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Empathie, sympathie et littérature : « the Intelligent Heart 311 »

Dans le document D. H Lawrence et la question de la pensée (Page 118-133)

C’est à propos d’une discussion sur Walt Whitman que Lawrence en vient à reprendre et investir le terme de sympathie. Selon Lawrence, Whitman a fort bien théorisé la sympathie, mais il n’a pas appliqué dans ses œuvres les principes qu’il énonçait. Il faut donc faire jouer Whitman contre lui-même, et distinguer la pureté de sa conception de l’imperfection de sa réalisation. Ce travail est au cœur de la mission critique telle que Lawrence la conçoit au début du livre consacré à la

310 Ainsi la compassion de Miss Cummins pour les chevaux dans The Princess, ou celle de Lady Beveridge au début de The Ladybird, sont-elles présentées de manière à susciter la moquerie du lecteur. Mais cette moquerie reste inaccessible aux personnages. Ce modèle, plus simple que lorsque le personnage lui-même éprouve ces émotions de second ordre, s’applique essentiellement, chez Lawrence, aux personnages secondaires. Nous revenons plus loin sur ces deux exemples.

311 C’est le titre d’une biographie de Lawrence de Harry T. Moore, The Intelligent Heart: The Life of D. H.

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littérature classique américaine, Studies in Classic American Literature (1923) : « the proper

function of a critic is to save the tale from the artist who created it312 ». Il faut donc « sauver » la sympathie telle que Whitman la conçoit de ce qu’il en a fait, ses réalisations restant en-deçà de ses aspirations. Lawrence considère que Whitman a développé autour de la notion de sympathie une véritable philosophie morale, qu’il résume ainsi (dans le style un peu grandiose et prophétique de ces études américaines) :

Not through charity. Not through sacrifice. Not even through love. Not through good works. Not through these does the soul accomplish herself.

Only through the journey down the open road.

The journey itself, down the open road. Exposed to full contact. On two slow feet. Meeting whatever comes down the open road. In company with those that drift in the same measure along the same way. Towards no goal. Always the open road.

Having no known direction even. Only the soul remaining true to herself in her going.

Meeting all the other wayfarers along the road. And how? How meet them, and how pass? With sympathy, says Whitman. Sympathy. He does not say love. He says sympathy. Feeling with. Feel with them as they feel with themselves. Catching the vibration of their soul and flesh as we pass. It is a new great doctrine. A doctrine of life. A new great morality313.

Si la littérature a une portée morale (mais non moralisatrice), comme Lawrence l’affirme sans ambiguité (« the novel can help us to live, as nothing else can314 »), Whitman est à la fois un grand écrivain et un grand moraliste. L’attitude humaine la plus satisfaisante consisterait alors, c’est du moins ainsi que Lawrence comprend les choses, à vivre sans se lier à un but, mais en

sympathisant avec les autres existants, y compris non-humains, que l’on peut rencontrer au cours

du « voyage » de la vie. Une telle morale est avant tout affaire d’équilibre et de relation (« a pure

relatedness, the only thing that matters315 »). Le terme de sympathie n’est pas anodin dans ce contexte, et Lawrence en souligne l’usage chez Whitman : le grand principe moral ne consiste pas à sentir quelque chose pour quelqu’un (par exemple de l’amour), mais bien à sentir avec quelqu’un : « [Whitman] does not say love. He says sympathy. Feeling with. »)

Lawrence n’ignore sans doute pas l’histoire de ce terme, notamment chez les théoriciens de l’école écossaise. Mais nous laisserons de côté cette histoire, ainsi que le sens du terme dans l’économie des textes de Whitman, pour nous concentrer sur la question de savoir quel sens de la sympathie permet d’approfondir le concept de pensée émotionnelle que nous avons commencé à construire. Tentons d’abord de préciser le vocabulaire. L’étude de l’empathie au sens large par la

312 DHL, SCAL, p.14.

313 DHL, SCAL, p.157.

314 DHL, « Morality and the Novel » (1925), STH. Un autre article écrit à la même période sur ce thème est intitulé : « Art and Morality ».

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psychologie moderne peut nous aider à donner davantage de tranchant aux concepts lawrenciens. Il existe d’abord, c’est du moins ce qu’affirment de nombreux psychologues, des phénomènes de contagion émotionnelle. Il s’agit d’un processus par lequel l’expression d’un affect ou d’une émotion est reprise ou « attrapée » par un tiers (l’expression catch, utilisée par Lawrence dans l’extrait cité (« Catching the vibration of their soul and flesh as we pass »), est fréquente sous la plume des psychologues pour désigner métaphoriquement ce dont il s’agit ici). Dans le cas de la contagion émotionnelle, la saisie est automatique, non intentionnelle et souvent inconsciente. On peut la définir plus précisément comme : « The tendency to automatically mimic and synchronize

facial expressions, vocalizations, postures, and movements with those of another person’s and, consequently, to converge emotionally316 ». Il en va ainsi par exemple lorsqu’on se met à rire parce que quelqu’un rit devant nous, ou lorsqu’on bâille à la suite d’un autre (le phénomène dépasse relativement facilement les barrières de l’espèce317, des expériences l’ont montré dans le cas du bâillement chez des humains et des chimpanzés). Il ne s’agit pas encore avec ces phénomènes de sympathie au sens qui nous intéresse, mais d’un élément qui peut y conduire par la « convergence émotionnelle » qu’il suscite. La contagion émotionnelle dépasserait en effet la simple reprise physiologique, et pourrait être définie comme le produit d’un phénomène de rétroaction (feedback) appliqué à une tendance innée, biologiquement très répandue, à imiter (mimicry) l’autre et à se synchroniser avec lui318. La synchronisation physiologique automatisée donnerait ainsi lieu à une convergence des mouvements affectifs (l’imitation automatisée d’un sourire tendrait par exemple à susciter des affects plaisants). On sait que deux humains qui conversent ont tendance à imiter et synchroniser leurs mouvements avec ceux de leur interlocuteur (« In conversation, people tend to automatically and continuously mimic and

synchronize their movements with the facial axpressions, vocal productions, postures, movements, and instrumental behaviors of others319 »). L’expérience affective serait continuellement influencée par ces mouvements inconsciemment imités, tant il est vrai que les expériences émotionnelles suivent le plus souvent les postures et les expressions corporelles. On sait qu’il suffit d’induire chez des sujets certaines attitudes stéréotypées pour que leur appréhension émotionnelle d’une situation change. Comme le notait déjà Darwin : « Even the

316 Elaine Hatfield, Cacioppo & Rapson, ”Emotional Contagion,” Current Directions in Psychological Science, 2(3), 1993, p.96. URL : https://doi.org/10.1111/1467-8721.ep10770953

317 Gabriel A. Jamie, “Signals, Cues and the Nature of Mimicry”, Proceeding of the Royal Society B, 2017. DOI :

https://doi.org/10.1098/rspb.2016.2080

318 Helaine Hatfield et.al., “New Perspectives on Emotional Contagion: A Review of Classic and Recent Research on Facial Mimicry and Contagion”, Interpersona, 8(2), 2014. Doi: 10.5964/ijpr.v8i2.162

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simulation of an emotion tends to arouse it in our minds320 ».. L’exemple célèbre proposé par Strack et ses associés proposait à des sujets d’évaluer la drôlerie d’extraits de dessins animés321. Un groupe devait tenir un stylo entre les lèvres, ce qui suscitait certaines expressions typiques de la tension (lèvres serrées, froncement de sourcils), un deuxième groupe devait tenir le stylo entre les dents, suscitant une contraction des muscles zygomatiques impliqués dans le sourire. Un troisième groupe de contrôle tenait le stylo dans les mains. Le groupe ayant le stylo entre les dents, adoptant sans le savoir une attitude expressive plus joyeuse, rapporta généralement un plus grand sentiment d’amusement. L'hypothèse de Strack, dite de rétroaction faciale (Facial

Feedback Theory), a été récemment contestée du fait de la difficulté à répliquer les résultats

obtenus322, mais le principe général d’une influence directe des postures du corps sur le ressenti émotionnel est généralement accepté. William James allait jusqu’à dire qu’un épisode émotionnel n’est rien d’autre que la prise de conscience de certains processus corporels323. Ce qui nous intéresse ici est l’existence d’une tendance à converger émotionnellement suite à une synchronisation inconsciente de l’attention, des expressions physiologiques et du comportement. La contagion émotionnelle désigne alors un double mouvement : i) la reprise imitative spontanée des postures et des expressions d’autres existants (expressions du visage, rythme de respiration, posture de corps, etc.), ii) la synchronisation émotionnelle induite à partir de cette synchronie physiologique. Ce phénomène semble aujourd’hui solidement étayée expérimentalement, et s’accompagne même, comme on peut désormais l’observer, d’une synchronisation partielle de l’activité cérébrale. Il est à noter à propos de l’imitation comportementale que cette dernière est dans une large mesure inconsciente, et qu’elle n’est pas directement corrélée au sentiment vécu d’être « connecté » à un autre individu324. Il faut de ce point de vue distinguer la contagion émotionnelle du sentiment vécu de proximité affective. La tendance spontanée à la synchronisation et à l’imitation est indépendante du sentiment vécu de proximité à l’autre. Ainsi l’écoute partagée d’une musique renforce le sentiment de proximité, sans nécessairement augmenter l’imitation physiologique325. Plusieurs hypothèses sont discutées pour tenter de justifier l’intérêt évolutif d’un tel mimétisme spontané. Si on accepte qu’une certaine pratique de

320 Darwin, op.cit., p.366.

321 Fritz Strack, L.Martin, S.Stepper, "Inhibiting and Facilitating Conditions of the Human Smile: A Nonobtrusive Test of the Facial Feedback Hypothesis", Journal of Personality and Social Psychology, 54(5), 1988. DOI:

10.1037/0022-3514.54.5.768

322 E.-J Wagenmakers et al., « Registered Replication Report : Strack, Martin, & Stepper (1988) », Perspectives on

Psychological Science, 11, 2016. DOI :

323 William James, “What is an Emotion?”, Mind, 1884.

324 J. Llobera et.al., “The Subjective Sensation of Synchrony: An Experimental Study”, PLoS ONE 11(2), 2016. DOI : https://www.doi.org/10.1371/journal.pone.0137008

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la pensée peut reposer d’une manière essentielle sur la vie émotionnelle, alors il faut reconnaître qu’une telle pensée est directement influençable par la présence d’un tiers, en tant qu’il peut susciter une transformations physiologique conduisant à des phénomènes de convergence affective et émotionnelle.

Il faut distinguer la contagion émotionnelle de l’empathie, qui implique une saisie consciente de la source de la réaction émotionnelle produite en soi-même par un autre : « the

awareness that another is the source of one’s emotions, differentiating [empathy] from emotional contagion, where such an awareness is not present326 ». Autrement dit, l’empathie désigne ici la prise de conscience de l’origine extérieure de la transformation physiologique et affective produite par le contact avec un tiers. La réaction empathique implique, à la différence de la contagion émotionnelle, une visée hors de soi, la saisie d’une extériorité posée comme cause d’une variation affective. Faire preuve d’empathie, c’est reconnaître et catégoriser une certaine réaction affective, en reconnaissant qu’elle a pour objet un autre sujet doté de sensibilité. L’empathie exige donc davantage, d’un point de vue cognitif, que la contagion émotionnelle, puisqu’elle implique pour l’observateur de recréer en lui-même une représentation de l’état affectif d’un autre sujet : « the peculiarity of empathy is that it enables access to another's

internal state by re-creating a representation of that state in the observer327 ». L’empathie, autrement dit, exigerait de posséder une « théorie de l’esprit », c’est-à-dire de se représenter l’intériorité d’un tiers. De ce point de vue l’empathie est cognitivement plus exigeante que la contagion émotionnelle (même s’il existe une certaine continuité phylogénétique entre les deux, rappelée par certains éthologues328. La question se pose également de savoir s’il existe une empathie non-humaine, notamment chez certains grands singes329).

Mais l’empathie n’est pas encore la sympathie, et Lawrence reproche justement à Whitman d’avoir confondu les deux. Ce qui fait défaut dans l’expérience de l’empathie, c’est un effort mental pour comprendre le point de vue de celui pour qui on éprouve de l’empathie. L’empathie

326 Julia Stietz et al. “Dissociating Empathy From Perspective-Taking: Evidence From Intra- and Inter-Individual Differences Research.” Frontiers in psychiatry, 10(126), 2019. DOI:10.3389/fpsyt.2019.00126

327 Julia Stietz et al., « Dissociating Empathy From Perspective-Taking: Evidence From Intra- and Inter-Individual Differences Research », Frontiers in Psychiatry, 10, 2019.

328 Frans De Waal, « Putting the Altruism Back into Altruism : The Evolution of Empathy », Annual Review of Psychology, 59, 2008. doi : https://doi.org/10.1146/annurev.psych.59.103006.093625

329 Frans De Waal, The age of Empathy, Broadway Books, 2010. On trouve la définition suivante de l’empathie, p.281 : « the capacity to be affected by and share the emotional state of another, assess the reasons for the other's state, and identify with the other adopting his or her perspective ». Pour De Waal, la validation de la première partie de la définition suffit à autoriser à parler d’empathie.

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au sens où on l’a définie (que certains auteurs appellent l’empathie affective) est bien tournée vers un autre, mais elle n’exige aucun effort particulier pour comprendre la position de cet autre, pour essayer de comprendre ce que cela peut faire d’être à sa place, ou comme le dit l’anglais de se mettre « dans ses chaussures » (be in one’s shoes). C’est ce que remarque Lawrence : Whitman croit sympathiser avec un esquimau, mais en réalité il ne fait que projeter ses propres états mentaux sur lui. Ce faisant il attribue bien à autrui certaines émotions qu’il ressent, mais il ne fait en réalité que projeter sur un autre ses propres états mentaux, de sorte que ce qu’il prétend découvrir dans l’autre n’est jamais que ce qu’il y a mis au préalable. Il y a une illusion propre à certaines intuitions empathiques, notamment lorsqu’on prétend se fonder sur elles pour connaître le monde extérieur. Céder à ses intuitions en ces matières, c’est risquer de confondre ce qu’on imagine que l’autre éprouve avec ce qu’il éprouve réellement. C’est ce qui arrive à Miss Cummins dans la nouvelle The Princess, lorsque son cheval se blesse sur un chemin de montagne :

“Is he hurt?” cried Miss Cummins anxiously, and she climbed hastily down.

“Oh, my goodness!” she cried, as she saw the blood running down the slender buff leg of the horse in a thin trickle. “Isn’t that awful?” She spoke in a stricken voice, and her face was white.

Romero was still carefully feeling the knee of the buckskin. Then he made him walk a few paces. And at last he stood up straight and shook his head.

“Not very bad!” he said. “Nothing broken.”

Again he bent and worked at the knees. Then he looked up at the Princess. “He can go on,” he said. “It’s not bad.”

[…] “Oh!” cried Miss Cummins, her eyes bright with sudden passion of unshed tears. “I wouldn’t think of it. I wouldn’t ride him up there, not for any money.”

“Why wouldn’t you?” asked Romero. “It hurts him.”

Romero bent down again to the horse’s knee.

“Maybe it hurts him a little,” he said. “But he can make it all right, and his leg won’t get stiff.” “What! Ride him five hours up the steep mountains?” cried Miss Cummins. “I couldn’t. I just couldn’t do it. I’ll lead him a little way and see if he can go. But I couldn’t ride him again. I couldn’t. Let me walk.”

“But Miss Cummins, dear, if Romero says he’ll be all right?” said the Princess. “I know it hurts him. Oh, I just couldn’t bear it.”

There was no doing anything with Miss Cummins. The thought of a hurt animal always put her into a sort of hysterics.

They walked forward a little, leading the buckskin. He limped rather badly. Miss Cummins sat on a rock.

“Why, it’s agony to see him!” she cried. “It’s cruel!”

“He won’t limp after a bit, if you take no notice of him,” said Romero. “Now he plays up, and limps very much, because he wants to make you see.”

“I don’t think there can be much playing up,” said Miss Cummins bitterly. “We can see how it must hurt him.”

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But now Miss Cummins was silent with antipathy330.

Pour le lecteur, il est clair que Miss Cummins se trompe, qu’elle ne fait pas l’effort de comprendre le point de vue de l’animal, et qu’elle se contente de projeter sa propre horreur du sang sur lui. Son empathie s’adresse à un autre imaginaire, et sa réaction est disqualifiée (non sans user au passage du préjugé anti-féministe de « l’hystérie » féminine) : « The thought of a

hurt animal always put her into a sort of hysterics ». C’est seulmeent la représentation de

l’animal blessé qui agite Miss Cumins, pas la réalité de sa souffrance. Elle ne se soucie pas, à la différence du guide Romero, d’aller examiner l’animal. Il lui suffit de projeter un fantasme de souffrance à partir d’un filet de sang. Si on veut faire de l’empathie une source de connaissance, il est nécessaire de corriger les différents biais cognitifs qui peuvent peser sur elle. Les psychologues appellent cet effort intellectuel la « prise de perspective » (perspective-taking) (ou parfois l’ « empathie intellectuelle »). Il s’agit alors de fournir un effort mental pour comprendre la position de l’autre, pour adopter son point de vue plutôt que de se projeter « à sa place », sans imaginer ce qu’une situation peut faire à un autre que soi en tant qu’il est autre que soi et non simplement en tant qu’il est le même (mon semblable). La prise de perspective, l’effort mental pour appréhender une autre perspective, est distincte de l’empathie comme de la contagion émotionnelle, en ce qu’elle n’implique aucun partage émotionnel de l’expérience de l’autre (« there is no element of experience or affect-sharing in perspective-taking331 »). Il est possible de « comprendre » l’autre sans « sympathiser » affectivement avec lui, de même que l’on peut éprouver de l’empathie pour quelqu’un sans chercher véritablement à le comprendre (comme le fait Miss Cummins). L’empathie n’est pas une réaction « purement affective », elle possède bien des composantes cognitives exigeantes, on l’a vu, mais elle n’inclut aucun effort pour corriger les erreurs d’attribution sur lesquelles elle repose le plus souvent. La prise de perspective désigne cet effort permettant d’annuler ou de corriger certains biais cognitifs qui pèsent spontanément sur l’empathie, par exemple le biais qui pousse à généraliser arbitrairement et indûment ses propres expériences en attendant des autres qu’ils les partagent majoritairement (ce qu’on nomme l’effet de faux consensus (false consensus effect332)). Prendre la perspective de l’autre, c’est résister à

330 DHL, « The Princess », Collected Stories, Everyman’s Library, 1994, p.944.

331 Meghan L. Healey and Murray Grossman, « Cognitive and Affective Perspective-taking: Evidence for Shared and Dissociable Anatomical Substrates. » Frontiers in Neurology, 9, 2018, p.491. Ces chercheurs proposent de distinguer une prise de perspective cognitive (Cognitive perspective-sharing) d’une prise de perspective affective (Affective perspective-sharing). Nous préférons parler d’empathie pour le partage émotionnel, et réserver le concept de prise de perspective à la saisie cognitive de la position d’un tiers.

332 Lee Ross, ”The “false consensus effect”: An egocentric bias in social perception and attribution processes”,

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ses propres biais, non pour atteindre à un illusoire point de vue de nulle part, mais pour adopter les présupposés de l’autre, pour reconstituer une perspective différente, en proie à d’autres illusions que les siennes.

Pourtant l’effort intellectuel de reconstituer le point de vue d’un autre risque de demeurer abstrait sans une certaine forme de partage affectif. Sans empathie la « compréhension » d’un autre existant demeure insuffisante, comme le fait de connaître une région sans y être jamais allé, par l’étude des différentes cartes géographiques que l’on en possède, reste insuffisante. Il y a une connaissance sensible, d’expérience, qu’aucune abstraction ne peut remplacer. Il est probable qu’une part important de ce caractère irremplaçable de la connaissance sensible tient aux effets d’imitation et de synchronisation dont nous avons parlés. Sans ce savoir du corps, sans cette

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