté au mode de vie urbanisé des classes supérieures. Mais la critique porte essentiellement sur la simulation de la vie émotionnelle, et sur les conséquences potentiellement dangereuse d’une telle simulation. En ce sens les recherches d’Arlie Hochschild permettent d’éclairer ce qui est en question chez Lawrence. Le problème avec le jeu social profond n'est pas que certains sujets mentent en dissimulant aux autres ce qu'ils éprouvent, mais qu'ils se dissimulent à eux-mêmes ce qu'ils éprouvent, qu'ils s'efforcent d'éprouver autre chose que ce qu'ils sentent « spontanément », et qu’ils deviennent finalement incapables de sentir quoi que ce soit qui ne soit pas suscité par un contexte social. La vertu à opposer au travail émotionnel n'est pas la sincérité, puisqu'on peut éprouver sincèrement une émotion socialement induite, mais l'authenticité, c'est-à-dire le fait d'éprouver une réaction émotionnelle sans avoir besoin de la provoquer en soi-même. Le problème moral que pose la vie sociale moderne ne concerne pas avant tout l'absence d'émotion réelle, mais le fait que les émotions réellement éprouvées sont elles-mêmes forcées, ou comme dit Lawrence « truquées » (faked).

Ce « truquage » ouvre la porte à une intensification inédite des experiences sentimentales : « Never was an age more sentimental, more devoid of real feeling, more exagerated in fake

feeling than our own252 ». Ce que vise Lawrence n’est pas simplement le jeu social conventionnel et superficiel, mais bien la manière dont la socialisation s’empare de la vie émotionnelle pour la transformer. Là où il devient impossible de distinguer l’original et la copie, l’émotion spontanée et l’émotion socialement induite (puisqu’elles peuvent toutes les deux être

251 Hochschild, op.cit., p.33.

97

sincères), les acteurs eux-mêmes finissent par les confondre, et identifier leur vie émotionnelle

en général à ce que les exigences sociales exigent d’eux.

Cette gestion sociale des émotions est souvent invisible. Elle n’est pas non plus nécessairement douloureuse. Arlie Hochschild a elle-même insisté sur le plaisir que les acteurs pouvaient trouver à soumettre activement leurs vies émotionnelles à des impératifs sociaux253. Il faudrait ajouter que cette gestion émotionnelle (le titre du livre de Hochschild est « The Managed

Hearth ») a une dimension économique et politique, puisqu’elle est notamment suscitée et

encouragée par le développement du capitalisme moderne. Eva Illouz a étudié cette « marchandisation » de la vie émotionnelle dans les sociétés modernes, que Lawrence ne pouvait que pressentir254.

Il existe pourtant un risque, qui consiste à modeler si bien sa vie affective sur les attendus sociaux, à sacrifier à ce point sa vie émotionnelle en faveur de la vie sociale (« offers up feeling

as a momentary contribution to the collective good255 » comme l'écrit Hochschild. On pourrait ajouter : ou aux intérêts de ceux qui les exploitent comme des ressources commerciales), que les réactions émotionnelles finissent par se transformer durablement. Il est possible de « socialiser » ses émotions au point de leur faire subir le supplice de Procuste, pour supprimer en elles tout ce qui serait déplacé ou inadéquat par rapport à l’unique fonction d’optimiser la réussite sociale. Or, s'il est vrai que la vie sociale exige un certain travail de maîtrise émotionnelle, ne serait-ce que pour inhiber la violence et l'agressivité qui couvent toujours derrière toute relation humaine, la subordination définitive de la vie émotionnelle aux réquisits de la vie en société peut avoir des conséquences délétères. Car l'être humain qui parvient à soumettre ses réactions émotionnelles aux normes sociales en vigueur, quelles que soient le contenu de ces normes, risque de devenir incapable d'utiliser pour son compte les informations que les émotions lui fournissent. Ce qu'il offre à la vie sociale, il le perd pour lui-même, dans sa capacité à s’orienter dans le monde pour y découvrir ce qui lui convient ou non. Ce qu’il gagne d’un point de vue social (des émotions plus utiles, plus efficaces et plus « rentables ») lui est ôté en tant qu’il s’agit de déterminer ses propres fins. Le dévouement social excessif peut ainsi provoquer un engourdissement émotionnel, une cécité à tout ce qui n'est pas socialement attendu. Comme l'écrit de manière décisive

253 Arlie Hochschild, « Can Emotional Labor be fun? », So How’s the Family?: And Other Essays. University of California Press, 2013, p.24-31.

254 Eva Illouz, « Les « emodities » ou la fabrique des marchandises émotionnelles », Les marchandises

émotionnelles, op.cit. Illouz analyse notamment les équivalences difficiles opérées par certains agents entre une

dépense d’argent et un gain émotionnel, ou inversement entre une dépense émotionnelle et un gain financier, « ce qui suppose de comparer valeur monétaire et valeur émotionnelle et de raisonner en termes de retours sur investissement ».

98

Hochschild : « There is a cost to emotion work: it affects the degree to which we listen to feeling

and sometimes our very capacity to feel256 ». C'est la capacité même d'éprouver des émotions qui risque d'être remplacée par une manière raffinée de susciter et d’éprouver des réactions émotionnelles convenues. En acceptant de socialiser à ce point ses émotions, le sujet moderne « s’est privé des moyens de percevoir quels sentiments lui appartiennent « en propre » et quels autre sont simplement simulés257 ». La critique du sentimentalisme et du volontarisme

Dans le document D. H Lawrence et la question de la pensée (Page 92-104)