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Les stigmates de l’Histoire

Un legs douloureux

Déjà, le Romantisme offrait un témoignage poignant de la « tension et de l'abattement»41 du poète devant l'effondrement de ses croyances littéraires, la perte de ses illusions morales, idéologiques et politiques. On peut en effet affirmer, sans forcer le trait, qu'à cette époque de troubles sociaux, l'émergence de la démocratie, son difficile accouchement, entraîne une véritable crise du sujet, déconcentré par le spectacle des derniers feux d'une hiérarchie séculaire. Musset hérite naturellement des atermoiements d'une génération qui, brusquement confrontée à un magma hétéroclite, une foule disparate de moi égaux, fait l'expérience douloureuse de sa propre reconnaissance et de son incapacité à trouver une terre d'asile susceptible d’accueillir son âme esseulée. Parallèlement à cette angoisse de l'avenir, sévit un sentiment global de nostalgie du paradis perdu, qui se matérialise chez Musset par une évocation de somptueux souvenirs guerriers, de la gloire des armes qui étincelaient dans un «ciel sans tache », celui du mythe napoléonien. Mais désormais, « tout cela [est] vide, et les cloches de leur paroisse résonn[ent] dans le lointain. »42

C'est pourquoi une exégèse qui se donnerait pour but de cerner la difficulté d'être chez Musset doit nécessairement penser le rapport de ce sentiment d'incomplétude à l'Histoire, ainsi que le réalise le poète dans La Confession d'un enfant du siècle. L émergence d'une grande nation valut en effet à la France et à l'Europe une série de convulsions tragiques. Le désenchantement s'impose avec une indubitable évidence après la Révolution de France, immédiatement reconnue par les acteurs et par les témoins comme la tentative d'une démonstration expérimentale de la validité des normes rationnelles dans le domaine humain, en occultant de manière souvent délibérée le formidable foisonnement d’aspirations idéalistes qu’elle a aussi vu naître : le rêve d’une société future mieux organisée offrant à l’homme les conditions du bonheur, la régénération du genre humain par la civilisation, la notion de Progrès… Ainsi peut-on lire dans La Vie de Rancé ce jugement de Chateaubriand qui pourtant ne cessa jamais de stigmatiser les dérives et la violence sanguinaire de la Terreur : « La Révolution, piscine de sang où se lavèrent les immoralités qui avaient souillé la France. »43

Mais, pour Sabatier de Castres, sectateur et prosélyte des thèses hostiles à la Révolution dès 1794, cette dernière ne semblait être qu’une démonstration par l’absurde de la fausseté de l’idéologie des Lumières, leitmotiv contre-révolutionnaire s’il en est, et dont Musset, dans une certaine mesure, s’inspirera : « à force d'avoir dit, crié et répété que l'homme naît libre, que sa liberté est inaliénable, que la religion et le monarchiste ne font que des esclaves, que la souveraineté de toute nation appartient de droit au peuple, les philosophes ne sont-ils pas parvenus à faire regarder par le commun des esprits ces propositions comme

40

C. Baudelaire, Mon cœur mis à nu, Œuvres complètes, op. cit., pp.682-683.

41

P. Loubier, op. cit., p.266.

42

A. de Musset, la Confession d'un enfant du siècle, [1836], Paris, Gallimard, 1976, p.40.

43

autant de vérités? »44. La nouvelle sensibilité qui gagne les coeurs semble intimement liée aux fractures historiques survenues à la fin du XVIIIe siècle en Europe, comme si la vision de l'hécatombe, la réalité collective de la mort à grande échelle, les sommets de barbarie atteints par la Terreur entraient dans la genèse de la crise morale qui s’abat sur la jeunesse romantique. Le prodigieux élan collectif de 89, les idéaux et les utopies qui l’ont vu naître, semblent avoir été le jouet de puissances subversives. La société enfantée par la Révolution, galvaudant les théories philosophiques et philanthropiques qui en étaient le corollaire, semble faire la part belle aussi bien aux querelles fratricides qu'à la soif de pouvoir et de richesse.

Il est indéniable que le modèle social issu de la tourmente révolutionnaire semble frappé d'un anathème, celui d'une pernicieuse rupture de l'homme romantique avec son histoire. Ainsi, si Georges Gusdorf parle d'une « dissolution des repères de la certitude »45, c'est bien que les repères et les références culturelles léguées par le christianisme de l’Ancien Régime, mis à bas par les combats révolutionnaires, emportent dans leur chute les vertus cardinales qui jusqu'alors régissaient la société. Dans cette axiologique spirituelle mise à mal, le processus de sécularisation incite l'individu à « réaliser pour son compte un travail de deuil à l'égard des figures : Dieu, le roi, le père, dans lesquels s'incarnait l'autorité. »46 S'il est certain que le mal du siècle trouve ses racines dans des névroses antérieures, comme en témoigne la vague de suicides engendrée par Les Souffrances du jeune Werther, l'enfant du siècle se trouve écartelé entre les ruines fumantes d'un ordre qui n'est plus et un avenir incertain qu’il doit construire à l'aide de repères dans lesquelles il ne se reconnaît pas. Musset évoque ainsi avec amertume ce vague taraudant qui frappe la jeunesse romantique perdue à la croisée des chemins de l'Histoire dans le deuxième chapitre de La Confession d'un enfant du

siècle :

« Trois éléments partageaient donc la vie qui s'offrait alors aux jeunes gens : derrière eux un passé à jamais détruit, s'agitant encore sur ses ruines, avec tous les fossiles des siècles de l'absolutisme ; devant eux l'aurore d'un immense horizon, les premières clartés de l'avenir ; et entre ces deux mondes… Quelque chose de semblable à l'océan qui sépare le Vieux continent de la jeune Amérique, je ne sais quoi de vague et de flottant, une mer houleuse pleine de naufrages[…] où l'on ne sait, à chaque pas qu'on fait, si l'on marche sur une semence ou sur un débris. »47

Au-delà des particularismes, de l'errance d'une jeunesse en mal de repères, rarement génération de jeunes poètes n'aura véhiculé autant d'espoirs déçus et d'idéologies moribondes, tant l'idéalisme des Lumières et sa conséquence « logique », la Révolution française, leur aura fait miroiter une paix sociale et une liberté individuelle aux allures de trompe-l’œil : basculement des valeurs, déréliction des repères religieux, toute-puissance de l'argent, l'enfant du siècle égaré dans le vertige du « Grand-Tout » démocratique aura à repenser son lien à l’Histoire et la place de son individualité biographique et artistique dans la société nouvelle. Ainsi l’Anthony d’Alexandre Dumas dénonce-t-il en 1831 les déboires d’un héros qui ne parvient pas à trouver sa place dans la société malgré sa fortune et ses mérites :

«Ces deux mots, honte et malheur, se sont attachés à moi comme de mauvais génies… J’ai voulu forcer les préjugés à céder devant l’éducation… Arts, langues, sciences, j’ai tout étudié, tout appris… Insensé que j’étais d’élargir mon cœur pour que le désespoir pût y tenir ! Dons naturels ou

44

Sabatier de Castres, Pensées et observations morales et politiques pour servir à la connaissance des vrais principes de gouvernement, Vienne, [1794], cité dans F. Baldensperger, Le Mouvement des idées dans l'émigration française, Plon, 1924, t.II, p.39.

45

G. Gusdorf, Le Romantisme,op.cit., p.53.

46

P. Glaudes, art. cit., p.19.

47

sciences acquises, tout s’effaça devant la tâche de la naissance : les carrières ouvertes aux hommes les plus médiocres se fermèrent devant moi ; il fallait dire mon nom, et je n’avais pas de nom. »48 On pourrait aussi évoquer le catéchisme cynique de Desgenais dans La Confession

d’un enfant du siècle, où l’ami fidèle brocarde les aspirations idéalistes d’Octave – Musset :

« Ce spectacle de l’immensité a, dans tous les pays du monde, produit les plus grandes démences. Les religions viennent de là ; c’est pour posséder l’infini que Caton s’est coupé la gorge, que les chrétiens se jetaient aux lions, que les huguenots se jetaient aux catholiques ; tous les peuples de la Terre ont étendu les bras vers cet espace immense, et ont voulu le presser sur leur poitrine. L’insensé veut posséder le ciel ; le sage l’admire, s’agenouille, et ne désire pas. »49

C'est bien ce naufrage des croyances, l'éternelle dialectique de l'individuel et de l’universel, que stigmatise Chateaubriand qui, dans Le Génie du christianisme déjà, proclamait la supériorité de la littérature d'inspiration chrétienne sur les faux-semblants de l'idéalisme révolutionnaire :

« Une révolution, préparée par la corruption des moeurs et par les égarements de l'esprit, éclate parmi nous. Au nom des lois on renverse la religion et la morale; on renonce à l'expérience et aux coutumes de nos pères ; on brise le tombeau des aïeux, base sacrée de tout gouvernement durable, pour fonder sur une raison incertaine une société sans passé et sans avenir. Errant dans nos propres folies, ayant perdu toute idée claire du juste et de l’injuste, du bien et du mal, nous parcourûmes les diverses formes de constitutions républicaines. […] Alors sortirent de leurs repaires tous ces rois demi-nus, salis et abrutis par l'indigence, enlaidis et mutilés par leurs travaux, n’ayant pour toute vertu que l'insolence de la misère et l'orgueil des haillons. La patrie, tombée en de pareilles mains, fut bientôt couverte de plaies. Que nous resta-t-il de nos fureurs et de nos chimères ? Des crimes et des chaînes ! »50

Le mythe napoléonien : de la chute à la légende

En effet, les jeunes gens de 1815, après la mise à mort de l’Ancien Régime et surtout le naufrage final de l'épopée napoléonienne, paraissent demander des comptes à leurs vénérables aînés : « après tant d'années d'oppression et de pensée dirigée, on a retrouvé la liberté [...]. Il semble que l'on va repartir à neuf et pouvoir bâtir l'avenir. » Mais là aussi, la désillusion frappe le sujet : « le mal des enfants du siècle est d'abord le mal de disponibilité, de vacance dans un espace social décomprimé qui ne fait pas accueil aux énergies libérées par la fin du conflit européen.»51 Dans Histoire de ma vie, George Sand évoque ainsi la profondeur de la détresse qui frappe un large empan de la jeunesse romantique :

« J’avais donc huit ans quand j’entendis débattre pour la première fois de ce redoutable problème de l’avenir de la France. Jusque là, je regardais ma nation comme invincible, et le trône impérial comme celui de Dieu même. On suçait avec le lait, à cette époque, l’orgueil de la victoire. La chimère de la noblesse s’était agrandie, communiquée à toutes les classes. Naître Français, c’était une illustration, un titre. L’aigle était le blason de la nation tout entière. »52

En 1810, année de naissance d'Alfred de Musset, le vaste édifice impérial prend en effet l’allure d'un colosse aux pieds d'argile. Certes, Napoléon est maître de l'Europe, mais son

48

A. Dumas, Anthony, [1831], II, 5, Paris, Gallimard, 2002, p.44.

49

A.de Musset, La Confession d’un enfant du siècle, op. cit., p.62.

50

F. R. de Chateaubriand, De Buonaparte et des Bourbons, [1814], cité par F.A. Leconte, op. cit., p.73.

51

G. Gusdorf, Le Romantisme,op. cit., pp. 130-132.

52

pouvoir est miné à l'intérieur par la crise économique, sociale et religieuse, à l'extérieur par l'éveil des nations, dont les monarques européens se serviront bientôt pour l'abattre. La haine du despotisme français agite les populations (on se souviendra qu'en 1807 Fichte, à Berlin, avait appelé la nation allemande à se rebeller). S'appuyant sur ce mouvement pour le contrôler, la Prusse entre en guerre le 17 mars 1813, bientôt rejointe par l'Autriche et la Suède. A Leipzig, du 16 au 19 octobre 1813, dans la bataille des nations, 160 000 français affrontent 320 000 coalisés et sont obligés de reculer jusqu'au Rhin. En Espagne, en Hollande, partout l'ennemi progresse. En Italie, Murat, par ambition ou fidélité « à ses peuples », se tourne contre son beau-frère. Avec une armée improvisée de 175 000 jeunes, les « Marie- Louise », Napoléon mène la campagne de France et retrouve son génie de capitaine. En vain. Les notables et les ministres complotent. Les maréchaux le pressent d’abdiquer. Il s'y résout le 6 avril 1814. Les Alliés entrent dans Paris, établissent Louis XVIII roi de France. Napoléon n'est plus que le souverain d’une île : l'île d'Elbe, avant de mourir à l'île de Sainte-Hélène le 5 mai 1821. Il laisse une France diminuée : perte de la Savoie et des places fortes du Nord, occupation des alliés jusqu'au versement d'une lourde dette de guerre. Les guerres de l'Empire auront coûté près de 900 000 morts.53 L’Aigle oppresseur des peuples ? Ses Mémoires qu’il dicte à Las Cases à Sainte-Hélène constitueront l'une des lectures de chevet du jeune Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir54: « L’oeil de Julien suivait machinalement l’oiseau de proie. Ses mouvements tranquilles et puissants le frappaient, il enviait cette force, il enviait cet isolement. C’était la destinée de Napoléon, serait-ce un jour la sienne ?»55. Caricaturé en ogre, l’exilé de Sainte-Hélène n’en devient pas moins un héros prométhéen, un demi-dieu luttant jusqu'à la mort contre les aristocrates et pour les peuples auxquels son Code civil apporte la libération.

Quoi qu'il en soit, il est indubitable que l'Empereur déchu a travaillé avec une prodigieuse dextérité à bâtir une légende qui a investi l’imaginaire collectif, celui de Musset en particulier, et subi des avatars variés selon la période de l'histoire qui l'interroge. Maître en propagande, il incarnera rapidement la fierté et la gloire nationales : son image, magnifiée par les peintres (il suffit de songer au Sacre de Napoléon Ier de David ou encore au Champ de

bataille d’Eylau de Gros), et les sculpteurs (Chaudet érige la statue qui surmontait la colonne

Vendôme) concourt également à façonner le mythe. Les colporteurs, avec des gravures, des chansons, des poèmes qui véhiculent le souvenir émouvant du destin tragique de l'Aiglon, des peintures et des dessins rappelant les fastes napoléoniens ou des scènes de bataille, assurent la postérité de l'Empereur. Les souvenirs des grognards prolongent les grandes victoires et les petites anecdotes flattent l'orgueil national, comme le montre Balzac dans le Médecin de

campagne.

Cependant, les défaites cuisantes et la chute de l'empereur contribuent au développement d'une contre-propagande spontanée, en partie d'origine britannique. Corollaire de l'admiration, la légende « noire » antinapoléonienne est partout amplifiée par les ennemis de l'Empire : Chateaubriand dénonce ainsi le despotisme, la ruine économique et la sanguinaire saignée démographique européenne, Goya peint Le tres de Mayo, dénonçant les répressions napoléoniennes contre les Madrilènes. Comme l'a montré l'historien Jean Tulard, de cette légende naissent des héritages divers, selon la figure de l'Empereur que l’on exalte. Mémorialistes et bonapartistes brossent le portrait de l'homme providentiel qui a rétabli l'ordre et la discipline, redressé l'économie française. Après les désastres militaires, l'invasion et l'abdication, sentiment national et exaltation religieuse se mêlent pour distiller l'image d'un

53

Pour les sources historiques, voir Le Mythe de Napoléon, par Jean Tulard.

54

« Le recueil des bulletins de la Grande armée et le Mémorial de Sainte-Hélène complétaient son coran. » Stendhal, Le Rouge et le Noir, [1830], Paris, Gallimard, 1972, p. 35.

55

Napoléon « antéchrist ». Car avant d’être décrite, l’ « épopée romantique » a été vécue, avec toute la subjectivité qu’une telle expérience peut induire.

On voit donc fleurir chez de nombreux auteurs toute une légende dorée élevant Napoléon au rang de demi-Dieu et à laquelle Victor Hugo fait écho en composant un poème, aux accents épiques, à la gloire de la colonne de la place Vendôme, où auraient dû reposer les cendres de l’Empereur sans le refus de la Chambre des députés :

« C’était un beau spectacle ! Il parcourait la terre Avec ses vétérans, nation militaire

Dont il savait les noms ;

Les rois fuyaient ; les rois n’étaient point de sa taille ; Et vainqueur, il allait par les champs de bataille

Glanant tous leurs canons. » 56

De la même manière, Balzac, dans Une Conversation entre onze heures et minuit, met en exergue l’omnipotence presque divine de cette figure emblématique : « […] singulier génie qui a promené partout la civilisation armée sans la fixer nulle part ; un homme qui pouvait tout faire parce qu’il voulait tout ; prodigieux phénomène de volonté, domptant une maladie par une bataille, et qui, cependant, devait mourir de maladie dans son lit après avoir vécu au milieu des balles et des boulets ; un homme qui avait dans la tête un code et une épée, la parole et l’action. »57 Cette mythification donne d’ailleurs prise aux réserves mélancoliques de Chateaubriand qui, dans les Mémoires d’outre-tombe, constate que Napoléon, tombé dans le domaine public, appartient désormais à l’Histoire : « Bonaparte n’est plus le vrai Bonaparte, c’est une figure légendaire composée des lubies du poète, des devis du soldat et des contes du peuple ; c’est le Charlemagne et l’Alexandre des épopées du Moyen Âge que nous voyons aujourd’hui ; ce héros fantastique restera le personnage réel ; les autres personnages disparaîtront. »58

Entre avatar divin et figure historique polymorphe, Napoléon fait en tout cas figure de héros ; c’est dans son exemple qu’après la défaite de 1870 on ira puiser l’incarnation de la revanche. Le panégyrique d’Anatole France insiste ainsi sur l’éternelle humanité du proscrit de Sainte-Hélène :

« Il était violent et léger ; et par là profondément humain. Je veux dire semblable à tout le monde. Il voulut avec une force singulière tout ce que le commun des hommes estime et désire. Il eut lui- même les illusions qu’il donna au peuple. Ce fut sa force, sa faiblesse, ce fut sa beauté. Il croyait à la gloire. Il pensait de la vie et du monde à peu près ce qu’en pensait un de ses grenadiers […] Il fut l’homme des hommes, la chair de la chair humaine. Il n’eut pas une pensée qui ne fût une action, et toutes ses actions furent grandes et communes. C’est cette vulgaire grandeur qui fait les héros. »59 Plus que tout, il est la volonté agissante : « Napoléon est le souverain spectacle de l’action. Comme elle, odieux et admirable. Mais la grandeur emporte tout. Et ceux qui ont l’âme puissante pardonnent tout à la puissance.»60 Devenu un mythe politique, Napoléon incarnera chez Nietzsche, dans Le Gai savoir, le « surhomme » : « C’est à Napoléon que nous devons de pouvoir pressentir aujourd’hui une succession de siècles guerriers qui seront sans égaux dans l’histoire ; c’est à lui que nous devons d’être entrés dans l’âge classique de la

guerre, la guerre scientifique en même temps que nationale, la guerre en grand par les

56

V. Hugo, «Ode à la colonne», in Odes et ballades, [1826], III, 7, Œuvres Poétiques, t.I, op. cit., p.825.

57

H. de Balzac, Une Conversation entre onze heures et minuit, in Contes bruns, [1832], Paris, U. Canel et A. Guyot, 1832, pp.17-18.

58

F. R. de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, 3ème partie, 1ère époque, livre VII, 8, op. cit., p.432.

59

A. France, Le Lys rouge, [1894], Paris, Calmann-Lévy, 1894, p.54.

60

moyens, les talents et la discipline, que les siècles des siècles à venir nous envieront avec respect comme un échantillon du parfait .»61 D’autres, comme Malaparte dans Technique du

coup d’Etat, en feront le précurseur des chefs d’État modernes.

Cependant, cette mythification prend une tonalité plus amère et ironique, tout au moins plus équivoque, dans la comparaison à Prométhée. Au-delà des chansons populaires dithyrambiques de Béranger, et contrairement à la relative admiration de Musset, Victor Hugo ne dissimule pas, en 1822, une certaine hostilité :

« Ainsi l’orgueil s’égare dans sa marche éclatante,