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La métaphore comme « paradigme »

Dans le document D. H Lawrence et la question de la pensée (Page 186-198)

LE STATUT AMBIGU DES PANSIES

3.4. Une pensée métaphorique ?

3.4.4. La métaphore comme « paradigme »

Les métaphores ne sont donc pas seulement des effets « littéraires », puisqu’elles sont capables de transformer la manière dont nous présentons, organisons et donnons sens à la réalité. Pour prendre un exemple, présenter systématiquement le discours public, en particulier le débat politique, à partir de métaphores guerrières (participant ainsi à ce que la linguiste Deborah Tannen a proposé d’appeler une « culture de la dispute » (argument culture502)), produit certains effets politiques et sociaux tout à fait réels, comme le fait de susciter une auto-disqualification des femmes, culturellement moins préparées que les hommes aux pratiques agonistiques503. Plus généralement les métaphores jouent un rôle dans la manière dont on appréhende une réalité grâce à des effets de focalisation de l’attention : « In allowing us to focus on one aspect of a concept

(e.g., the battling aspects of arguing), a metaphorical concept can keep us from focusing on other aspects of the concept that are inconsistent with that metaphor504 ».

Dans l’optique de la théorie de la métaphore conceptuelle développée par Lakoff et Johnson dans les années 1980, la catégorisation impliquée par l’usage de telle ou telle métaphore a des conséquences qui dépassent largement les joies du « beau style ». Les métaphores, c’est une des thèses principales de Lakoff, fonctionnent en réseau et constituent une certaine manière générale

501 Perelman & Olbrechts, op.cit., p.541.

502 Deborah Tannen, The Argument Culture, 2012 [1998]. Dans un article du Washington Post (15/03/1998) Tannen résumait son intuition ainsi: «Everywhere we turn, there is evidence that, in public discourse, we prize

contentiousness and aggression more than cooperation and conciliation [...] what I call the argument culture, which rests on the assumption that opposition is the best way to get anything done: The best way to discuss an idea is to set up a debate. The best way to cover news is to find people who express the most extreme views and present them as "both sides." The best way to begin an essay is to attack someone. The best way to show you're really thoughtful is to criticize. The best way to settle disputes is to litigate them. [...]Smashing heads does not open minds”. URL:

https://www.washingtonpost.com/archive/opinions/1998/03/15/for-arguments-sake/04636e38-6298-4c2c-90d3-db0726e60b28/

503 Denson Thomas F., O’Dean Siobhan M., Blake Khandis R., Beames Joanne R., «Aggression in Women: Behavior, Brain and Hormones”, Frontiers in Behavioral Neuroscience, 12, 2018.

DOI=10.3389/fnbeh.2018.00081

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d’appréhender la réalité. L’image métaphorique systématisée influence la manière dont un certain groupe linguistique se représente la réalité, à tel point qu’il est extrêmement difficile de penser des phénomènes à partir d’une métaphore différente de celle qui est culturellement admise. Michael Reddy a souligné par exemple l’importance, en anglais, de la « métaphore du conduit » (conduit metaphor) pour décrire les opérations de pensée. Il souligne notamment trois choses :

i) l’invisibilité des métaphores les plus ordinaires, comme celles du « conduit ». Ainsi on parle spontanément, et souvent sans faire attention à ce que l’image implique dans la manière d’appréhender un problème, d’un texte « vide de sens », ou encore « d’extraire » le sens d’un texte, comme si le sens était dans les mots. Ce sont ces métaphores « oubliées » ou « mortes » qu’il s’agit pour le critique de faire apparaître. ii) L’inutilité d’opposer des « faits » à une métaphore, puisque cette dernière se définit

plutôt comme un mode d’appréhension des faits (« pattern » ou « frame »), ou pour reprendre le terme de Thomas Khun505 utilisé par Reddy, comme un « paradigme » plutôt qu’un « fait ». Autrement dit c’est à partir de certaines métaphores que les

choses nous apparaissent ou non comme des faits.

iii) Enfin Reddy souligne l’extraordinaire difficulté, même en ayant pris conscience d’une métaphore, de penser différemment (« that thinking will remain brief, isolated,

and fragmentary in the face of an entrenched system of opposing attitudes and assumptions506»).

Si les métaphores sont impossibles à écarter du langage ordinaire, quelle position adopter vis-à-vis d’elles ? Peut-être avant tout prendre conscience des biais métaphoriques qui s’imposent dans chaque langue, non pas pour s’en garder à tout prix mais pour ne pas oublier ce qu’une métaphore peut faire à la pensée. Si une certaine conception « logicienne » ou « grammaticale » de la pensée se fixe pour tâche de conjurer autant que possible l’équivocité du langage naturel, la réflexion sur la métaphore voit dans ce projet une tâche impossible. Si on accepte ce point, on peut envisager la possibilité d’une pensée « poétique », qui assumerait ses métaphores et chercherait à en jouer plutôt qu’à s’en méfier (c’était déjà ce que disait Nietzsche).

505 Thomas Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, Flammarion, 2008 [1962]. Le concept se trouve peut-être déjà chez Cournot, mais c’est l’ouvrage de Kuhn qui en a généralisé l’usage dans le monde savant.

506 Michael J. Reddy, « The Conduit-Metaphor – A case of Frame Conflict in Our Language about Language »,

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Mais en quoi un poème peut-il, en produisant des métaphores nouvelles, prétendre « penser » quelque chose ? On peut peut-être répondre qu’un texte poétique « pense » ou « donne à penser » dès lors qu’il oppose un modèle métaphorique à un autre, c’est-à-dire qu’il tente de déstabiliser, par le recours aux images, les évidences métaphoriques qui structurent notre représentation du monde. De ce point de vue des modèles métaphoriques alternatifs seraient non seulement utiles mais également nécessaires à la problématisation de certains domaines. C’est ce qu’affirme Reddy :

In order to investigate the effect of the conduit metaphor on the thought processes of speakers of English, we need some alternate way of conceiving of human communication. We require another story to tell, another model, so that the deeper implications of the conduit metaphor can be drawn out by means of contrast. Simply speaking, in order to engage in frame restructuring about human communication, we need first an opposing frame507.

Si les évidences doxiques exigent une réfutation de type philosophique, les évidences métaphoriques ont besoin d’un autre type de réfutation, non plus philosophique et conceptuel mais littéraire et figural. Il s’agit de proposer un « modèle » alternatif qui fonctionne comme «

another story to tell », fonctionnant en produisant un effet de « contraste ». C’est bien de cette

manière, en proposant d’autres « histoires », d’autres modèles métaphoriques, que les poèmes peuvent être considérés comme participant d’un effort général de pensée, dont la conceptualisation philosophique n’est qu’une modalité possible.

3.4.5. Un exemple de pensée métaphorique : de la pensée-vision à la pensée-tact. Prenons un exemple d’une telle proposition métaphorique alternative chez Lawrence. Nous utilisons la convention typographique de Lakoff, en distinguant les instanciations particulières d’une métaphore de son schéma matriciel, noté en majuscules. Une métaphore bien connue, qui existe au moins depuis la Grèce classique, pourrait ainsi être écrite : TO THINK IS TO SEE. Cette métaphore est si bien intégrée à notre usage de la langue qu’elle se présente à chaque instant. On dit aussi bien en français qu’en anglais que l’on voit ce que veut dire un auteur, que penser consiste en certaines intuitions (intuitere) plus ou moins évidentes (videre), et la notion même d’Idée traduit le grec Eidos, qui signifie proprement l’aspect visible des choses. On parle encore de se figurer une idée, des yeux de l’esprit ou de l’intelligence, d’une conception

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éclairante, etc. Or Lawrence tente de substituer à ce paradigme métaphorique un autre modèle,

« an opposing frame » comme dit Reddy, que l’on pourrait formuler simplement : TO THINK IS TO TOUCH. La substitution du modèle du toucher à celui de la vision passe par une manière différente de métaphoriser l’activité de penser. Si penser consiste toujours à transformer des catégories, la pensée métaphorique tente de transformer des modèles métaphoriques, ces « paradigmes » invisibles qui induisent des manières de voir et de ne pas voir certaines réalités. Produire des effets métaphoriques différents, c’est faire apparaître des réalités que les métaphores ordinaires dissimulent, et raviver la conscience de certaines métaphores qui passent pour des termes « propres ». Il est donc essentiel de se poser la question de la manière dont on métaphorise, sans toujours en avoir conscience, l’activité de penser. Non pas pour produire une définition supposément dégagée de toute forme d’image, mais pour se demander si ce n’est pas en proposant des métaphores originales qu’une poésie « pense ».

L’activité de penser n’est pas seulement métaphorisée le plus souvent comme une vision, mais aussi corrélativement comme une prise de distance. Penser, ce serait se dégager d’une influence immédiate, mettre à distance de soi-même ce qu’il y a à penser, suspendre les réactions pratiques ou émotionnelles spontanées que l’on pourrait avoir à son égard. La vision est considérée depuis les grecs comme un modèle privilégié pour illustrer cette distance instaurée par la pensée entre le sujet pensant et l'objet pensé. La pensée est alors décrite comme un regard intellectuel porté sur le monde, en tant précisément que le propre du regard est de révéler le monde à distance, de suspendre l’immédiateté des réactions vitales, de prendre du champ par rapport aux intérêts pratiques. On a pu en ce sens aller jusqu’à faire de l’expérience visuelle l’origine de l’idée même d’objectivité. Hans Jonas écrivait par exemple : « c’est de la perception visuelle que le concept et l’idée héritent ce modèle ontologique d’objectivité que la vision a d’abord créée508. » Pour Jonas, c’est parce que la vision existe et peut servir de modèle analogique que l’idée d’objectivité a pu être imaginée.

Une longue tradition, qui passe notamment par Aristote, fait de la vision le plus noble des sens. De ce point de vue la pensée serait à l’âme ce que la vision est à la perception, il y aurait une analogie entre les deux activités de voir et de penser, qui toutes deux exprimeraient ce qu’il y a de meilleur dans l’humain. Au début de la Métaphysique, Aristote rappelle brièvement pourquoi la vision doit être privilégiée : « [...] non seulement pour agir, mais même lorsque nous

508Hans Jonas, Le phénomène de la vie : vers une biologie philosophique, Danielle Lories (trad.), De Boeck Université, 2000 [1966], p.157. Tout l’essai VI (« La noblesse de la vue : étude de phénoménologie des sens ») est consacré à ce que la métaphore de la vision induit quant à la conception de la pensée.

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ne nous proposons aucune action, nous préférons, pour ainsi dire, la vision à tout le reste. La cause en est que la vue est, de tous nos sens, celui qui nous fait acquérir le plus de connaissances509. » La vision aurait le privilège d’être davantage libérée des exigences pratiques, ce qui lui confèrerait une vertu épistémique particulière. On pourrait alors dire que, de même que la vision est le sens le plus noble et le meilleur, la « vision intellectuelle » est la forme la plus haute de la conscience humaine, plus précisément pour Aristote la pensée-vision libérée de tout engagement pratique : la theoria. Cette proximité analogique entre la vision et la pensée n’est pas le propre d’Aristote, et constitue une sorte de lieu commun philosophique. On trouve ainsi sous la plume de Philon d’Alexandrie, au premier siècle de notre ère :

La vision (orasis) excelle parmi tous les sens, puisque par elle seule sont appréhendées les plus belles des choses créées, le soleil, la lune, l’ensemble du ciel et de l’univers. Et la vision par la partie maîtresse (hegemonikou) de l’âme l’emporte sur toutes les autres facultés qui l’accompagnent. Elle est la sagesse, qui est la vue de l’intelligence (phronèsis opsis ousa

dianoias)510.

L’analogie permet de passer de la vision sensible à la vision intellectuelle ou vision de la partie la plus haute de l’âme. La vision est l’activité par excellence qui permet de rapprocher la perception et la pensée. La sagesse elle-même (phronêsis) ne serait rien d’autre qu’une vision intellectuelle.

Examinons les tensions suscitées par cette métaphorisation plusieurs siècles plus tard. Descartes reprend à son compte ce qui n’est ni un fait ni une opinion, mais se donne avec le « naturel » des métaphores oubliées. Il identifie ansi, dans le texte inachevé des Règles pour la

direction de l’esprit, la saisie de la vérité à une forme de vision intellectuelle, « intuitus mentis511

». Certains critiques ont dénoncé le fait que l’analogie entre la pensée et la vision n’est possible chez Descartes qu’à condition d’insister au préalable sur la dimension intellectuelle de la vision sensible. Ce serait parce que la vision est conçue a priori comme « une vision dominée d’entrée de jeu par l’esprit512 », qu’il serait possible de décrire ensuite la pensée comme une vision. Descartes ne ferait, comme le magicien, que retrouver dans son chapeau ce qu’il y a placé sans le dire. Contester cette représentation intellectualiste de la vision conduirait alors à transformer

509 Aristote, Métaphysique A, 980a. Trad. J.Tricot. 1933. Paris : Vrin, 1991.

510 Philon d’Alexandrie, De Abrahamo. Trad. Jean Gorez. t.20, p.46-47. Cité par Hegel dans ses Leçons sur l’histoire

de la philosophie IV : La philosophie grecque. Trad. P. Garniron. Paris : Vrin, 1975. p.827.

511 Descartes, Oeuvres complètes I: Premiers écrits. Règles pour la direction de l’esprit. Ed. J.M.Beyssade et D.Kambouchner. Paris: Gallimard, 2016.

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l’image de la pensée qui lui est associée. Or c’est précisément le sens du « paradigme » métaphorique que nous avons noté THOUGHT IS A VISION qui contribue à donner le sentiment que tout est déjà décidé avant l’examen. Tout est joué dès lors que l’on accepte les expressions qui servent à dire la pensée, si bien qu’il faut en quelque sorte, pour éviter certains partis pris, s’efforcer de penser contre la langue. Les philosophes ont bien l’habitude d’interroger le langage ordinaire (pour s’en écarter ou s’inspirer de ses finesses), mais ils sont mal équipés lorsqu’il s’agit de produire des nouvelles métaphores. C’est pourquoi les poètes sont si nécessaires au progrès de la pensée.

Mais si la solution ne peut être que poétique (forger de nouvelles métaphores pour défaire les métaphores oubliées), le problème apparaît déjà chez les philosophes. Ainsi Descartes mobilise, d’une manière extrêmement curieuse, des images tactiles pour expliquer les images visuelles qui servent à décrire la pensée. Comme l’écrit Michel Serres, qui a révélé ce point avec finesse, chez Descartes « le toucher est le modèle de la vision qui est le modèle de l’intuition513 ». Tout se passe comme si des références tactiles devenaient nécessaires pour rendre compte de l’épaisseur sensible et de la proximité qui ont été expulsées de la vision. Comment concevoir que l’esprit embrasse son objet dans l’expérience de l’évidence, sans avoir besoin des médiations du raisonnement ou de la démonstration ? Comment retrouver la proximité que l’on a commencée par exclure de la pensée ? Comment décrire une vision immédiate, une vision compréhensive capable de saisir d’emblée une réalité plutôt que de la mettre à distance ? Descartes, pour tenter de répondre à ces questions, évoque l’expérience du toucher. Comme le résume Michel Serres, chez Descartes « la vision est le modèle de l’intuition, et le tact indistant est le modèle de la vision514 ». Descartes n’est pas un fabricateur de métaphores mais, si convaincu du primat du visuel qu’il puisse être (« Toute la conduite de notre vie dépend de nos sens, entre lesquels celui de la vue étant le plus universel et le plus noble [...]515 »), si constamment porté à mobiliser des analogies visuelles (il rappelle qu’intuition signifie pour lui « voir » et parle de « lumière naturelle »), il en vient pourtant, pour exprimer la proximité de la pensée à son objet, à trahir l’image de la vision, ou plutôt à éclairer la métaphore de la vision par une métaphore tactile. La réflexion philosophique bute ici sur les biais induits par les métaphores implicites que la langue propose. Descartes tente, pour conjurer les effets de la première métaphore, de la redoubler par une autre : « Il y a bien deux analogies successives complètes: vision-lumière-distance,

toucher-513 Michel Serres. « L'évidence, la vision et le tact ». Les Études Philosophiques, 2, 1968, p. 191–195. URL: https://www.jstor.org/stable/41581279

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obscurité-proximité, et la deuxième est résolutive de la première516 ».

Or cette seconde analogie cartésienne : toucher-obscurité-proximité, évoque bien des choses au lecteur de Lawrence. Car Lawrence tente lui aussi de résoudre les tensions liées à une pensée trop exclusivement conçue sur le modèle de la vision, en passant du modèle de la vision et de la lumière au modèle du tact et de l’obscurité. Celui qui voit le monde est en face, mais celui qui le touche est à son contact, auprès de lui, immergé dans sa proximité. Lawrence reproche à la pensée philosophique d’être trop éloignée du monde, de perdre le contact à force de rechercher la distance (la critique épistémique est la forme intellectuelle d’une critique sociale envers les classes privilégiées, qui valorisent la mise à distance parce qu’elles peuvent vivre à distance des nécessités). Toute la question est alors de savoir s’il est possible de concevoir une pensée immergée, une pensée auprès du monde plutôt qu’une pensée de la distance.

La difficulté rencontrée par Descartes pour soutenir l’analogie entre la vision et la pensée le conduit ici à une nouvelle proximité étonnante avec Lawrence. Michel Serres résume ainsi le problème auquel est confronté Descartes: « Il faut trouver une figuration qui supprime la distance comme telle517 ». Or « supprimer la distance, c’est remplacer la vision par le toucher » puisque « le tact, c’est le contact ». La conception d’un regard distancé exige de mobiliser l’image du toucher pour évoquer la proximité. On retrouve notamment ce thème chez Lawrence dans la nouvelle « The Blind Man » (1922). Maurice Pervin a perdu la vue pendant la guerre, mais il insiste sur le fait que son expérience ne s’est pas appauvrie pour autant. Au contraire, il a gagné en proximité avec le monde, puisque la vision l’encourageait à se distancer des autres existants. « Life was still very full and strangely serene for the blind man, peaceful with the

almost incomprehensible peace of immediate contact in darkness [...] He did not even regret the loss of his sight in these times of dark, palpable joy518». C’est ce contact immédiat dans l’obscurité (« immediate contact in darkness ») sur lequel Lawrence s’appuie constamment comme le modèle métaphorique permettant de figurer différemment l’activité de penser. Or Descartes décrivait lui aussi l’expérience d’un aveugle comme modèle d’une compréhension dans la proximité. Il écrivait dans la Dioptrique :

Il vous est bien sans doute arrivé quelquefois, en marchant de nuit sans flambeau par des lieux un peu difficiles, qu’il fallait vous aider d’un bâton pour vous conduire, et vous avez pour lors pu remarquer que vous sentiez, par l’entremise de ce bâton, les divers objets qui se rencontraient autour de vous, et même que vous pouviez distinguer s’il y avait des arbres, ou des pierres, ou du sable, ou de l’eau, ou de l’herbe, ou de la boue, ou quelque autre chose de semblable. Il est vrai que

516 Michel Serres, art.cit.

517 Michel Serres, art.cit., p.194.

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cette sorte de sentiment est un peu confuse et obscure en ceux qui n’en ont pas un long usage ; mais considérez-la en ceux qui, étant nés aveugles, s’en sont servis toute leur vie, et vous l’y trouverez si parfaite et si exacte qu’on pourrait quasi dire qu’ils voient des mains, ou que leur bâton est l’organe

Dans le document D. H Lawrence et la question de la pensée (Page 186-198)