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Topique du double chez Musset

Dans le document La difficulté d'être dans l'oeuvre de Musset (Page 107-112)

« Voilà ! Je n’ai jamais vu de contrastes plus frappants que les deux êtres enfermés dans ce seul individu. L’un bon, doux, tendre, enthousiaste, plein d’esprit, de bon sens, naïf (chose étonnante), naïf comme un enfant, bonhomme, simple, sans prétention, modeste, sensible, exalté, pleurant d’un rien venu du cœur, artiste exquis en tous genres, sentant et exprimant tout ce qui est beau dans le plus beau langage, musique, peinture, littérature, théâtre. Retournez la page et prenez le contre-pied, vous avez affaire à un homme possédé d’une sorte de démon, faible, violent, orgueilleux, despotique, fou, dur, petit, méfiant jusqu’à l’insulte, aveuglement entêté, personnel et égoïste autant que possible, blasphémant tout, et s’exaltant autant dans le mal que dans le bien. Lorsqu’une fois il a enfourché ce cheval du diable, il faut qu’il aille jusqu’à ce qu’il se rompe le cou. L’excès, voilà sa nature, soit en beau, soit en laid. »44

De l’aveu de ses contemporains et de nombre de ses conquêtes féminines, Alfred de Musset a toujours présenté une face double : innocence et libertinage, faiblesse et cynisme, autant de déclinaisons des parts inconciliables de son être. Difficile pour le biographe de discerner un semblant de cohérence, une quelconque unité dans ce personnage éclaté en mille facettes : chérubin des salons et démon des bordels, intime du duc d’Orléans et bohème dilettante, dandy et pitoyable bouffon, émule de Chénier et de Byron, farceur impénitent. Ainsi, après sa réception à l’Académie Française, il ne subsistera du poète flamboyant qu’un récipiendaire usé par les excès de toutes sortes, que l’ombre d’un écrivain officiel Second- Empire qui reflète en lui les spectres des séducteurs du temps passé, Faust, Don Juan, Lovelace, Casanova, des plus pittoresques aux plus fatigués. Musset reste partout insaisissable dans les dédales de son existence chaotique, mais laisse entrevoir sa nature dans les infinis jeux de miroir de son théâtre où les protagonistes assument ses variations de caractère comme ses plus intimes contradictions. A la fois Octave et Coelio dans Les Caprices de Marianne, le poète protéiforme transparaît au détour de chaque réplique de Lorenzaccio, tant il est vrai que rarement l’auteur et l’œuvre ont été si intimement liés que chez le poète des « Nuits ».

La fragmentation de ce moi bigarré s’objective dans toute la galerie des personnages florentins : plus qu’aucun autre, Musset est Lorenzo, avili, fiévreux et débauché, mais il attribue d’autres traits de son caractère au cruel Alexandre de Médicis, au cynique Salviati, au noble mais impuissant Philippe Strozzi, ainsi qu’au moindre quidam de Florence…Par conséquent, que le motif du double se trouve promu en principe de création, de gémination des personnages, et préside aux conceptions dramaturgiques de Musset, voilà qui relève de l’évidence. Cette « inquiétante étrangeté »45du double frappe indifféremment hommes et femmes sur la scène romantique, et engage le théâtre mussétien sur la voie d’un psychodrame où l’auteur exorciserait la hantise de son propre spectre et de ses turpitudes, « en lui accordant le droit de s’objectiver, peut-être de se sublimer dans le ton de la légèreté et sous la forme du dialogue. »46, écrit Jean-Pierre Richard. L’apparition de l’alter ego peut aussi prendre un tour nettement plus inquiétant et pervers, jusqu’à orchestrer un véritable bal des fantômes où le poète halluciné s’aventure dans les confins de la folie, cerné par la valse terrifiante des avatars spectraux qui le harcèlent. Dans cette perspective, l’étrange poème d’Aloysius Bertrand intitulé « La Chambre gothique » est significatif :

« Encore,-si ce n’était à minuit,-l’heure blasonnée de dragons et de diables !-que le gnome qui se soûle de l’huile de ma lampe ! Si ce n’était que la nourrice qui berce avec un chant monotone, dans la cuirasse de mon père, un petit enfant mort-né ! Si ce n’était que le squelette du lansquenet

44

L. Séché, Etudes d’histoire romantique. Alfred de Musset. I. L’Homme et l’œuvre. Les Camarades ; II. Les Femmes, Paris, Société du Mercure de France, 1907, p.193.

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Freud, dans Das Unheimliche, définit l’inquiétante étrangeté comme le sensation simultanée du familier et de l’étranger.

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emprisonné dans la boiserie, et heurtant du front, du coude et du genou ! Si ce n’était que mon aïeul qui descend en pied de son cadre vermoulu, et trempe son gantelet dans l’eau bénite du bénitier ! Mais c’est Scarbo qui me mord au cou. »47

L’espace intérieur se peuple ainsi peu à peu des mirages réfléchis par les murs de la chambre, venus incarner les fantasmes délétères d’un esprit malade de réalité.

Sur un plan plus dramatique, les nombreux dialogues épidectiques dévoilant une conversation intime du dramaturge avec lui-même, la répartition qui s’opère, dans l’alchimie théâtrale, entre des personnages variés incarnant chacun un pendant des postulations contradictoires du cœur du poète, sont bien alors l’instrument d’une sublimation esthétique et d’une catharsis morale. Ainsi Octave assume-t-il la mélancolie atavique du poète, tandis que Coelio respire la fougue de l’idéalisme :

« -Quelle vie que la tienne ! Ou tu es gris, ou je le suis moi-même. -Ou tu es amoureux, ou je le suis moi-même.

-Plus que jamais de la belle Marianne. -Plus que jamais du vin de Chypre. -J’allais chez toi quand je t’ai rencontré.

-Et moi aussi j’allais chez moi. Comment se porte ma maison ? Il y a huit jours que je ne l’ai vue. » 48

Au-delà de la légèreté du ton, ce sont bien les multiples virtualités de l’âme du poète qui se dévoilent, pour culminer dans une profession de foi, un portrait de l’homme-funambule qu’on peut difficilement ne pas attribuer à Musset lui-même :

« Octave- Figure toi un danseur de corde, en brodequins d’argent, le balancier au poing, suspendu entre le ciel et la terre ; à droite et à gauche, de vieilles petites figures racornies, de maigres et pâles fantômes, des créanciers agiles, des parents et des courtisanes, toute une légion de monstres se suspendent à son manteau et le tiraillent de tous côtés pour lui faire perdre l’équilibre ; des phrases redondantes, de grands mots enchâssés cavalcadent autour de lui ; une nuée de prédictions sinistres l’aveugle de ses ailes noires. Il continue sa course légère de l’Orient à l’Occident. S’il regarde en bas, la tête lui tourne ; s’il regarde en haut, le pied lui manque. Il va plus vite que le vent, et toutes les mains tendues autour de lui ne lui feront pas renverser une goutte de la coupe joyeuse qu’il porte à la sienne. Voilà ma vie, mon cher ami ; c’est ma fidèle image que tu vois. »49

Tout se passe comme si Musset réunissait dans son moi divisé la foule complète des protagonistes de ses pièces, comme si les expériences triviales de la vie quotidienne ne pouvaient accueillir la multitude de rôles différents qui fourmillaient en lui, avec des réussites inégales. Constat pathétique, une fois atteint l’automne précoce de son art, aux alentours de sa trentième année, il subsistait en Alfred une galerie de personnages assez fades : le lyrique parfois mièvre, le poète de circonstance de la plate valse allemande de « A la mi-Carême », le satirique quelque peu usé qui s’échinait à perpétuer Dupuis et Cotonet dans Dupont et

Durand, le coryphée officiel d’un régime après la mort du duc d’Orléans, l’émule de Boccace

dans des Contes qui rappellent Lafontaine. Insaisissable Musset, dans la frénésie de l’inconstance… En 1843, affublé d’une maîtresse pittoresque nommée Lise, il envoie à son ami Tattet, cette lettre touchante et provocatrice :

« Trois mois bien comptés sans quitter Lise, sans bouger de chez Lise. Sans rien faire, (le croiriez- vous ?) sans penser à rien sans m’ennuyer, sans rien de rien. […] Rappelez-vous les beaux jours de notre jeunesse en chapeau gris, en pantalons à plis et en éperons d’argent et figurez-vous votre ami

47

A. Bertrand, « La Chambre gothique », Gaspard de la nuit, op. cit., pp.105-107.

48

A. de Musset, Les Caprices de Marianne, Théâtre Complet, op., cit., p.74.

49

purgé. Fructus belli ! […] Ô mon cher, je loge à un étage, qui me fait tourner la tête quand j’y pense ; je chante des canzonetti sur une guitare fêlée en mangeant des macaronis à la tomate, des capeletti, cipolini, etc…[…] Elle est bête comme une oie au moins, pleine de finesse et d’esprit ; elle n’a pas un sou, ni moi non plus ; nous vivons comme des princes, nous nous querellons toute la journée et nous roucoulons comme des tourtereaux toute la nuit ; je ne lui laisse pas faire un pas hors de chez elle, seule, et je lui donne des coups de pied au cul si elle pleure ; en un mot c’est un ménage accompli. »50

Appel à la compassion et sarcasmes se mêlent dans cette manière d’autoportrait où flottent les ombres du dandy déchu, de l’étudiant pauvre, du noceur cynique, du mari jaloux, dans un véritable éclatement de l’être et l’oubli de toute identité. C’est pourquoi, malgré le four de La Nuit vénitienne en 1830, Musset semble être homme de théâtre avant d’être poète : qu’il se soit affranchi des canons dramaturgiques classiques et des conventions théâtrales dans ses Spectacles dans un fauteuil ne fait que corroborer cet inéluctable constat. Dans ses atermoiements comme dans ses réussites, l’existence même de Musset est théâtre, et c’est donc au théâtre seul qu’il pouvait créer cette myriade de doubles hétéroclites, les faire évoluer dans des intrigues défiant les règles du temps et de l’espace réels. Ainsi que le montre Simon Jeune dans l’introduction de son édition, la licence permise par la scène reste pour le poète :

« l’expression d’un besoin intime, d’une nécessité vitale chez un homme en proie à des sentiments contradictoires et tumultueux qui le submergent […]. Musset se sert du théâtre pour essayer de dominer et d’unifier par l’analyse ses tumultes et ses tensions. Ne pouvant s’imposer à lui-même cette unité dans la vie quotidienne, il a voulu au moins s’efforcer de voir clairement ce qui en empêchait la réalisation. Il se projette dans ses personnages pour se mieux comprendre, un peu à la façon dont les malades projettent leurs phobies et leurs obsessions dans des mimodrames. […] C’est probablement ce qui donne à ses différents personnages une même intensité de vie. »51

En effet le double, qu’il soit masculin ou féminin nous aurons à reparler de « l’androgynie » de Musset n’est jamais innocent ni neutre et déploie une forme de cohabitation complexe entre ces deux faces, à travers des schémas récurrents et privilégiés.

D’emblée, la prédilection du poète pour le régime de l’alternance s’impose sans conteste. Dans cet échange constant de déterminismes réversibles, les mouvements dialectiques entre le pur et l’impur, la confiance et le doute, la passion amoureuse et le stupre, viennent s’inscrire dans une discontinuité temporelle. Epicentre de toutes les tentations, l’individu subit tour à tour les assauts de désirs variés, sans que jamais l’un ne l’emporte sur son rival, sans que l’écriture ne parvienne à les figer de manière définitive et décisive ; ainsi Octave constate-t-il sa propre versatilité : « Une demi-heure s’était à peine passée, et j’avais changé trois fois de sentiment… »52 Dans cet univers littéralement désorienté ne prévalent que les lois pernicieuses du doute, de l’hésitation, de l’atermoiement. Mêmes les avatars d’un objet érotique élu, comme la chevelure féminine (on sait quel culte lui vouera Baudelaire), peuvent tomber sous le joug de cette douloureuse dualité. Ainsi la première maîtresse d’Octave dans La Confession, parangon de la trahison et de la duplicité, est abandonnée « noyée de douleur et étendue sur le carreau », avec ses « cheveux épars sur les épaules », avant d’être retrouvée quelques instants plus tard dans une posture bien moins pathétique. Surprise à sa toilette, en train de se préparer pour le bal, elle offre au regard interloqué de l’amant d’hier le spectacle d’une « nuque lisse et parfumée, où ses cheveux étaient noués, et sur laquelle étincelait un peigne de diamant…Il y avait dans cette crinière retroussée je ne sais quoi d’impudemment beau qui semblait me railler du désordre où je

50

A. de Musset, « Lettre à Alfred Tattet », 26 décembre 1843, Correspondance, op. cit., p.245.

51

S. Jeune, « Introduction », Théâtre Complet, op. cit., pp.XVI-XVII.

52

l’avais vue un instant auparavant. »53 Cette provocante coquetterie résonne alors comme le désaveu cuisant de l’épanchement et de l’abandon amoureux suscités par la compassion. Ce transfert presque fétichiste du jeu de dupe orchestré avec brio par la maîtresse rompue aux ficelles des comédiennes vient consacrer la scandaleuse dénégation de l’identité par la chair. La chevelure à valeur de synecdoque devient l’indice de la duplicité de la figure féminine mise à l’index et offerte en holocauste à la vindicte masculine : « J’avançai tout d’un coup et frappai cette nuque d’un revers de mon poing fermé. »54

Toutefois, il arrive, comme nous l’avons vu, que les doubles ne parviennent pas ainsi à cohabiter sous une même écorce charnelle, et que la dualité féminine soit soumise aux représentations mentales et fantasmatiques de l’amant : il n’est qu’à revenir plus précisément au célèbre roman de George Sand Indiana, au cours duquel Raymon goûte aux privautés que lui prodigue Noun, servante de l’héroïne éponyme. Empruntant à sa maîtresse ses atours, Noun convie le héros dans le sanctuaire où flotte encore l’aura immatérielle de Mme Delmare, et le jeune homme, abusé par la douce et singulière atmosphère du lieu et par les vins capiteux, se prend à aimer sur le corps d’une autre l’Absente qu’il ne possède pas encore : « Peu à peu le souvenir vague et flottant d’Indiana vint se mêler à l’ivresse de Raymon. […] Il épiait dans la profondeur de cette double réverbération une forme plus déliée, et il lui semblait saisir, dans la dernière ombre vaporeuse et confuse que Noun y reflétait, la taille fine et souple de Mme Delmare. »55

Cette discordance tragique des doubles–Noun, telle Ophélia, s’ôtera la vie peu de temps après–devient alors le reflet d’un fossé destiné à perdurer, celui qui sépare la réalité des corps de l’idéal spirituel. Le corps de l’Autre devient cet autel subverti, au pied duquel l’amant prostitue son idéal. Le spectre de l’aimée reste une entrave à la jouissance, et le succédané féminin élu, un pâle reflet juste assez ressemblant pour susciter une illusion fugace, qui ne tarde pas à se muer en triste confusion. Amère fatalité de l’alternance qui condamne le moi à une indicible errance entre le Même et l’Autre ! A l’extrême, Octave, envers de son ami Coelio, incarnation du désenchantement de Musset, glose sur la réversibilité des femmes et stigmatise les turpitudes du jeu amoureux qu’il compare à un jeu de hasard. Placé sous le sceau de l’ironie romantique, son discours met en exergue la vanité de la quête amoureuse qui ne serait qu’une loterie divine où tous les doubles féminins sont interchangeables et également décevants :

« En vérité cette femme était belle, et sa petite colère lui allait bien. D’où venait-elle ? C’est ce que j’ignore. Qu’importe comment la bille d’ivoire tombe sur le numéro que nous avons appelé ? Souffler une maîtresse à son ami, c’est une rouerie trop commune pour moi. Marianne ou toute autre, qu’est-ce que cela me fait ? La véritable affaire est de souper ; […] Comme tu m’aurais détesté, Marianne si je t’avais aimée ! Comme tu m’aurais fermé ta porte ! […] Où est donc la raison de tout cela ? Pourquoi la fumée de cette pipe va-t-elle à droite plutôt qu’à gauche ? Voilà la raison de tout. – Fou ! Trois fois fou à lier, celui qui calcule ses chances, qui met la raison de son côté ! La justice céleste tient une balance dans ses mains. La balance est parfaitement juste, mais tous les poids sont creux. Dans l’un il y a une pistole, dans l’autre un soupir amoureux, dans celui-là une migraine, dans celui-ci il y a le temps qu’il fait, et toutes les actions humaines s’en vont de haut en bas, selon ces poids capricieux. »56

Il peut arriver cependant que le héros n’accepte pas ce principe funeste, et qu’il tente de faire triompher en lui l’un des deux hommes, l’une des deux femmes qui le hante. Soit il érige en dogmes les préceptes cyniques du dépravé, engoncé dans son entreprise de démystification sentimentale et sa quête compulsive de l’éros, soit il tente d’oblitérer le 53 A. de Musset, ibid., pp.52-54. 54 Ibid., p.55. 55

G. Sand, Indiana, éd. de Béatrice Didier, Paris, Folio, Gallimard, 1984, p.104.

56

souvenir des souillures qui entachent son âme, d’écarter les objurgations que lui lance sa conscience, et de laisser la passion amoureuse prendre les rênes de son existence. Cependant toute l’œuvre de Musset, si l’on excepte une mince part de son théâtre, semble murmurer à l’oreille du lecteur l’aporie de cette alternative.

Selon un manichéisme moral inhérent au cœur humain chez Musset, le rêve de pureté du « réformé » conserve ad vitam eternam les stigmates du stupre et de l’érotisme libertin, tout comme le débauché reste hanté par le besoin d’échange et de transparence ; ainsi Octave avoue-t-il : « Quoique je ne fusse plus un débauché ; il m’arriva tout à coup que mon corps se souvint de l’avoir été. »57 Comment lutter contre cette énigmatique mémoire du corps, qui diffuse dans l’âme de l’amant une dualité réclamant pour conséquence nécessaire un dédoublement du partenaire ? Sans doute au travers du jeu conjurateur du théâtre et des subterfuges de l’artefact littéraire qui aborde les postulations contradictoires de l’être sur le mode du non-assumé, du distancié, sous les traits d’une comédie où le moi n’engage que sa surface. Ainsi, « l’un des deux comportements devient le rôle joué par l’autre. »58 On peut songer à Valentin dans Il ne faut jurer de rien, qui recourt aux fleurs de la rhétorique pour attirer dans ses rets l’ingénue Cécile, ou à Brigitte, alias George Sand, qui singe les courtisanes pour assouvir les désirs pervertis d’Octave. Mais toutes ces tentatives se soldent par une catastrophe au sens aristotélicien du terme ; heureuse quand Valentin dépose les armes, vaincu par son amour sincère pour Cécile, funeste dans le cas de Brigitte, lorsque le jeu n’est plus perçu comme tel par celui qui l’a inauguré et qui se trouve emprisonné dans sa fascination pour le paraître. A la voir mimer les grisettes qu’il ne connaît que trop bien, Octave ne voit plus en elle qu’une vile courtisane de plus :

« Suis-je à votre goût ? disait-elle. A laquelle de vos maîtresses trouvez-vous que je ressemble ? Suis-je assez belle pour vous faire oublier qu’on peut croire encore à l’amour ? Ai-je l’air d’une sans-souci ? Puis, au milieu de cette joie factice, je la voyais qui me tournait le dos, et un frisson involontaire faisait trembler sur ses cheveux les tristes fleurs qu’elle y posait. Je m’élançais alors à

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