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Transition : Cultures ou intelligences ?

Dans le document La culture de l'information en reformation (Page 93-96)

Dans l‘espace complémentaire des énoncés de la culture de l‘information, figurent notamment toutes les théories autour de l‘intelligence. L‘intelligence est plus liée à une conception personnelle, étymologiquement renvoyant à une lecture intérieure.

Le concept de culture présente un caractère plus général voire plus collectif dans la mesure où lui est parfois associé l‘adjectif de « commune ». Il nous semble que « culture » et

« intelligence » ne sont pas antinomiques et peuvent coexister.

Culture et intelligence possèdent leurs singularités et leurs similarités. Et au niveau de la similarité, nous avons distingué des enjeux communs que nous développerons dans la

169 Céline METTON. « Devenir grand ». Le rôle des technologies de la communication dans la socialisation des collégiens. Thèse de sociologie. EHESS, 2006. p.190

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93 troisième partie. Des enjeux qui peuvent être l‘expression d‘ « une bataille pour l‘intelligence ». Cette expression est reprise actuellement par des professionnels de la politique aussi bien que par des chercheurs notamment ceux engagés dans l‘association Ars industrialis, menée entre autres par Bernard Stiegler. Ce dernier fait de l‘intelligence ce qui nous entre-lie mais surtout ce qui nous entre-lit (inter-legere)170, c'est-à-dire notre inscription au sein d‘une tradition sur laquelle repose notamment notre héritage scientifique et démocratique.

Comment comprendre alors l‘usage du terme d‘intelligence informationnelle que Diane Poirier privilégie et qui opère par analogie avec l‘intelligence économique171 ? Brigitte Juanals s‘interroge également sur ce passage d‘une culture de l‘information à l‘intelligence informationnelle :

Dans un contexte d‘intelligence économique, le problème majeur à résoudre aujourd‘hui est celui de trouver des solutions techniques et cognitives au traitement des données, face à l‘explosion de la quantité d‘informations disponibles dans les environnements numériques et plus largement sur le web.

Dans cette perspective, les outils logiciels ont profondément modifié les conditions de lecture et d‘écriture, ainsi que les modèles techniques de diffusion des savoirs. En particulier, l‘évolution des modes d‘indexation des documents- portant sur leur fonction de description-, le rôle de médiation des outils de recherche et la traçabilité de l‘information en sont des aspects essentiels. Les pratiques intellectuelles qui y sont associées ont également évolué d‘une « culture de l‘information » (« information literacy ») en direction d‘une « intelligence informationnelle »-expression forgée par analogie avec l‘intelligence économique-et de la veille stratégique. 172

L‘analogie peut en effet sembler opérationnelle si nous considérons que des besoins concernant les entreprises, type « image de marque », sont désormais également du ressort des individus. Elle peut l‘être également si nous considérons le sens étymologique d‘intelligence qui renvoie bien à l‘idée de lecture et à la capacité de lire en soi. Seulement cette dimension nous paraît trop individuelle, fonctionnant telle le « connais-toi, toi-même » et n‘incluant justement pas de dimension collective et de prise de soin.

De plus, l‘intelligence informationnelle n‘implique pas le même rapport que la culture avec la technique. Si certes de nouveaux outils se mettent en place, il ne s‘agit pas de

170 Bernard, STIEGLER. Prendre soin : Tome 1, De la jeunesse et des générations. Op. cit.

171 Echange de mail du 3 mars 2006, elle répond à notre interrogation : Faut-il traduire information literacy ?

« Au Québec, peut-être parce que le français y est plus menacé quřen France, nous préférons traduire. Il y aurait aussi Ŗcompétence informationnelleŗ. Je préfère Ŗintelligence informationnelleŗ parce que plus accrocheur. Jřavais une visée pédagogique de bibliothécaire en relation avec la formation documentaire. »

172 Brigitte JUANALS. La circulation médiatique des savoirs dans les sociétés contemporaines. Op. cit., p. 123

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94 considérer que ces technologies sont totalement nouvelles car elles comportent malgré tout encore des formes héritées comme nous le montrerons plus loin notamment avec l‘architexte.

Ces formes sont fréquemment oubliées dans les théories des intelligences (collectives, économiques et informationnelles). Elles le sont moins dans la culture de l‘information, ce qui nous incite à nous demander ce qu‘est vraiment la culture de l‘information.

1.3. QU’EST-CE QUE LA CULTURE DE L’INFORMATION ?

Nous souhaitons face à ces origines diverses et à des acceptions parfois opposées, montrer la question de la complexité de la culture de l‘information en la resituant dans une démarche remontant notamment à une interrogation qui s‘est posée à propos des Lumières. La question à laquelle il convient de répondre est selon nous la suivante : Qu‘est-ce que la culture de l‘information ?

Le concept souffre d‘une définition qui n‘est finalement pas claire parce que les divers enjeux n‘ont pas été mesurés avec précision. Notre propos est d‘éviter d‘emblée les discours excessifs faisant de la culture de l‘information ou du concept d‘information literacy, la somme des savoirs primordiaux à transmettre afin que les futures générations puissent survivre dans un environnement uniquement informationnel. Ces emphases vont de pair avec tous les discours politiques et commerciaux sur la société de l‘information dans laquelle nous serions entrés. Derrière ce type de discours, se cache probablement un autre danger : celui d‘une confusion entre compétences informationnelles et capacités intellectuelles, ce qui risquerait d‘accélérer « la liquidation de la faculté cognitive, qui est remplacée par lřhabileté informationnelle »173

Selon nous, la question est plus complexe, pas totalement nouvelle puisque nous souhaitons effectuer ce retour historique autour de la question des rapports historiques de la culture de l‘information avec les Lumières.

S‘il fallait répondre en une phrase, il serait aisé de reprendre les mots de Kant dans sa réponse à « qu‘est-ce que les Lumières » et de faire nôtre sa réponse à « qu‘est-ce que la culture de l‘information » :

173 Bernard STIEGLER. Prendre soin : Tome 1, De la jeunesse et des générations. Op. cit., p.326

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95 La sortie de l‘homme de sa minorité dont il est lui-même responsable.174

Mais il ne s‘agit pas de répondre en une phrase et il convient de comprendre justement sur quoi repose cette sortie et de décrire quels sont les obstacles de ce parcours, de ce chemin (gang) peut-être labyrinthique qui constitue la culture de l‘information et qui permet de sortir l‘individu de sa minorité.

Pour tenter de comprendre ce point, nous nous appuierons donc à la fois sur les réflexions de Gilbert Simondon, notamment afin d‘éclaircir les notions de minorité et de majorité ainsi que les éclaircissements apportés par Bernard Stiegler pour comprendre l‘articulation entre Kant et Simondon.

1.3.1 La sortie vers la majorité : la culture de

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