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Prise de conscience des hypomnemata au sein de la culture de l’information

Dans le document La culture de l'information en reformation (Page 49-52)

Culture informationnelle individuelle et culture de l’information collective

1.1.3 Une généalogie de la culture de l’information ?

1.1.3.3 Prise de conscience des hypomnemata au sein de la culture de l’information

qu'elles relèvent d'un bien dont nous avons hérité des générations passées. Elles relèvent de la culture de l'information que notre société actuelle a tout intérêt à bien identifier.61

Le travail archéologique sur la culture de l‘information consiste bien à faire surgir ces techniques « incorporées », ces formes qui demeurent, ces normes qui sont autant de potions pour nous aider à penser, que de poisons qui nous enferment et qui sont l‘enjeu de pouvoirs : les pharmaka. Et ces pharmaka sur lesquels repose la culture de l‘information, ce sont les hypomnemata, ces supports de mémoire tels que les décrit Foucault62 :

Les hypomnemata, au sens technique, pouvaient être des livres de compte, des registres publics, des carnets individuels servant d‘aide-mémoire. 63

Evidemment, derrière cette mise en évidence des hypomnemata se trouve rappelée l‘importance de la technique en tant que constituant de la culture de l‘information. Il s‘y trouve aussi vraisemblablement une dimension anthropologique qui donne d‘ailleurs tout son sens au choix de considérer la culture de l‘information comme une culture.

1.1.3.3 Prise de conscience des hypomnemata au sein de la culture de l’information

Il reste néanmoins à s‘interroger si la culture de l‘information est un concept envisageable avant le XXème siècle. Il ne s‘agit pas pour autant de la considérer comme succédant à une culture graphique ou à une quelconque culture du livre.

Selon nous, la culture de l‘information apparaît avec la prise de conscience de normes et de formes et donc d‘enjeux de pouvoirs. Elle est liée à la conscience qu‘il ne peut y avoir de pensée sans technique. D‘une certaine manière, le concept ne peut donc émerger tant que l‘incorporation est trop forte notamment avec les stratégies mnémotechniques médiévales

61 Ibid.

62Nous avons également consulté la définition de Christian Fauré qui a d‘ailleurs intitulé son blog « hypomnemata » :

« Les hypomnemata sont, en tant quřactes dřécriture de soi, une modalité de constitution de soi. Sans ces hypomnemata, le risque est grand de sombrer dans lřagitation de lřesprit (stultitia), cřest-à-dire dans une instabilité de lřattention, le changement des opinions et des volontés. » in Hypomnemata.. Les hypomnemata. In Hypomnemata. Billet du 28 mai 2005. Disp sur : <http://www.christian-faure.net/2005/05/28/les-hypomnemata/>

63 Michel FOUCAULT et al. Dits et écrits, 1954-1988. 2, 1976-1988. Paris : Quarto, Gallimard, 2001, p.1237

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49 décrites dans l‘art de la mémoire d‘Amélia Yates64 mais également dans l‘ouvrage de Mary Caruthers65, qui montre néanmoins l‘existence de supports. Quelque part, la culture de l‘information implique une déconstruction permettant la prise de conscience de l‘objet technique. Si l‘archéologue se voulait visionnaire, il s‘interrogerait sur l‘avenir du concept à l‘heure actuelle tant le risque n‘est pas celui d‘une incorporation de la technique, mais celui de la prothèse, pour ne pas dire la béquille…qui permet à l‘ « imbécile » de penser. La culture de l‘information repose sur la conscience de la technique, et constitue ainsi une culture technique.

La culture de l‘information résulte d‘une évolution dans la relation que nous entretenons avec la technique, les formes, les normes et les diverses tensions qu‘elles véhiculent. La question que nous soulevons et à laquelle nous tenterons de répondre dans la troisième partie est la suivante : comment envisager le développement de cette culture de l‘information face aux nouveaux défis qui lui sont posés ?

Nous avons fait le choix pour mieux appréhender ces défis actuels mais aussi futurs de comprendre les principes historiques de cette culture de l‘information. Nous songeons notamment à ceux issus des Lumières, à la volonté de rendre accessible le savoir au plus grand nombre, au développement de la raison et la constitution des sciences ainsi qu‘à la mise en place de classements et autres arborescences jusqu‘aux produits documentaires impulsés notamment par Paul Otlet. Cette culture de l‘information est-elle menacée par l‘instabilité actuelle générée par les nouveaux médias, depuis la question du document numérique jusqu‘aux processus de diffusion de l‘information ?

Les supports informatiques et leurs évolutions incessantes ne peuvent être sans effet sur cette culture de l‘information. Faut-il dès lors pour autant opérer un glissement aisé en évoquant le passage d‘une culture de l‘information écrite à une culture de l‘information numérique ? Faut-il dès lors employer une nouvelle expression pour prendre en compte la complexité et utiliser comme la chercheuse québécoise Diane Poirier l‘expression d‘intelligence informationnelle :

L‘intelligence informationnelle demande plus que l‘apprentissage de l‘informatique d‘une part et des méthodes de recherche en bibliothèque d‘autre part. Elle a pour pré-requis d‘être à l‘aise avec l‘utilisation de l‘informatique et d‘avoir une certaine culture du livre maintenant transposée en culture

64 Frances Amelia YATES. L'Art de la mémoire. Paris : Gallimard, 1987

65 Mary CARRUTHERS. Machina memorialis : Méditation, rhétorique et fabrication des images au Moyen Age.

Paris : Gallimard, 2002

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50 de l‘information pour tenir compte des nouveaux supports électroniques. Elle demande l‘apprentissage d‘une démarche stratégique de résolution de problèmes de recherche d‘information. Elle suppose des adaptations face aux défis cognitifs posés par les NTIC. Elle fait appel à la pensée critique et métacognitive. 66

Nous pensons que l‘emploi d‘une nouvelle expression occulte la nécessité d‘étudier les racines de la culture de l‘information.

Et ce d‘autant que dans les propos précédents de Diane Poirier, apparaît non pas une rupture mais plutôt un transfert qui implique à la fois une culture de l‘information écrite et une culture de l‘information numérique. Brigitte Juanals voyait d‘ailleurs dans l‘essor des technologies informatiques, l‘importance croissante de la culture de l‘information. Il s‘agit donc d‘examiner aussi les instances de « fabrication » du savoir et de voir en quoi elles évoluent actuellement avec le numérique et du web.

Brigitte Juanals insiste également sur le fait que s‘opère depuis la fin du XIXème siècle, un processus de dé-légitimation de la connaissance notamment au travers de « son émiettement sur le plan de sa forme, de ses supports et instances productrices »67. Nous partageons pleinement son avis à savoir que ce processus était auparavant intégré aux mêmes instances de légitimation :

Les germes de cette délégitimation se trouvaient dans les principes mêmes de légitimation du discours du savoir ; ils ont été renforcés et accélérés par le développement du capitalisme et des sciences, l‘industrialisation de la culture et la communication numérique en réseau. 68

En quoi, les outils et les techniques de l‘information influent-ils sur la constitution du savoir et plus particulièrement sur la légitimité de ceux qui le produisent ?

Nous pensons ainsi qu‘au sein de mêmes discours se trouvent des effets voire des stratégies diverses et opposées. Tout simplement parce que l‘emploi de l‘expression « culture de l‘information » ne signifie pas que ceux qui l‘emploient aient les mêmes conceptions des concepts de culture et d‘information. Ces derniers apparaissant parfois comme inconciliables.

66 Diane POIRIER. « L‘intelligence informationnelle du chercheur : compétences requise à l‘ère du virtuel » Bibliothèque universitaire de Laval. 2000. Disp sur : <

http://www4.bibl.ulaval.ca/poirier/intelligence_informationnelle/definition.htm>

67 Brigitte JUANALS. La circulation médiatique des savoirs dans les sociétés contemporaines. Habilitation à diriger des recherches en sciences de l‘information et de la communication : Université de Paris 7 Diderot, 2008.

p.105.

68 Ibid., p. 105

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1.1.4 « Culture de l’information » oxymore ou

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