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I1 : Genèse des politiques de la ville en France

I.2. Le travail associatif de proximité. Quelques jalons historiques

I.2.3. Secteur associatif et travail social, frères ennemis

I.2.3.4. Un territoire : le quartier dit sensible

Comme le rappelle à juste titre Philippe Estèbe, « [le] processus de territorialisation de l’assistance a fait l’objet de nombreux travaux depuis les années quatre-vingt. On peut les classer en trois catégories : les travaux de sociologie urbaine161, les travaux de sociologie générale162, les travaux de sciences politiques163. »164 Récemment des sociologues165 l’envisagent sous l’angle de l’expertise. Cette approche complète de façon tout à fait intéressante les analyses produites dans la mesure où elle nous semble faire se confronter ces différents espaces (urbains, associatifs voire plus largement sociaux).

Par ailleurs, le territoire d’intervention est une notion très précise dans le champ du secteur social. Même si rien n’interdit la présence de travailleurs sociaux en milieu rural (les « animateurs de pays » en témoignent166), ceux-ci sont essentiellement représentés en milieu

161 On peut rappeler à ce titre les travaux de Henri Lefebvre, Daniel Béhar, Pierre Sansot, Colette Pétonnet, Pierre Bourdieu ou encore Azouz Begag et Adil Jazouli. Lefebvre H., La production de l’espace, éditions Anthropos, Coll. « ethnosociologie », Paris, (1974) 2000 (4ème éd.), 485p. ; Béhar D., Estèbe Ph., « Recherche urbaine et politique de la ville. Entre énonciation et dénonciation », Les annales de la recherche urbaine, n°64, 1994, p. 34-39. ; Sansot P., Les formes sensibles de la vie sociale, PUF, Paris, 1986, 213p. ; Pétonnet C., On est

tous dans le brouillard. Ethnologie des banlieues, Galilée, Paris, 1979, 394p. ; Bourdieu P., La misère du monde, éditions du Seuil, Paris, 1993, 1460p. ; Begag A., Delorme C., Quartiers sensibles, éditions du Seuil,

Paris, 1994, 209p. ; Jazouli A., Une saison en banlieue, Plon, Paris, 1995, 367p.

162 Avec, pour les principaux : Castel R., Op. cit., 1995. ; Rosanvallon P., La nouvelle question sociale, Seuil, Paris, 1995, 222p. ; Donzelot J., Face à l’exclusion, le modèle français, éditions Esprit, Paris, 1992, 227p. ; Donzelot J., Estèbe Ph., L’état animateur, essai de politique de la ville, éditions Esprit, Paris, 1994, 238p.

163 Voir entre autres : Duran P., Thoenig J.-C., « L’Etat et la gestion publique territoriale », Revue française de

sciences politiques, 1996, n°4, p. 580-623. ; Lascoumes P., Le Bourhis J.-P., « Le bien commun comme construit

territorial. Identités et procédures », Politix, 1998, n°42, p. 37-66. ; Le Gallès P., « Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine », Revue française de sciences politiques, 1995, n°1, p. 57-95.

164 Estèbe Ph., L’usage des quartiers, L’harmattan, Coll. Logiques politiques, Paris, 2004, 263p., p. 22.

165 Lochard Y., Simonet-Cusset M. (coord.), L’expert associatif, le savant et le politique, Eds. Syllepse, 2003, 161p.

166 Sur les travailleurs sociaux en milieu rural, voir Valarie P., « Les nouveaux territoires du social : de la militance à la gestion. L’exemple des Pays » in « Faire avec », Les Cahiers de la recherche sur le travail social, n°10, 1986. ; Dourlens C., Vidal-Naquet P., Autonomie locale et décentralisation, Anthropos, Paris, 1986, 238p. Voir également le chapitre 4 « Compétences et pouvoirs » de Ion J., Le travail social à l’épreuve du territoire,

urbain167, notamment depuis l’arrivée en force de la Politique de la ville, associée aux dispositifs et politiques d’insertion et de création de lien social168. Dans le cadre de cette étude, le territoire d’enquête est circonscrit à une urbanité spécifique puisqu’il s’agit de quartiers dits sensibles, des « quartiers zzzz… » comme le dit Karim Amellal169 faisant écho à la diversité de dispositifs (ZFU, ZRU, ZEP, etc.) qui font l’identité territoriale de ces quartiers sur lesquels il s’agira de revenir plus loin. A cette première acception du territoire du social (dans sa dimension strictement géographique) s’ajoute l’acception plus sociale et politique qui répond à la segmentation des métiers et professions du social (métiers de l’animation, de l’assistance, de l’éducation, de l’insertion, du socioculturel, etc.) et qui introduit une multitude de découpages. A cette première segmentation des métiers s’ajoute aujourd’hui l’arrivée des « nouveaux métiers » du social qui tentent de se faire une place. C’est notamment le cas des médiateurs et autres « grands frères »170 (« adoucisseurs de cités »171 ou d’établissements scolaires172) qui ont vocation à se glisser entre les professions historiques du social (assistante sociale, éducateur spécialisé et animateur socioculturel173). Le terrain du social est donc tout autant un espace géographique (un pays, une agglomération, un quartier, une rue, etc.) qu’un espace de population (les exclus, les pauvres, les handicapés, les jeunes, les femmes, les primo-arrivants, les chômeurs de longue durée, les immigrés, etc.) ou un espace de qualifications attachées au métier d’appartenance. Le périmètre d’action du travailleur social est donc largement contraint par les différents niveaux politiques et administratifs qui le déterminent, le financent, lui assignent ses missions. Le secteur associatif se distingue et

Dunod, Paris, 2000, 166p. Plus largement, sur la pauvreté en milieu rural, voir Maclouf P. (sous la dir.), La

pauvreté dans le monde rural, L’Harmattan, Paris, 1986, 329p. ; Pagès A., La pauvreté en milieu rural, Presses

universitaires du Mirail, Toulouse, 2005, 184p.

167

Sur plus de 700 quartiers, identifiés dans près de 200 villes qui dépendent d’un « contrat de ville », « près de 6 000 personnes occupent en l’an 2000 des postes estampillés politique de la ville » Ion J., Ravon B., Op. cit., 2002, p. 48. Voir également Brévan C., Picard P., Une nouvelle ambition pour les villes. De nouvelles frontières

pour les métiers, Rapport DIV, Paris, septembre 2000, 188p.

168 Pour ne citer que quelques-unes des publications revenant sur l’évolution du travail social en lien avec l’arrivée des politiques publiques et leur philosophie (contrat, partenariat, etc.). Autès M., Op. cit., 1999 ; Ion J.,

Ibid., 2000 ; Ion J., Ravon B., Ibid. 169

Amellal K., « Cap sur les territoires en souffrance » in http://www.marianne2007.info/Cap-sur-les-territoires-en-souffrance_a253.html, page consultée le 30 janvier 2007.

170 Soulet M.-H., Les transformations des métiers du social, Eds. Universitaire de Fribourg, Fribourg, 1997, 314p.

171

Ion J., Ravon B., Ibid., p. 55-62. Pour une analyse des difficultés des animateurs « issus des quartiers » à agir avec les jeunes dont ils sont censés s’occuper, voir Masclet O.,Op. cit., 2003, 316p.

172 Sur les médiateurs scolaires, voir entre autres Dubet F., Op. cit., 2002, p. 269-302. L’auteur montre notamment comment le territoire de ces nouveaux métiers est plus labile, plus diffus que pour les professions instituées. Ainsi si la classe définit le territoire de l’enseignant, la cour et les salles d’études celui du conseiller principal d’éducation (CPE), celui du médiateur correspond à l’ensemble des espaces fréquentés par les élèves qui seraient susceptibles d’entrer en tension : la classe, la cour, les couloirs mais également les abords de l’établissement scolaire, le quartier, etc.

173

s’apparente tout à la fois au secteur social en la matière. En effet, comme on a pu le rappeler, le secteur associatif n’est pas unifié. Il comporte une grande diversité de types associatifs, que je propose de regrouper en trois catégories somme toute assez classiques : un mode gestionnaire, occupationnel ou émancipateur. Selon le mode dans lequel s’inscrit la structure considérée, on constate alors une plus ou moins grande proximité avec le secteur social. Plus le secteur associatif est proche des missions du secteur social et plus il lui empreinte ses modalités organisationnelles. Le système de financement (sur la base de subventions attribuées sur projet et sur contrat annuel ou pluriannuel ou par convention selon les cas) participe de cette contrainte territoriale. « Le cadre des subventions aurait tendance à nous scléroser sur le secteur. Nous, on a du mal à monter… si par exemple, aujourd’hui, je veux monter un séjour avec 30 jeunes issus de quartiers différents, je pourrais pas. J’aurais un financement pour mes 10 jeunes de Borny mais j’en aurais pas pour les autres. » nous disait l’un des responsables associatifs rencontrés, faisant état par là même de l’une des priorités de l’action et de l’expertise associative : redéfinir les contours du territoire dit sensible, notamment en déplaçant la problématique géographique qui s’est imposée depuis plusieurs dizaines d’années pour expliquer les difficultés de certains quartiers urbains vers la problématique sociale.

La proximité entre travail social et travail associatif, entre travailleur social et travailleur associatif dont on vient de relater les quatre principaux traits ne doit cependant pas nous faire perdre de vue que bien qu’étant de la même famille, ils ne sont pas interchangeables. En effet, comme le souligne très justement Matthieu Hély, bien qu’ils partagent la même « condition », « "travailleurs sociaux" et "travailleurs associatifs" ne partagent pas la même position. »174 Autrement dit, bien que disposant d’un héritage commun de la charité religieuse et philanthropique des communautés du XIXème siècle faisant exister une tension « entre le pôle de la vocation, qui transfigure leur activité quotidienne en mission de charité ou solidarité (terme laïcisé de la charité) et celui de la profession salariée »175, Hély note que « alors que l’identité professionnelle [des "travailleurs sociaux"] était inextricablement liée à la figure tutélaire de l’Etat-Providence, le travailleur associatif, s’il doit souvent ses

174

Hély M., Le travailleur associatif. Un salarié de droit privé au service de l’action publique, Thèse pour le doctorat de sociologie, EHESS, 2005, 470p, p. 462-463.

175 Schnapper D., « Les expériences vécues dans quelques métiers de l’Etat-Providence », p. 199-216, p. 203 in Menger P.M. (sous la dir.), Les professions et leurs sociologies. Modèles théoriques, catégorisations, évolutions, Editions de la maison des sciences de l’homme, Paris, 2003, 272p. L’auteure va jusqu’à préciser que « l’existence de ces deux pôles, celui de la vocation et celui de la profession, qui se révèlent souvent être en tension, sinon en contradiction, est l’une des sources du "malaise" ou de la "crise", uniformément observés par les sociologues dans les professions de l’Etat d’intervention. », p. 212.

conditions d’existence au soutien des institutions publiques, ne se reconnaît pourtant pas dans le rôle traditionnel du fonctionnaire administratif soumis au devoir de réserve et à la rigidité des règles bureaucratiques. »176 Ainsi, l’auteur précise-t-il encore, « l’explosion de l’emploi associatif ne doit pas être confondue avec le développement des "travailleurs sociaux". Au contraire, elle correspond bien à l’élaboration d’une nouvelle catégorie sociale. […Le travailleur associatif] est donc à la source d’une nouvelle forme de salariat de droit privé exercé au service de l’action publique et échappe au clivage traditionnel entre agents du service public et salariés du secteur concurrentiel de l’économie. »177 Cela dit, nous pourrons constater que les travailleurs associatifs, témoignant d’une exaspération qui naît du sentiment de ne pas être reconnu à sa « juste valeur »178, se mettent parfois à revendiquer une place ou plus exactement leur place au sein du secteur public :

« Nous, on devrait être du service public. […] Nous, c’est pour ça qu’on parle de non bénéfice puisque nous, tous les services qu’on rend c’est que du service public. De toute façon, on dépend de l’argent public. On fait que ça et y a pas d’argent qui rentre donc je pense que la plupart de nos actions, elles devraient être reconnues par le service public. ». (Entretien responsable de l’ATTM, 24 mai 2002.)

Dans le même temps, le statut ou la position de fonctionnaire ne sont à aucun moment revendiqués ou valorisés. L’un des responsables rencontrés, un peu usé après plusieurs années d’investissement quotidien dans sa structure, témoignait en ces termes :

« Je voudrais en faire moins mais j’ai toujours été disponible et si du jour au lendemain, je me rendais moins disponible et si je commençais à raisonner comme un salarié [entendu comme un salarié d’un autre secteur économique voire d’un fonctionnaire] et à organiser ma vie avec une vie privée, je rentre à telle heure, etc., je crois que les gens ne comprendraient pas donc comme j’aime pas faire les choses à moitié !... ». (Entretien responsable ATTM, 24 mai 2002)

La figure du salarié classique symbolise plutôt la figure antinomique de l’action associative, qui, elle, est présentée comme flexible, personnalisée et innovante donc adaptée aux exigences pragmatiques du contexte. On retrouve ici la tension précédemment évoquée entre « vocation » et « profession »179. Le refus de l’être fonctionnaire s’oppose ainsi au caractère

176

Hély M., Op. cit., 2005, p. 463.

177

Ibid., p. 463.

178 Baudelot Ch., Gollac M., Travailler pour être heureux. Le bonheur et le travail en France, Fayard, Paris, 2003, 351p. Voir notamment les chapitres 12 « le salaire console-t-il du malheur au travail ? » et 13 « Le sentiment d’injustice ». Sur ces questions de bonheur/malheur, estime/injustice au travail, le lecteur pourra lire le dernier ouvrage de François Dubet, Injustices. L’expérience des inégalités au travail, Seuil, Coll. essais, Paris, 2006, 490p.

179 Schnapper D., Art. cit. in Menger P.-M., 2003. Notions qui font évidemment clairement référence à la théorie weberienne. Weber M, Le savant et le politique, Plon, Coll 10/18, Paris, (1919) 1959, 185p.

routinier, encadré et contraint du travail au profit de « l’œuvre » sociale, la création valorisante et valorisable, suivant l’opposition désormais classique de Hannah Arendt180. D’une certaine façon, cette tension rend également compte du souci à être simultanément dans et hors l’institution afin d’être reconnu tant par les usagers que par les autres acteurs collègues, partenaires, financeurs, etc.181

La situation générale historiquement construite du secteur associatif nous conduit tout naturellement maintenant à devoir envisager rapidement la situation actuelle de celui-ci (quelles sont ses caractéristiques et modalités organisationnelles ?) avant de revenir plus spécifiquement sur l’ancrage territorial qui a été choisi dans le cadre de cette étude pour interroger les rôles sociaux de ce secteur.

I.2.4. La situation actuelle du secteur associatif. Un secteur en voie de professionnalisation182

Comme le rappelle Jean-Michel Belorgey, « on n’a jamais jusqu’aux dernières décennies, assisté à l’investissement d’aussi considérables attentes dans le phénomène associatif. Le discours associatif progresse au même rythme que la démographie associative. Discours des associations sur elles-mêmes. Mais aussi discours des pouvoirs, qui donnent acte aux associations d’une vocation dont il faut mesurer l’ambition : enrichissement ou restauration des solidarités, et, plus généralement du lien social et de la sociabilité ; contribution au changement social, au renouvellement de la citoyenneté, et à la consolidation de la démocratie. »183 Autant de missions et rôles qui participent de la constitution du secteur associatif comme relais (rendu et devenu) indispensable, oscillant entre une position faible (simple exécutant, relais local) et une position forte (lieu de contestation et de proposition alternative) doté d’un vivier professionnel (salariés et bénévoles) voire expert. Dans tous les cas, nul ne peut échapper aujourd’hui à la présence médiatique du secteur associatif : campagnes de publicité, hommes et femmes politiques mais également personnalités publiques (artistes, sportifs notamment) ou encore de « simples citoyens », comme il est de

180 Arendt H., Condition de l’homme moderne, Calmann-Lévy, Paris, (1961) 1983, 404p.

181

Sur cette quasi nécessité à jongler entre le « hors » et le « dans » l’institution, voir Bourdieu P., Balazs G., « Porte-à-faux et double contrainte », p. 383-395 in Bourdieu P. (sous la dir.), La misère du monde, Op. cit., 1993.

182 Amadio S., Engels X., Jory H., « L’association fait-elle partie de l’économie sociale et solidaire ? ». Rapport commandité par la Délégation interministérielle à l’innovation sociale et à l’économie sociale, piloté par le Préfecture de la région Lorraine (Secrétariat général pour les affaires régionales), Convention DIISES-Lorraine n°24, in Cahiers de recherche de la MIRE, n°16, avril 2003.

183 Belorgey J.-M., Cent ans de vie associative, Presses de Science Po, coll. La bibliothèque du citoyen, Paris, 2000, 139p., p. 12.

coutume de les appeler, promeuvent telle ou telle structure, font appel à la générosité des Français pour acheter tel produit de telle marque (eau minérale, fleurs, yaourts, etc.), qui s’est engagée à reverser un pourcentage pour telle cause. De même, tous et toutes semblent s’accorder sur l’importance de s’engager dans ces structures, beaucoup plus que n’est incité l’engagement dans un parti politique ou dans une structure syndicale. Il semble donc que la place du secteur associatif actuel prenne une ampleur d’autant plus grande qu’il s’affirme et est affirmé comme lieu démocratique par excellence à l’image d’une société civile activement engagée. Enfin, il s’affirme de plus en plus comme un secteur économique, créateur d’emploi et de valeur. Observons en chiffres nationalement et localement ce que cette place (nouvelle ?) du secteur signifie pratiquement. Quelles sont les mesures du secteur associatif aujourd’hui ?

Comme le rappelle Edith Archambault184, 2005 a vu la création de « près de 70 000 associations […] alors qu’en 1995 il y en eut 63 400 » et « sur la même période la proportion de la population adulte qui adhère à une ou plusieurs associations est passée de 41% à 46%. ». A ces premiers chiffres, il importe de signaler, avec Viviane Tchernonog185, combien les associations ont pris une place conséquente dans l’économie française et ne s’en tiennent plus à une position caritative ou de défense d’une cause (sociale, politique, culturelle, etc.). Ainsi, dans la droite ligne de ses premiers travaux, l’auteure, répondant à l’appel du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, construit un outil de mesure lui permettant de recenser, en 2000, environ 880 000 associations en activité, réparties comme suit :

184

Archambault E., « Les Institutions sans but lucratif en France. Principales évolutions sur la période 1995-2005 et défis actuels », Communique au colloque ADDES, 7 mars 2006, 14p.

185 Tchernonog V., « Trajectoires associatives – Données de repérage sur les cycles de vie et les disparitions d’associations », Rapport pour la Délégation interministérielle à l’Innovation sociale et à l’Economie sociale avec le concours financier de la Fondation de France, Paris, 1999. ; Le Guen M., Tchernonog V., « Quelles liaisons entre les ressources, le travail bénévole et l’emploi salarié dans les associations ? », in Dervaux B., Calcoen F., Greiner D. et al. (sous la dir.), Intégration européenne et économie sociale, L’Harmattan, Coll. « Logiques économiques », Paris, 2002, p. 259-271.

Tableau 1 : Nombre et répartition des associations selon l’existence d’emploi salarié

% Effectifs

Associations sans salarié 84% 735 000

Associations employeurs 16% 145 000

Ensemble 100% 880 000

Source : Tchnernonog V., Logiques associatives et financement du secteur associatif. Eléments de

cadrage, Appel d’offres de la MIRE, Produire des solidarités : la part des associations, Paris, déc.

2000, 100p.

Parmi les grands secteurs identifiés (action caritative et humanitaire ; action sociale ; sanitaire ; de quartiers, de défense de causes diverses ; de l’éducation, de la formation et de l’insertion ; sportif ; culturel, des loisirs et de la défense des intérêts économiques), « le secteur associatif français apparaît au total largement dominé par le nombre des associations de type sportif, culturel ou de loisirs, qui représentent à elles seules plus de 60% du nombre total d’associations. »186 Tous secteurs confondus, la mission première qui est mise en avant par les structures associatives (employeurs ou sans salarié) est la « création du lien social » suivi par le « développement d’actions de solidarité », souvent loin devant le « développement de comportements citoyens, de l’engagement » ou de la « responsabilisation des personnes »187. Ces trois types de mission se retrouvent localement au cœur des priorités associatives mais elles ne sont pas les seules comme nous le verrons plus amplement dans la dernière partie de cette étude.

Si l’on regarde de plus près le tableau précédent, on constate que la très grosse majorité des structures associatives fonctionne avec du travail bénévole. Seules 16% ont recours à l’emploi salarié (tous statuts confondus). L’auteure précise que ce sont principalement les petites structures qui ont recours à l’emploi salarié : « 54% d’entre elles ont 1 à 2 salariés, 25% entre 3 et 9 salariés, 18% entre 10 et 49 salariés, et seules 4% des associations employeurs ont 50 salariés ou plus »188. Au total, les structures associatives occupent activement 1 650 000 personnes (tous statuts confondus), ce qui revient à environ 907 000 emplois équivalent temps plein189 (compte tenu de la forte proportion du travail à temps partiel dans le secteur associatif en général, de l’ordre de 55%190). Parmi ces emplois, la part d’emplois précaires est élevée (de l’ordre de 36%) et très dépendante du secteur d’activité : « la précarité est la plus élevée

186

Tchnernonog V., Op. cit., 2000, p. 17-21.

187 Ibid., p. 25-28.

188 Ibid., p. 63.

189 Ibid., p. 65.

190

dans les associations d’insertion en raison de la nature même de l’activité de ces dernières [59%] ; le taux de précarité reste supérieur ou égal à 50% pour les associations culturelles ou de loisirs, ou encore dans l’action caritative et humanitaire. Les associations d’action sociale [22%], de défense des intérêts économiques [19%], et surtout les associations sanitaires [3%] recourent relativement peu aux emplois précaires. »191 Sur ces aspects, le secteur enquêté, caractérisé par une majorité de structures utilisatrices d’emploi précaire et de structures relevant de l’action sociale, ne déroge pas aux tendances nationales puisque le recours à l’emploi précaire, compris les emplois aidés (CES, CEC et emplois-jeunes), avoisine les 45%192.

Les bénévoles, quant à eux, représenteraient un ensemble d’environ 14,5 millions de personnes. Comme le précise Tchernonog, « ce chiffre est supérieur au nombre de bénévoles en France puisque la mesure du nombre de bénévoles directement par les associations ne permet pas d’éliminer les doubles-emplois. »193 En effet le nombre de bénévoles est estimé, en 2002, à 12 millions194. Ce chiffre, sur lequel l’ensemble des chercheurs s’accordent, est constitué à partir des déclarations de personnes interrogées à cet effet dans le cadre du dispositif d’enquêtes permanentes sur les conditions de vie des ménages. Au niveau local, les travailleurs associatifs rencontrés nous ont fait part de la présence de moins d’une centaine de