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Conclusion sur la culture de l’information à la lumière de la culture technique: vers une sortie

Dans le document La culture de l'information en reformation (Page 132-135)

l’information à la lumière de la culture technique

1.3.7 Conclusion sur la culture de l’information à la lumière de la culture technique: vers une sortie

de la crise de la culture ?

La culture de l‘information redéfinie à la lumière de la culture technique de Simondon constitue-t-elle un moyen de sortir de la crise de la culture259 ? Cet état de crise qui semble permanent voire endémique et qui constitue à la fois, une crise de l‘éducation ainsi qu‘une crise de la science :

Ces faits se conjuguant avec l‘entropie informationnelle qui affaiblit le savoir et avec le changement de sens de la science, une crise majeure des systèmes éducatifs en résulte nécessairement : la crise écologique de l‘esprit se traduit d‘abord comme une crise de l‘éducation. 260

Stiegler montre également qu‘il s‘agit également d‘une crise politique mais aussi historique et notamment au niveau de la transmission intergénérationnelle. Ce constat n‘est pas récent et il convient de s‘appuyer sur celui déjà effectué par Hannah Arendt. Elle déplorait que la culture soit menacée par des visées commerciales et publicitaires sans cesse renouvelées et dont la démarche diffère de celle du savoir basé sur une construction durable :

La culture de masse apparaît quand la société de masse se saisit des objets culturels, et son danger est que le processus vital de la société (…) consommera littéralement les objets culturels, les engloutira et les détruira. 261

Cette culture de masse dénoncée depuis des décennies notamment par les élites continue d‘être décriée en ce qui concerne justement le web et notamment les phénomènes autour du

« web 2.0 ». Nous songeons ainsi au dernier ouvrage d‘Andrew Keene262 qui dénonce un culte de l‘amateur. Le sous titre français, comment Internet tue notre culture est éloquent et est témoin de cet affrontement probablement stérile entre pro-web 2.0 et anti-web, sous-entendu web 2.0. Keene considère que « la conjuration des égaux » va finir par menacer tout une série de métiers notamment ceux de l‘information et de la création. Les propos de Keene sont

259 Nicolas Auray débute d‘ailleurs son article en montrant cette volonté de Simondon : « En sřélevant contre une

« philosophie autocratique « qui repose sur un schème dřasservissement des techniques, Simondon réhabilite la pensée technique et fait de cette réhabilitation la condition de résolution dřune crise de la culture. » in Nicolas Auray. Op. cit

260 Bernard STIEGLER. Réenchanter le monde. Op. cit., p.156

261 Hannah ARENDT. La crise de la culture. Op. cit., p.265

262 Nous avons effectué une critique de cet ouvrage pour la revue Argus. « La culture plutôt que le culte ». In Argus, vol.37, n°2, automne 2008, p..38-39 (Critique de l‘ouvrage d‘Andrew Keene. Le culte de l‘amateur.

Comment Internet détruit notre culture. Paris : Scali, 2008

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132 excessifs selon nous et ne défendent d‘ailleurs qu‘un point de vue : celui de l‘économie de la culture. L‘ouvrage d‘Andrew Keen s‘inscrit dans la lignée de ceux qui voyaient dans les illuminés de Bavière le groupe occulte agissant derrière toutes les révolutions, notamment la Révolution Française. Le Web 2.0 remplace ici la société secrète. Andrew Keen se pose en père moralisateur à l'instar de l'abbé Barruel. Seulement, l'auteur oublie que l'ancien modèle n'est guère plus vertueux. La préface de la version française de l'ouvrage écrite par Denis Olivennes est sans doute symptomatique de cette emphase, qui en prétendant s‘inscrire au sein de l‘histoire, ne cherche qu‘à défendre des intérêts particuliers :

Que dit-il, en effet d‘une manière argumentée, documentée et solide ? Que, bien sûr, le Net est une fantastique invention, source de progrès et de démocratisation de la culture. Mais qu‘en même temps, il menace de dynamiter l‘ancien édifice, patiemment construit depuis les Grecs antiques, par lequel nous nous représentons le monde, de manière intelligible ou sensible, avec le souci de la qualité des œuvres, de la vérité des faits et du sérieux des analyses. 263

Cette revendication d‘un héritage, ici en l‘occurrence mythifiée dans un positivisme historiquement plus que discutable, s‘oppose à l‘héritage de la culture de l‘information.

Certaines critiques sont pourtant justes dans l‘ouvrage de Keene. Nous verrons d‘ailleurs les enjeux et les problèmes posés par le web 2.0 dans la troisième partie.

Mais nous ne partageons pas la vision de Keene qui divise le monde en deux clans opposés et condamne de fait ceux qui ne s‘inscrivent pas dans sa logique, celle du respect absolu des propriétés, des droits d‘auteur, et sans doute des corporations. Finalement, il s‘agit d‘une forme de bannissement, de mise au pilori des amateurs. Pire, se trouve reproché à la « masse » de ne plus acheter sans réflexion, mais de partager, de produire voire de créer de l‘information. L‘argument est donc principalement économique et peu éducatif. Il nous semble que l‘élément important, qu‘ignore d‘ailleurs Keene, concerne la formation et notamment celles des jeunes générations. Comment dès lors espérer réguler les milieux du web et de l‘Internet ? Le choix d‘instaurer une surveillance renforcée des activités au point de faire des usagers des présumés coupables ou des pirates potentiels ne parait guère envisageable. Nous pensons d‘ailleurs que cela ne ferait qu‘accentuer le manque de confiance envers les institutions visible dans une crise de l‘autorité qui s‘accélère avec les dispositifs types web 2.0. Il y a donc une confusion dans les propos de Keene entre une crise économique provenant d‘un modèle économique de la culture et la culture elle-même.

263 Denis OLIVENNES. Préface à Andrew KEEN. Le Culte de l'amateur. Comment Internet détruit notre culture. Paris, éd. Scali, 2008. p.5

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133 Pour sortir de cette confusion, il nous faut encore une fois en référer à Hannah Arendt, qui résume sans doute le mieux en quoi consiste la culture :

En toute occasion, nous devons nous souvenir de ce que, pour les Romains- le premier peuple a prendre la culture au sérieux comme nous -, une personne cultivée devait être : quelqu‘un qui sait choisir ses compagnons parmi les hommes, les choses, les pensées, dans le présent comme dans le passé. 264

Une définition qui nous semble totalement opportune pour la culture de l‘information qui ne peut être qu‘une culture du présent mais une culture de progrès et qui ne fait pas table rase du passé. La définition d‘Arendt est finalement assez proche des objectifs de Simondon.

La constitution des milieux associés et notamment ceux d‘Internet, ne garantit pas le succès de l‘individuation. Il convient de lui adjoindre nécessairement une partie formation (Bildung), qui permet une construction individuelle mais qui se réalise au sein d‘un collectif. Le rôle des professeurs et des médiateurs demeure primordial dans cet accès à la majorité de l‘entendement.

Il s‘agit aussi de repréciser que les communautés de partage et de co-création ne constituent pas un cadre idyllique même si elles peuvent participer au réenchantement appelé par Stiegler et Ars Industrialis :

Réenchanter le monde, c‘est le faire revenir dans un contexte de milieux as-sociés, et reconstruire l‘individuation comme association et concours dialogique. 265

Toutefois, la dichotomie milieux associés et milieux dissociés ne suffit pas clairement à prendre en compte l‘ensemble des phénomènes et des enjeux auxquels est confrontée la culture de l‘information. La distinction entre les deux est souvent difficile tant une même application peut être à la fois remède et poison notamment avec les services dits « web 2.0 », dont Stiegler n‘effectue sans doute pas assez la critique.

Simondon déplorait que la culture ne soit normée, et inhibitrice du fait de traditions figées.

Nous souhaitons dès lors examiner, la variété de forme de la culture de l‘information dans un contexte international.

264 Hannah Arendt. Op. cit., p.288

265 Bernard STIEGLER. Réenchanter le monde. Op. cit., p.52

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1.4. BOUILLON DE CULTURES : LA

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