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Chapitre 5 : Espace des possibles au sein de chaque système éducatif : quels parcours de

2 Quelles caractéristiques des systèmes éducatifs et quelles possibilités pour les individus ? Les

2.3 Trajectoires françaises et suisses: premiers éléments de comparaison

Les parcours de formation français et suisse sont assez différents. Comme attendu, la Suisse se distingue par l’importance de la formation professionnelle : nous observons ainsi trois trajectoires professionnelles contre seulement deux trajectoires plus générales. La France quant à elle se caractérise par une certaine importance des voies plus générales : deux trajectoires générales (trajectoire 2 et 4) regroupent 42% des jeunes. Elle se démarque également par un accès plus marqué à l’enseignement supérieur.

Le tableau suivant revient sur la proportion des individus de chaque trajectoire des deux pays de manière non-pondérée et pondérée166.

Tableau 7: Répartition des individus dans les trajectoires-types en France et en Suisse

Pourcentages non-pondérés Pourcentages pondérés Trajectoires françaises :

Trajectoire 1: Trajectoire technologique et études courtes 20,7 % 20 %

Trajectoire 2 : Trajectoire académique et études longues 35,4 % 28,3 %

Trajectoire 3 : Trajectoire professionnelle et emploi 24,4 % 31,8 %

Trajectoire 4 : Trajectoire générale et études courtes 13,6 % 13,7 %

Trajectoire 5 : Trajectoire professionnelle et technologique, études et/ou emploi 5,8 % 6,3 % Trajectoires suisses :

Trajectoire 1: Trajectoire professionnelle faibles exigences et emploi 24,7 % 36,9 %

Trajectoire 2: Trajectoire professionnelle hautes exigences et emploi 23,0 % 26,0 %

Trajectoire 3: Trajectoire générale et études professionnelles 14,8 % 8,9 %

Trajectoire 4: Trajectoire générale et études académiques 24,7 % 16,0 %

Trajectoire 5: Trajectoire professionnelles et études professionnelles 12,9 % 12,1 %

Source : données DEPP-EVA et TREE

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Il est possible de comparer ces trajectoires types avec celles élaborées en codant les situations manquantes entre 2002 et 2005 en « missing » (présentées en annexe9) afin de comparer cette solution à celle que nous avons choisie (imputer les valeurs manquantes). Nous constatons que les trajectoires sont assez semblables: trajectoire académique, technologique, générale (dans les mêmes proportions, à 2% près pour chaque trajectoire) et deux trajectoires professionnelles. Les deux trajectoires professionnelles représentaient 31,7% des jeunes (sans pondération), ce qui équivalait à peu près à nos deux trajectoires professionnelles sans pondération (30,2% des jeunes). Cependant en codant les situations manquantes entre 2002 et 2005 en « missing », les deux trajectoires professionnelles sont distinguées seulement à travers le fait que l’une d’elles contient beaucoup de « missing » sur les années 2002 et 2003 (première trajectoire professionnelle, 17,10%) et l’autre non (deuxième trajectoire professionnelle, 14,6%). Ainsi la solution de l’imputation multiple a permis de mettre en valeur une trajectoire particulière (les jeunes de la formation professionnelle accédant à des formations technologiques et à l’enseignement supérieur), trajectoire absorbée par le jeu de l’Optimal Matching dans la trajectoire professionnelle avec « missing » (du fait du nombre significatif de « missing » en 2003).

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Du point de vue des caractéristiques des trajectoires, nous avons pu constater que, dans le système éducatif suisse, le type de secondaire I structurait les trajectoires types. En effet, être dans la trajectoire professionnelle de faibles exigences signifie la plupart du temps avoir été dans un secondaire I à exigence de base. De la même manière, fréquenter une trajectoire générale signifie en amont avoir fréquenté un secondaire I pré-gymnasial. Concernant la performance scolaire des jeunes à 15 ans, les trajectoires paraîssent également assez déterminées. Nous pourrions presque établir une hiérarchisation des trajectoires en fonction de la proportion de jeunes obtenant de bons résultats : trajectoire académique (70,7%) puis trajectoire académique avec études plus professionnelles (58,4%) puis trajectoire professionnelle avec études (43,2%) puis trajectoire professionnelle hautes exigences (36,1%) puis trajectoire professionnelle de faibles exigences (17,4%). Notons que contrairement au cas français, les trajectoires construites surviennent alors que les élèves ont déjà fait l’objet d’une première orientation; ces résultats ne paraîssent donc pas vraiment étonnants167.

En France, les trajectoires semblent également très marquées par le niveau scolaire en début de parcours. Les individus avec de bonnes performances scolaires se retrouvent largement dans les parcours académiques et généraux. De même, les trajectoires professionnelles se démarquent par des performances scolaires plutôt faibles. Elles se caractérisent également par des taux de redoublements au primaire assez importants, rappelant en outre le fait que cette pratique, loin de favoriser un rythme de progression unique, constituerait davantage un outil de sélection et de hiérarchisation précoce (Baudelot et Establet, 2009).

Ainsi les situations scolaires en tout début de parcours (redoublement en primaire et note en 6ème) paraîssent déterminer le type de trajectoire fréquenté. Il est ici aussi possible de hiérarchiser les différentes trajectoires en fonction de la part de bons lecteurs en 6ème : trajectoire académique (72,5%), trajectoire général (60,4%), trajectoire technologique (40%), trajectoire technologique et professionnelle (25,4%) et trajectoire professionnelle (15,5%). Dans la mesure où les jeunes français n’ont pas encore fait l’objet d’une sélection lors de cette évaluation de performance et entrent à peine dans le secondaire I, ce résultat peut paraître plus étonnant que pour la Suisse.

Du point de vue de l’environnement familial, en Suisse, si les trajectoires générales (académique pure et générale puis études plus professionnelles) sont marquées par des niveaux d’éducation des parents plus élevés (respectivement 58,9 % et 48,7% des parents ayant fait des études supérieures), il est difficile de hiérarchiser les trajectoires professionnelles selon cette variable (pour chacune des trajectoires, environ 30% de parents

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ont fait des études supérieures). En revanche, pour le cas français, la même hiérarchisation que celle opérée concernant la performance scolaire est possible avec le niveau d’éducation des parents, en prenant la part des parents ayant de hauts niveaux d’éducation : trajectoire académique (54,6%), trajectoire générale (33,4%), trajectoire technologique (22,2%), trajectoire technologique et professionnelle (14%) et trajectoire professionnelle (8,6%). Ainsi du point de vue des contraintes de chaque système, nous observons qu’en Suisse les trajectoires sont assez déterminées mais que les trajectoires professionnelles ne semblent se distinguer que par le niveau de performance des individus. En revanche, en France, toutes les trajectoires se distinguent du point de vue de la situation scolaire en début de parcours et de l’environnement familial, alors même que le système ne pratique pas de sélection précoce. Il est alors intéressant de constater que cette hiérarchisation des trajectoires renvoie en quelque sorte à la hiérarchisation des différentes filières en termes de prestige social et fait écho aux spécificités sociétales du système français que nous évoquions au chapitre 4 : la valorisation des parcours académiques longs et linéaires et les différentes formes de segmentation du système. Ainsi, quatre ans avant la première orientation officielle, la situation scolaire des individus semble avoir un impact important sur toute une trajectoire scolaire et d’insertion. Cette détermination (à partir de la situation scolaire à 12 ans) pose en outre la question des avantages du tronc commun et de son effectivité et porte les marques de la sélection continue du système qui est à l’œuvre dès l’enseignement primaire.

Toutefois, il faut souligner que la sélection précoce pratiquée en Suisse peut véritablement limiter les individus dans leurs marges de manœuvres. A ce sujet, la trajectoire professionnelle à faibles exigences semble celle ouvrant le moins de possibilités réelles aux personnes, non seulement les jeunes sont limités à la base dans leur choix scolaire par le fait d’avoir été pré-orientés dans le secondaire I dans une filière à exigences de bases mais ils sont également beaucoup plus nombreux à fréquenter les dispositifs intermédiaires et à rester sans solutions deux années plus tard. Notons également qu’ils sont plus nombreux en 2007, soit 7 ans après la sortie du secondaire I, à fréquenter encore des dispositifs intermédiaires ou à être sans emploi ni formation. Ces derniers souffrent par ailleurs d’environnements familiaux moins privilégiés (31% des parents ont de faibles niveaux d’éducation). Pour ces jeunes, le champ des possibles semble restreint mais aussi déterminé à la base, dès la pré-orientation, à l’entrée du secondaire I.

Afin d’apprécier les éléments déterminant l’appartenance à une trajectoire plutôt qu’à une autre et de rendre compte des structures d’opportunités et de contraintes des individus, nous

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mettons en œuvre un modèle économétrique dans la partie qui suit dans le but de pouvoir notamment analyser l’effet de chaque variable toutes choses égales par ailleurs. L’objectif est en outre d’apprécier l’influence de l’environnement familial et plus globalement socio- économique et culturel de l’individu sur son parcours de formation et d’insertion en fonction du contexte institutionnel.

3 Appartenance aux trajectoires-types : structures d’opportunités et de

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