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Chapitre 6 Face aux résistances : perceptions, explications et réactions

6.3 Réaction face aux résistances

6.3.4 Tolérer

Finalement, il est possible qu’une situation de résistance n’appelle pas de réaction précise de la part des intervenants. Dans ces circonstances, aucune réaction particulière n’est observée lorsque les résidents résistent.

Cinq exemples provenant des notes d’observation font état de cette absence de réaction. Le premier exemple concerne Mme Joly qui, fâchée de ne pouvoir garder son chapeau d’Halloween, décide de le lancer. Face à cette réaction, la responsable des loisirs reprend le chapeau qui se trouve maintenant sur la table, sans rien dire à la résidente. Le deuxième

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exemple touche une bénévole qui venait de réserver un endroit dans la salle des loisirs pour installer une personne en fauteuil roulant. Or, Mme Royer décide qu’elle veut s’asseoir là, malgré les explications de la bénévole qui dit avoir prévu y installer une autre personne. Devant l’entêtement de la résidente, la bénévole décide alors de ne pas argumenter davantage avec cette dernière. Similaire à cela, l’on retrouve la bénévole qui écoute Mme Royer lui raconter vouloir se venger d’une employée après avoir reçu de sa part un bain désagréable. La bénévole a écouté la résidente sans lui faire de commentaire ou tenter de la dissuader de tenir de tels propos. Un quatrième exemple touche la résidente qui est réticente à écouter les personnes autour d’elle qui lui disent de manger. Alors qu’une bénévole lui demande si elle a terminé de manger, la résidente lui répond impatiemment. La bénévole garde alors son sourire en lui répondant. Finalement, on retrouve la situation où M. Aubry décide de manger un morceau de nourriture qui n’est pas adapté au type de texture qu’il peut manger. Deux bénévoles assistent à la scène, sans pour autant intervenir directement, si ce n’est que de souligner au résident qu’on leur a dit qu’il ne pouvait pas manger cette sorte de nourriture. De ces exemples d’absence de réaction, l’on constate que la majorité des situations met en scène des bénévoles. Ceux-ci apparaissent alors comme se sentant mal à l’aise de rabrouer les résidents, surtout qu’ils viennent à Sainte-Marie pour apporter du bonheur dans la vie de ces derniers. Néanmoins, ces bénévoles peuvent se sentir mal de faire face à ces comportements résistants dirigés vers eux. Une bénévole indique ainsi comment elle se sent lorsque les résidents se plaignent : « Ça n’arrive pas souvent, mais on dirait que pour une fois qu’on se fait insulter, ça nous rentre dedans plus que les mille sourires qu’on peut avoir, hein! On dit “L’arbre qui tombe fait plus de bruit que toute la forêt qui pousse!” C’est un petit peu blessant, mais comme je te dis, au bout de 3 ans, j’ai appris à passer par-dessus ça. C’est correct. Vous n’êtes pas de bonne humeur aujourd’hui, correct » (Françoise). La bénévole dit en ce sens être atteinte lorsque les résidents lui parlent bêtement, mais qu’avec le temps, elle est devenue plus compréhensive et reconnait que les résidents ne passent pas toujours une bonne journée.

Dans la même veine, un membre de famille raconte une situation où une résidente a refusé son aide et sa réaction face à ce refus : « À un moment donné, j’offre de l’aide à quelqu’un pis je ne veux pas répéter ce qu’elle a dit, mais c’est correct. C’était très, très vulgaire de sa part. Elle n’en voulait pas d’aide, hein, “fiche-moi la paix”. C’est plus que ça ce qu’elle m’a

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dit là, mais on reste surprise puis après ça on se dit “Ben coudonc!”. C’est correct » (Edith). Ainsi, tout comme la bénévole, le ton désagréable des résidents frappe dans un premier temps, mais le membre de famille arrive à passer par-dessus et ne cherche pas à intervenir d’une quelconque façon.

Ces différentes façons de réagir aux résistances des résidents (s’adapter, persuader, sanctionner ou tolérer) mettent encore une fois en exergue que généralement ce type de comportement n’est pas bien vu. En effet, même dans leurs réactions, on constate que les employés, bénévoles et membres de famille n’approuvent pas les résistances, et que ces actions ont de la difficulté à être entendues et comprises pour ce qu’elles sont, soit la manifestation d’une insatisfaction liée au contexte de vie des résidents. Par ailleurs, ces résistances peuvent permettre aux résidents d’améliorer leur situation, surtout si les intervenants réagissent bien et arrivent à les justifier, ou au contraire mener à davantage de contraintes si des sanctions sont appliquées. Ainsi, même si les répondants sont en mesure de donner un sens à ces résistances appréhendées autrement que comme des manifestations incohérentes des maladies dont souffrent les résidents, il reste que les résistances sont des comportements qui modifient l’ordre établi et qui créent des désagréments aux intervenants. Toutes ces informations sur les résistances et la façon dont elles sont reçues à Sainte-Marie éclairent grandement la compréhension que l’on peut en avoir. Néanmoins, il est encore nécessaire de s’attarder aux raisons de ces comportements. Le prochain chapitre présentera une interprétation sociologique des raisons menant aux résistances des résidents.

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Chapitre 7 Comprendre les résistances en CHSLD : entre