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Chapitre 6 Face aux résistances : perceptions, explications et réactions

6.3 Réaction face aux résistances

6.3.1 S’adapter aux résidents

Le premier type de réaction possible de la part des employés, des bénévoles ou des membres de famille est de prendre acte de la résistance des résidents, et de tenter de créer une situation qui leur conviendrait mieux. Il s’agit de s’adapter aux résidents, puisque l’on s’intéresse au mécontentement de ceux-ci dans l’optique d’y trouver une solution.

Lorsqu’il a été question de leur réaction face aux résistances aux soins, les employées ont tenu sensiblement le même discours sur ce qui doit être fait, insistant que « si c’est une personne qui comprend assez bien, on ne peut pas la forcer » (Jocelyne) :

Oui, oui. Ici, ils sont maîtres de leurs décisions. Si un matin, la personne refuse qu’on la change, elle refuse qu’on l’habille… On va y aller une première fois, on va réessayer 15 minutes plus tard pour voir si elle a changé d’avis. On peut envoyer… Si c’est une femme qui refuse des hommes, on va envoyer une femme à la place. Peut-être qu’elle va changer d’avis. Après 3 refus, on va le marquer au dossier. « Refuse rechange. Refuse la mise de l’habillement ». On ne le forcera pas à s’habiller s’il ne veut pas. S’il veut rester en pyjama toute la journée, il restera en pyjama (Matilde).

Eh, on s’en va. On le laisse, on ne le touche pas. C’est correct. On ne peut pas obliger le résident à faire les soins s’il ne veut pas. On ne peut pas l’obliger à le laver s’il ne veut pas. Non. On le laisse. On sort, mais on revient. On fait tout pour voir s’il… Parce que

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des fois, il y a des résidents qui disent « Non, non, non. Je n’aime pas ça. Je n’aime pas ça. Non! ». On les laisse et après une demi-heure, on revient… Et c’est correct. On les lave. La majorité est comme ça (Adella).

En ce sens, les employées reconnaissent que les résidents peuvent refuser des soins, et elles adaptent leurs tâches en conséquence, notamment en revenant un peu plus tard ou en proposant un autre soignant. Elles considèrent alors qu’il est possible que, pour toutes sortes de raisons, le résident ne souhaite pas recevoir les soins à ce moment précis. L’on vise donc à retarder le soin, dans l’espoir que le résident soit plus coopératif à un autre moment. Les employées notent d’ailleurs que souvent cela fonctionne et que le résident est plus réceptif après avoir attendu. On mentionne également qu’il est possible que le résident ne veuille pas du tout du soin, et que si c’est le cas, on n’insiste pas indûment et on permet au résident de refuser complètement, entre autres de se faire changer ou de se faire habiller. Il s’agit ainsi d’un protocole ou d’un plan d’intervention qui semble répandu auprès des soignants. Cette volonté de ne pas forcer les résidents trouve aussi écho dans une conversation entendue lors des périodes d’observation. La femme d’un résident mentionnait ainsi que son mari refusait avec force de se faire habiller, et qu’avec le temps, les employés acceptaient la situation et n’essayaient plus de le vêtir.

Dans la même lignée, les propos tenus par un membre de famille lors d’une entrevue montrent que les employés peuvent chercher le moment le plus propice pour offrir des soins dans l’optique qu’il y ait le moins de résistances. En prenant l’exemple du bain de sa sœur, Edith déclare : « Finalement, à force d’essayer à différents moments de la journée, à différentes journées, là, il semble qu’en ce moment c’est établi. C’est le dimanche à 15 heures. Que là ça va très bien, qu’il n’y a pas de résistances ».

Ce type de réaction ne concerne pas uniquement les soins. En effet, lors des refus d’aide, il est fréquent que les personnes ayant offert de l’aide cessent leur proposition et respectent la volonté du résident de réaliser seul ses activités. Une employée raconte ainsi une situation dans laquelle une résidente voulait se débrouiller seule et la réaction qu’elle a eue : « Moi, si elle me dit “Je suis capable de m’occuper de moi-même”, je lui dis “Parfait”. Je ne le conteste pas. Si c’est la dernière chose qu’ils veulent garder, leur autonomie, c’est ce qu’on essaie de favoriser : l’autonomie du résident. Je sais que la personne est capable de tout faire. De rentrer dans l’ascenseur et d’appuyer sur le bouton toute seule. Je lui ai demandé une fois si elle voulait que je le fasse à sa place, la prochaine fois, je ne lui redemanderai pas » (Matilde).

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Cette employée exprime que lorsque la résidente résiste à l’aide proposée, elle prend acte de ce que la résidente souhaite et adapte son comportement pour faire en sorte que les prochaines fois, la résidente n’ait plus besoin de résister. Cette réaction a pu être observée à d’autres reprises, notamment chez les bénévoles. Par exemple, après qu’une résidente ait indiqué vouloir jouer seule sa carte de bingo ou ne pas vouloir d’aide pour monter dans l’autobus, je n’ai pas insisté davantage et j’ai respecté le désir de la résidente.

Cette acceptation des résistances prend aussi place par rapport aux résistances à la présence d’autres résidents. Lorsqu’il semble y avoir un conflit entre des résidents, le personnel peut tenter d’agir pour atténuer les tensions créées par l’organisation spatiale des lieux qui mettent en contact des personnes qui ne s’apprécient pas. La responsable des loisirs se prononce sur la façon dont elle réagit à ces conflits : « Il y a des résidents qui se tapent sur les nerfs entre eux autres. Quand on le sait, on essaie de ne pas les mettre un à côté de l’autre […] Oui, il y a des conflits entre les résidents. C’est ça, des fois, il faut les aider à se gérer ». Cette employée se présente alors comme une possible médiatrice dans les conflits, en tentant de séparer les résidents qui réagissent à la présence d’autres résidents. Elle s’affiche également comme comprenant la situation et les raisons des résidents qui résistent.

Finalement, il arrive des situations dans lesquelles un résident communique ne pas vouloir quelque chose, et que les personnes autour se plient à ses volontés. Cela concerne plusieurs situations déjà exposées : quand Mme Triquet refuse que la zoothérapeute rapporte sa blessure à l’infirmière et que la zoothérapeute se plie à la demande de la résidente; lorsque Mme Fleury crie pour pouvoir se déplacer et que l’on décide d’enlever les freins sur son fauteuil roulant ou encore lorsqu’une résidente crie parce qu’elle veut quitter et qu’un bénévole va la voir pour la sortir de la salle promptement.