• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 Méthodologie

3.1 Recherche sur la notion de personne en CHSLD

3.1.1 Observation participante

L’observation participante constituait la première méthode de collecte de données pour cette étude. À Québec, elle a débuté en septembre 2017 et a pris place jusqu’en octobre 2018, à raison de deux demi-journées par semaine. Elle a principalement eu lieu de jour, du lundi au

54

vendredi. Avant qu’elle ne débute, une rencontre avec les gestionnaires et les responsables des loisirs de Sainte-Marie8 a été l’occasion d’expliquer les objectifs de la recherche et de préciser que l’on cherchait à comprendre les centres d’hébergement et non à juger du travail qui s’y fait. Cette rencontre a permis d’obtenir la dernière approbation nécessaire au commencement de la recherche. C’est également à ce moment que j’ai rencontré la responsable des loisirs pour planifier mes premières observations en tant que bénévole en loisirs.

L’observation participante est une méthode de collecte de données où le chercheur occupe un rôle au sein d’un groupe social, ce qui lui permet d’étudier les situations auxquelles il prend part et dont il est témoin. Par son attention soutenue, il est en mesure d’observer « un ensemble circonscrit de faits, d’objets, de pratiques afin d’en tirer des constats permettant de mieux les connaitre » (Arborio et Fournier, 1999 : 7). À Sainte-Marie, l’observation participante s’effectuait alors que j’occupais le rôle de bénévole en loisirs. J’ai été appelée à réaliser toutes les tâches qu’un bénévole en loisirs doit faire, me donnant accès à un large éventail d’activités et de situations.

Les bénévoles en loisirs peuvent s’impliquer dans des activités de grand groupe (bingo, spectacles), dans des activités avec un groupe restreint (sorties, repas collectifs, ateliers divers) et dans des visites individuelles, appelées visites d’amitié9. Les tâches des bénévoles

touchent principalement l’aide aux résidents, comme pousser des fauteuils roulants ou aider pour la collation. Au cours de mon année d’observation, j’ai pu varier les activités, de façon à avoir une vue générale des loisirs. Cela m’a permis de relever diverses interactions entre résidents, entre résidents et membres de famille, et entre résidents et employés ou bénévoles. Cela m’a aussi donné l’occasion d’interagir avec des résidents, et que ceux-ci me parlent de leur quotidien, notamment lors des visites d’amitié. Tous les bénévoles avec qui j’interagissais savaient que j’effectuais une recherche. Les résidents lucides et le personnel avec qui j’avais le plus d’interactions ont aussi été avisés de la raison de ma présence. Pour orienter l’observation participante, une grille d’observation a été établie comprenant cinq axes principaux. L’on s’intéressait d’abord à l’environnement physique, à la façon dont 8 Pseudonyme donné au CHSLD dans lequel la collecte de données de Québec a été menée.

9 Les visites d’amitié ont généralement lieu dans les chambres des résidents. Il s’agit d’un moment de

55

les lieux étaient aménagés et à comment cela teintait les interactions. Le temps était un autre objet d’attention, avec un accent mis sur les horaires, les rythmes et les conséquences que cela engendrait. La façon dont les individus communiquaient entre eux était aussi étudiée, de même que ce qui était discuté. Le quatrième axe d’observation était constitué des rites, comme les activités collectives ou les routines. Finalement, l’on portait attention aux conflits et aux résistances.

Pendant les périodes d’observation participante, il n’y avait aucune prise de note. Les notes étaient prises subséquemment, en reprenant le déroulement des activités et les interactions qui avaient eu lieu. Au cours de l’année d’observation, près de 250 pages de notes ont été prises. Afin de permettre au lecteur de saisir plus finement cette méthode de collecte de données, voici trois courts extraits de notes d’observation. Le premier prend place à la Saint- Valentin, tandis que l’on distribue des ballons aux résidents; le deuxième se déroule lors d’un diner collectif à la salle des loisirs et le troisième a lieu juste avant une sortie :

1) En allant porter un ballon à une résidente, celle-ci était en train de se faire installer sur sa marchette par un préposé pour l’emmener dans la cuisine. Il était un peu après 11h, et la résidente a dit à l’employé : « Mais il me semble qu’on vient de manger! ». L’employé lui a répondu un truc comme « Il faut y aller quand même », ou « C’est tout de même l’heure ». À un autre étage, une résidente était dans l’entrée de la cuisine et parlait des ballons. Une employée lui a demandé d’entrer dans la cuisine, puisqu’elle devait reconduire un résident sur une civière dans sa chambre dont l’accès était bloqué par la résidente. Celle-ci a reparlé des ballons, alors l’employée lui a redemandé de se déplacer, et voyant quelques secondes plus tard que la résidente ne bougeait pas, elle a décidé de pousser elle-même le fauteuil roulant de la résidente, en arborant un regard contrarié. Sur cet étage, d’ailleurs, il y avait un résident qui a été installé pendant plusieurs minutes directement devant l’ascenseur, alors qu’il n’avait qu’un drap pour le couvrir. Donc, on voyait facilement sa poitrine. Dans mes nombreux allers et retours dans l’ascenseur, chaque fois que les portes ouvraient sur cet étage, je pouvais voir ce monsieur dans une position où son intimité était exposée. Ce résident a crié à quelques reprises, sans pour autant recevoir de l’attention du personnel qui circulait.

2) Pendant le dessert, une résidente a échappé son pot de crème glacée par terre. Puisque je passais par là quand c’est arrivé, je me suis penchée pour lui redonner. Elle s’est alors exclamée « pauvre toi », en faisant référence au fait que j’ai dû me mettre à genoux pour aller le chercher entre ses pieds. Je crois vraiment que cette résidente n’aime pas avoir trop d’aide parce qu’elle sent que c’est trop demander aux autres. Quand j’allais reconduire un résident à l’ascenseur, il y avait devant nous une des bénévoles qui était venue avec son petit chien (une autre bénévole avait aussi son chien). Son chien était en laisse, mais il ne semble pas aimer se faire promener comme ça. Ainsi, il refusait d’avancer et il se faisait plutôt tirer (glissant sur ses pattes). Le résident que je poussais et moi avons un peu ri de voir le chien résister comme ça. Donc pendant quelques instants, on partageait un moment pas du tout teinté par la vie en CHSLD, juste deux personnes qui rient devant une situation comique.

56

3) La responsable des loisirs m’a informée que deux résidentes du même étage voulaient aller aux toilettes, et de demander de l’aide à un préposé en sortant de l’ascenseur. Je suis donc allée avec les résidentes. Dans l’ascenseur, une des résidentes a mentionné qu’elle était bien au CHSLD entourée de gentilles personnes. Arrivées sur l’étage, j’ai dit à une employée que les résidentes voulaient aller aux toilettes. L’employée semblait un peu fâchée, car elle m’a répondu que les loisirs auraient pu s’en occuper étant donné qu’il y a des toilettes au rez-de-chaussée. Elle a aussi souligné qu’une des résidentes venait d’y aller (il y a environ une heure) et qu’avec ça ils n’avaient pas le temps de s’occuper du dîner. Un résident dans la cuisine a profité de ce moment pour demander à aller aux toilettes, et cette employée a répondu qu’il était allé avant dîner, et que donc il n’allait pas y retourner tout de suite. Le monsieur semblait fâché et disait (avec quelques sacres) qu’il allait s’en aller d’ici. On a tout de même pris soin des deux résidentes en les emmenant aux toilettes.