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Montrer son mécontentement et sanctionner

Chapitre 6 Face aux résistances : perceptions, explications et réactions

6.3 Réaction face aux résistances

6.3.3 Montrer son mécontentement et sanctionner

Bien que les employés puissent comprendre les résistances des résidents, dans certains cas, il arrive des situations où les employés sentent qu’ils ne doivent pas tolérer ou accepter les comportements jugés problématiques des résidents. Cela peut être fait de façon subtile, comme montrer son exaspération, ou être plus flagrant lorsque des punitions sont mises en place.

Les résistances des résidents, de par leur nature, perturbent l’ordre établi. En ce sens, quand les résidents décident de résister, il est possible que les employés ou les bénévoles ressentent de l’exaspération face à ces comportements. De nombreux exemples de cela ont été notés au cours de l’observation. Examinons trois de ces exemples. Le premier renvoie à la situation dans laquelle M. Pomerleau souhaite aller au bingo, mais qu’il sent que la responsable des

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loisirs veut le sortir de l’ascenseur, et qui décide de l’en empêcher en mettant ses mains sur les roues de son fauteuil roulant. Face à cette résistance, la responsable des loisirs réagit avec exaspération en demandant fermement au résident de ne pas agir ainsi. Le second exemple concerne encore une fois la responsable des loisirs, cette fois-ci avec Mme Joly, la résidente qui est en restriction liquidienne, mais qui cherche à avoir de l’eau. Devant l’insistance de Mme Joly, la responsable des loisirs soupire avant de me demander d’aller reconduire la résidente à son étage, contrariée de la tournure des événements. Un troisième exemple touche à une résidente qui refuse de boire de l’eau alors que l’infirmière auxiliaire vient de lui donner des médicaments. Devant le refus de la résidente, l’employée se rapproche de la résidente en tenant un verre d’eau et en incitant fermement la résidente à coopérer, visiblement irritée de la situation.

L’exaspération du personnel a aussi été mentionnée dans les entrevues. Un membre de famille indique comment une employée réagissait à la résistance de sa sœur à prendre son bain : « Il y a une petite jeune à un moment donné qui a dit “Ça n’a pas de bon sens. Il faudrait vraiment qu’elle prenne son bain. On insiste…”. Elle était contrariée un peu, t’sais » (Edith). Une bénévole mentionne aussi la frustration d’une employée : « À l’occasion, j’ai vu quelques petites choses sur un étage en particulier où cette dame-là crie souvent, parle souvent. La préposée a dit “Là, vous allez vous taire! Là, ça fait! Je suis fatiguée! ” […] Elle a fait… En voulant dire “Elle me fatigue là, t’sais” » (Gisèle). Bien que la bénévole précise que ce type de réactions n’est pas répandu et qu’elle juge cela inacceptable, elle souligne en avoir été témoin. L’on voit donc que même si les résistances peuvent être tolérées, elles désorganisent en quelque sorte les tâches qui doivent être accomplies par les employés, qui peuvent alors exposer leur sentiment de contrariété.

Ces réactions davantage négatives peuvent néanmoins être plus affirmées que la simple manifestation d’exaspération. En effet, il arrive que les employés doivent réagir de façon plus marquée aux résistances, notamment lorsque de la violence est présente. Matilde, une employée, raconte ainsi une situation où un résident résiste à la présence d’autres résidents : « À un moment donné, on a vu un monsieur donner un coup de poing sur le bras d’un autre parce qu’il ne voulait pas le laisser passer. On l’a rencontré ce monsieur-là. Quand ça devient trop souvent, ben là, on met des plans d’intervention. Par exemple, la personne n’a pas le droit de descendre en bas si elle fait telle, telle affaire. Des fois, il faut leur mettre des limites

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pour qu’ils arrêtent de faire des choses pas correctes ». Par conséquent, manifester de la résistance d’une façon jugée inappropriée peut mener à des punitions et à davantage de contraintes pour les résidents. Un autre exemple de réaction négative a été évoqué dans l’entrevue de la responsable des loisirs. En faisant référence à une situation où une résidente avait résisté à ses demandes lors d’une sortie, la responsable des loisirs indique :

Puis souvent il faut qu’il y ait des conséquences à ça. Par exemple, je parlais de la dame qui s’est vu refuser une sortie. Cette dame-là, c’est très important pour elle les sorties. Cette dame-là avait été désagréable à une première sortie, elle a été avertie que si elle était désagréable une autre fois, elle se verrait refuser une prochaine sortie, ce qui est arrivé. Elle était désagréable, donc c’est sûr que ça ne fait pas son affaire. Elle est fâchée puis tout ça, mais il faut faire respecter ces choses-là.

Tout comme pour l’exemple du résident qui frappe d’autres résidents, ce type de résistances appelle une réaction vive des employés qui doivent sanctionner ce comportement, menant à des punitions qui contraignent les résidents.

Une dernière forme de réaction négative, en plus de l’exaspération et de la punition, concerne le recours à la force ou à la contrainte explicite. Lorsque les résidents ne coopèrent pas avec les directives des employés, mais qu’il est jugé indispensable que ce soit le cas, les employés peuvent utiliser des méthodes plus musclées. Ce cas de figure a seulement été relevé dans les notes d’observation et n’a pas été discuté dans les entrevues. L’on se rappelle ainsi la situation où M. Lamoureux tentait de quitter l’établissement, mais où il a été mis de force dans un fauteuil roulant et retourné à son étage ou de Mme Defoy qu’un employé retenait alors qu’elle tentait d’entrer dans l’ascenseur. Dans cette catégorie, l’on retrouve aussi la situation où une résidente lance ses vêtements par terre, mais que l’on tente à nouveau d’habiller sans sa coopération.