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Le passage au vers-libre

Dans le document D. H Lawrence et la question de la pensée (Page 148-159)

LE STATUT AMBIGU DES PANSIES

3.2. Le vers-libre

3.2.1. Le passage au vers-libre

Lawrence n’est pas avant tout connu comme poète, bien qu’il ait publié plus de mille poèmes dans sa relativement brève existence (il meurt de la tuberculose à 44 ans). Les premiers textes publiés sous son nom étaient des poèmes (notamment « Dreams Old » et « Dreams Nascent », que Lawrence décrit lui-même beaucoup plus tard comme : « that exceedingly funny and

optimistic piece of rhymeless poetry399 »), envoyés par Jessie Chambers en 1909 à la jeune et

395 Gérard Dessons, Introduction à l’analyse du poème, Armand Colin, 4ème édition, 2016.

396 Gérard Dessons, La voix juste. Essai sur le bref, Editions Manucius, 2015.

397 Ellis, op.cit., p.164.

398 Fontaine, Préface aux fables : « la brèveté, qu’on peut fort bien appeler l’âme du conte, puisque sans elle il faut nécessairement qu’il languisse ». Les fables sont dites « sœurs » de la poésie.

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éphémère English Review dirigée par Ford Hueffer, et publiés en novembre de la même année. Les premiers poèmes, « géorgiens », ne sont pas sans intérêt, mais demeurent relativement conventionnels, souvent affectés et sentimentaux (« […] far more conventional in their

language, form and subject-matter than most of his later verse400 »). Il faut attendre le passage définitif au vers-libre, dans le troisième recueil publié sous le titre Look ! We have come through (1917) pour que Lawrence opère des percées poétiques importantes. Comme le résume David Ellis : « it is only after this decision that Lawrence really begins to matter as a poet401 ». Keith Sagar est plus radical encore : «Had Lawrence died at, say, thirty-four, […] he would have had

no standing as a poet402». Lawrence a donc mis du temps avant de conquérir le style poétique qui lui convenait, en particulier l’écriture en vers-libre, qui sera si importante pour les Pansies.

Il a d’ailleurs parfaitement pris conscience de l’importance du passage au vers-libre dans sa production poétique. En constituant ses Collected Poems en 1928, au moment même où il rédige ses Pansies, il divise l’ensemble de son œuvre poétique en « poèmes rimés » (Rhyming

Poems) et « poèmes non rimés » (Unrhyming Poems), dramatisant dans la préface le passage au

vers-libre, par lequel il se serait libéré d’un héritage étouffant et moribond (« pure english

experience and death experience403 »). Il s’agit toutefois d’une reconstruction après-coup, qui ne correspond que d’assez loin à la vérité historique. La « décision » racontée rétrospectivement trahit en réalité un passage lent et progressif vers l’adoption d’une forme libre, qui convient certainement très bien à Lawrence mais qui ne s’est pas imposée à lui d’emblée. La précision des études biographiques permet de relativiser le « mythe » de la rupture que Lawrence défend :

[…] in order to sustain the myth that the liberation of his verse coincided with his liberation from everything he associated with England, he was obliged to distort the chronology of the poems considerably. The last of the Rhyming Poems were written in the spring of 1918. But if the rebirth must be seen to coincide with leaving England with Frieda, the second volume must be seen to coincide with leaving England with Frieda, then the second volume must begin with ‘Look! We

have Come Through!’, which contains poems written as early as 1911. Not only does this rupture

the chronology, it also leads to the anomaly that forty-six of the first sixty-six poems in Unrhyming

Poems in fact rhyme! Nor are the unrhyming poems in ‘Look!’ Lawrence’s first experiments with

free verse404.

400 Helen Sword, « Lawrence’s Poetry », The Cambridge Companion to D. H. Lawrence, Anne Fernihough (ed.), Cambridge University Press, 2001, p.121

401 Ellis, op.cit., p.147.

402 Keith Sagar, D.H.Lawrence: Poet, Humanities-Ebooks LLP, 2007, p.32.

403 DHL, Introduction to Collected Poems, CP, p.623.

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Tout semble donc témoigner d’un passage progressif au vers-libre plutôt que d’une « décision » brutale et définitive. Il n’en reste pas moins que ce passage est déterminant dans la production poétique de Lawrence, et en cela le « mythe » délivre bien une vérité.

Mais cette rupture consiste-t-elle avant tout, comme Lawrence le donne à penser, en un simple abandon de la rime ? Il n’y aurait là rien de remarquable, puisque la rime n’a pas dans la poésie anglaise l’importance qu’elle a en France, à tel point qu’on a pu écrire que la majeure partie de la production poétique anglaise consiste en poèmes non rimés. Mais la tradition du « vers blanc405 » anglais (blank verse), qui s’impose depuis la Renaissance, implique le plus souvent une métrique stable. C’est seulement la rime finale (« the troublesome and modern

bondage of riming406 » comme le dit Milton) qui apparaît artificielle aux partisans du « vers blanc ». Le retour d’un mètre constant, comme le pentamètre iambique, demeure pendant longtemps une exigence fondamentale de la forme poétique anglaise, héritée de l’antiquité. Le vers blanc traduit un désir de s’affranchir de la rime, mais pas du mètre : il demeure un vers métrique, « mesuré » : « Being metrical, blank verse is measured (the root meaning of

‘meter407’) ». Or c’est précisément avec cette « mesure » que les vers-libristes cherchent à rompre, et c’est dans leur sillage que Lawrence inscrira ses productions.

3.2.2 « L’exquise crise » et le vers-librisme

L’invention du vers-libre408 au cours du XIXème siècle apparaît bien de ce point de vue comme une véritable rupture, puisque ses partisans vont faire éclater la métrique au-delà du seul abandon de la rime finale. Les vers-libristes prétendent en effet s’affranchir, non seulement de la rime, mais aussi du mètre régulier, ainsi que, plus généralement, de régularités accentuelles jugées trop mécaniques. La question se pose alors de savoir en quoi les vers-libres sont encore des vers, et qu’est-ce qui autorise à les rattacher au genre poétique. Est-ce la « musicalité » interne des vers (répétitions phoniques : assonances, allitérations) ? Ou bien le retour à la ligne, l’identité du vers et de la ligne, qui distinguerait le poème en vers libre du poème en prose ou de la prose poétique ? Dans ce dernier cas, il serait impossible de distinguer à l’oreille le vers-libre de la prose

405 Dans la tradition française, l’expression « vers blanc » désigne un vers isolé, qui ne rime avec aucun autre. En contexte anglais, il s’agit de vers sans rimes finales.

406 John Milton, « The Verse », Paradise Lost, Simon & Schuster, 2012.

407 Henry Weinfield, The Blank-Verse Tradition from Milton to Stevens – Freethinking and the Crisis of Modernity, Cambridge University Press, 2012.

408 On distingue par convention le vers libre (sans tiret) comme forme poétique générale du vers-libre, invention historique à laquelle on se réfère ici.

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poétique ou du poème en prose. Certains ont soutenu pour cette raison, Mallarmé notamment, que le vers libre était avant tout fait pour être lu plutôt qu’entendu (mais William Lock aurait dit déjà, à propos des vers blancs, qu’ils n’étaient des vers que « pour les yeux » (« Blank verse

seems to be verse only to the eyes409 »)). Qu’est-ce qui caractérise finalement le vers-libre ? Peut-on dire des Pansies, de ces textes le plus souvent nPeut-on rimés, sans strophes régulières et sans régularités syllabiques ou accentuelles définies, qu’ils sont écrits en vers ?

Cette question de la nature du vers s’est posée avec insistance lors de l’invention du vers-libre. En France (et nous verrons que l’histoire du vers français a contribué à la formation poétique de Lawrence) cette « invention » a eu lieu sous l’influence, notamment, des

Illuminations de Rimbaud (1870), et sous l’égide de Gustave Kahn autour des années 1880 (Les Palais nomades sont publiés en 1887). Les discussions ont été ardentes dans les milieux

littéraires de l’époque, et les querelles se sont multipliées410. L’invention a tardé à se faire accepter et au début du XXème siècle, le vers-libre apparaissait encore comme une forme avant-gardiste fortement transgressive. En témoigne « l’enquête internationale du vers-libre » lancée par Marinetti en 1905, et les réponses négatives qu’il a massivement reçues : pour la plupart des auteurs interrogés, le vers-libre n’était pas, à cette époque, une forme poétique à part entière, mais plutôt la destruction de tout effort de formalisation poétique.

Lawrence a sans doute eu connaissance de ces disputes, en particulier du fait de l’importance de la culture française dans sa formation (« French culture played a tremendous

part in his formation as in that of many of his contemporaries411 »). Lawrence lisait et écrivait relativement aisément le français. Il a lu entre autres Rousseau, Stendhal, Balzac, Flaubert, Zola, Anatole France, et on trouve des mentions explicites de la lecture de sa part de plus de 80 auteurs français. Ginette Katz-Roy a souligné l’importance singulière de la poésie dans cette fréquentation des auteurs français :

Lawrence had studied French at school and at university and looked for every opportunity to use it […] The young Lawrence gave French lessons to Jessie Chambers. Among his manuscripts, we still have some of the exercises he prepared for her. In her memoirs, she mentions all the French books they read together and the diary he asked her to write in French. Her testimony coincides with Lawrence's own recollections in Sons and Lovers. Paul asks Miriam to copy Baudelaire's "Balcony" to make her meditate on the line: "You will remember the beauty of caresses"; and a

409 Cité par Samuel Johnson, « The Life of Milton », Lives of the English Poets (1781).

410 Francis Carmody, « La doctrine du vers libre de Gustave Kahn », Cahiers de l’Association Internationale des

Etudes Françaises, 1968.

411 Ginette Katz-Roy, « D.H. Lawrence and «That Beastly France” », The D.H.Lawrence Review, 23(2/3), 1991, p.145.

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number of pages in the novel are devoted to their attempt at communion through French literature. Similarly, in Lawrence's autobiographical play A Collier's Friday Night, Ernest gives Maggie a book of French verse and reads aloud two poems by Baudelaire. While teaching in Croydon, Lawrence tried to have a bit of practice with French visitors and sometimes acted as an interpreter for his friends. Many of his letters to his fiancée Louie Burrows are written entirely in French—not in very good French for all that412.

Lawrence cite encore de mémoire un vers de Verlaine en 1928413, présenté comme un des textes qui ont contribué à donner forme à sa propre vie : « […] Verlaine « Ayant poussé la porte qui chancelle » - all these lovely poems which after all give the ultimate shape to one’s life ». Il évoque particulièrement deux poètes français : Baudelaire et Verlaine (selon Jessie Chambers « the two great poetic lights in his firmament414 »), mais on sait qu’il a lu les symbolistes : « les témoignages de Jessie Chambers et de Violet Hunt le montrent à l’époque [1908-1910] grand dévoreur de poésie et notamment de poésie française symboliste415 » ; Lawrence parle notamment de « their beautiful touch416 ». Il ne faut donc pas négliger l’influence des poètes français de la seconde moitié du XIXème siècle sur la formation poétique de Lawrence.

Mais l’influence décisive ne vient pas de la culture française. La langue française demeure en effet toujours étrangère à Lawrence, malgré la relative maîtrise qu’il peut en avoir. Il lui reproche même d’être incapable de dire ce qui importe. Comme il le fait dire à un personnage américain, dans une nouvelle de 1928 : « You never talk French with your soul. It can’t be

done417 ». La préciosité des symbolistes ne peut à la longue qu’agacer ce fils de mineur épris de lignes dures et directes, une fois passés les goûts esthètes et raffinés de ses jeunes années.

3.2.3. Whitman

C’est des Etats-Unis que vient l’influence décisive, et singulièrement de celui qu’on a baptisé « le père du vers-libre » (the father of free-verse) : Walt Whitman. Lawrence n’a jamais caché sa

412 Id., p.146.

413 DHL, « Hymns in a Man’s Life », Late Essays and Articles (LE), Cambridge University Press, p.130. Il s’agit du poème «Après trois ans” des Poèmes Saturniens. Le premier vers est : « Ayant poussé la porte étroite qui chancelle ». L’intérêt rythmique du vers tient singulièrement au mot « étroite », oublié par Lawrence.

414 Jessie Chambers, D.H.Lawrence : A Personal Record, Frank Cass Publishers, 1965 [1931], cité par Ginette Katz-Roy, art.cit., p.148.

415 Ginette Katz-Roy, « Le démon délivré (D. H. Lawrence et ses poèmes de jeunesse) », Cahiers victoriens &

edouardiens, 32, 1990, p.18.

416 Id.

417 DHL, « Thing », Complete Short Stories, Electronical Edition. Cité par Ginette Katz-Roy, « D. H. Lawrence and « that beastly France » », art.cit., p.145-146.

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très grande admiration pour Whitman. On trouve sous sa plume des formules d’admiration que l’on chercherait en vain pour un autre auteur : « Whitman, for whom I have an immense

regard418 », « the great poet he is », « Whitman is a very great poet », « Whitman, the great poet,

has meant so much to me », « we fear him and respect him so profoundly419». L’influence est ancienne, comme en témoigne le fait qu’en 1908 Lawrence écrivait déjà à Jessie Chambers: «

I’m sending you a Whitmanesque poem420 ». Le rapport à Whitman est cependant ambigu et se nuance à mesure que les années passent, en particulier dans les passages qui lui sont consacrés dans les Studies On Classic American Literature. Nous avons vu que Lawrence y reproche à Whitman de méconnaître le sens profond de la sympathie. Mais il l’accuse également de morbidité, non sans une certaine violence : « this awful Whitman. This post-mortem poet421. »

L’admiration pour Whitman cède progressivement la place à une position plus contrastée, mélange de critique sévère et de reconnaissance. Il reste que l’écriture poétique de Whitman a contribué au passage au vers-libre opéré par Lawrence pendant les années de la Grande Guerre. Certains critiques reconnaîtront d’ailleurs à juste titre en Lawrence, dès la parution des Pansies, un continuateur original de Whitman : « […] so far as I know, Lawrence is the only poet on

whom Whitman has had a fruitful influence ; his free verse is quite new, but without Whitman it could not have been written422 ». Lawrence lui-même, lorsqu’il décrit la singularité de sa poésie, reconnaît que « Whitman’s is the best poetry of this kind423 ». La continuité semble alors s’imposer entre le poète américain et l’auteur de Pansies. Lawrence, c’est ce que répètent un certain nombre de critiques, prolonge les inventions de Whitman. On peut lire par exemple dans un compte-rendu de 1929 :

[…] as for his technique, it is unmatched. No artist has carried free-verse so far. He has the sweep and grandeur of Whitman, but with an added grace, a susceptibility to the touch of single words, vowels and consonants. The pulse of thought and emotion fills the cadence of his unmeasured line424.

Des critiques modernes seraient peut-être plus circonspects, et de nombreuses réactions ont été, dès la publication, beaucoup plus mitigées : Virginia Woolf décrivait par exemple les Pansies comme « the sayings that small boys scribble upon stiles to make housemaids jump and

418 DHL, FU, p.202.

419 DHL, « Preface to the American Edition of New Poems (1920) », CP, p.617.

420 Cité par Keith Sagar, op.cit., p.30.

421 DHL, SCAL, p. 151.

422 W.H. Auden, « Some notes on D. H. Lawrence », The Nation, April 26, 1947. Repris dans Critics on D. H.

Lawrence, ed. W. T. Andrews, George Allen & Unwind Ltd, 1971, p.48.

423 DHL, « Preface to the American Edition of New Poems » (1920), CP, p.617.

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titter425 ». Mais quoi qu’il en soit de la valeur et de l’originalité que l’on est prêt à reconnaître aux Pansies, il est certain que l’usage du vers-libre dans la production poétique de Lawrence doit beaucoup à Whitman.

Le vers-libre offre à Lawrence une liberté nouvelle, tant il est vrai que libérer la forme permet de libérer de nouvelles possibilités sémantiques. C’était déjà ce lien que revendiquaient les partisans du vers blanc : la libération formelle s’accompagne d’une conquête au niveau du sens et (le terme de freethinking est souvent évoqué à ce propos) de la pensée.

The freedom of blank verse, first in Milton and then in the Romantic and modern poets who follow him in this mode, seems both to allow for and to promote what used to be called

freethinking, a term that the Oxford English Dictionary defines as « independence of thought; specifically, the free exercise of reason in matters of religious belief, unconstrained by deference to authority426».

Ce n’est pas un hasard si Lawrence adopte le vers-libre au moment de sa vie où il se heurte à une forme de plus en plus ouverte de rejet de la part des élites cultivées (notamment du fait du stigmate que représente sa fuite avec une femme mariée, puis de ses positions antimilitaristes et germanophiles opposées au « patriotisme » de la Grande Guerre). Le choix du vers-libre sera une manifestation parmi d’autres d’une suite de choix qui tendront à faire de Lawrence un marginal, exclu à la fois de son milieu d’origine et des groupes cultivés de la moyenne et grande bourgeoisie. Le vers-libre est la forme idéale que découvre celui qui vivra son destin social comme celui d’un paria, ou comme il le dira lui-même d’un « outsider427 ».

3.2.4. « A real thought can only exist easily in verse »

Lawrence affirme une parenté essentielle de la pensée et du vers : « a real thought, a single

thought, not an argument, can only exist easily in verse, or in some poetic form428». Cette formule est éminemment paradoxale, et comme le remarque M. Lockwood, qui a écrit un livre sur le rapport entre poésie et pensée chez Lawrence, la conception d’une pensée en vers vaut

425 Virginia Woolf, “Notes on D. H. Lawrence”, 1931, first published in Collected Essays, I, ed. Leonard Woolf, 1947. Repris dans Critics on D. H. Lawrence, op.cit., p.37.

426 Weinfield, The Blank Verse Tradition, op.cit., p.2.

427 DHL, L2, p.504 : “I am an outsider”.

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surtout pour Lawrence lui-même et ne doit pas être prise trop rapidement comme une vérité générale :

As a general statement, this is hard to take; there seems nothing in the poetic form as such that would be particularly helpful to processes of thought, and nothing in thought as such that lends itself particularly to poetic expression. As a rationalization from Lawrence’s own peculiar talents, however, it is revealing, because Lawrence’s own habits of thought do characteristically lend themselves to poetry429.

La pensée tendrait bien à se faire poétique chez Lawrence, mais cette vérité serait impossible à généraliser, et il s’agirait plutôt d’une idiosyncrasie que d’une caractérisation objective du processus de pensée. On peut toutefois se poser la question de savoir ce que Lockwood suppose être une pensée, lorsqu’il écrit qu’il n’y a « rien dans la pensée en tant que telle » (nothing in

thought as such) qui conduise au poétique. L’intérêt de la remarque de Lawrence tient en effet à

ce qu’elle permet de faire évoluer la logique des genres, pour interroger ce que l’on considère généralement être, ou non, de l’ordre de la pensée. Si on considère cette question comme tranchée, l’expression ne peut apparaître que comme une erreur classificatoire (category

mistake), car la pensée philosophique s’est précisément développée en se distinguant d’autres

types de discours, et notamment du discours poétique et de ses exigences propres. La meilleure pensée philosophique est celle qui laisse de côté les exigences du « beau style », pour se concentrer sur la clarté et la rigueur argumentative. Mais Lawrence conteste précisément la manière dont le champ philosophique s’est spécialisé : « it was the greatest pity in the world,

when philosophy and fiction got split430 ». En s’inscrivant volontairement dans un espace ambigu

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