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Les effets du « quartier sensible » sur l’action associative

I1 : Genèse des politiques de la ville en France

I.1.6. Les effets du « quartier sensible » sur l’action associative

Cette période voit aussi s’institutionnaliser le qualificatif « sensible » comme désignant les quartiers en difficulté. C’est au commissaire Bui-Trong69, responsable de la section « Villes et banlieues » aux Renseignements généraux du ministère de l’Intérieur, que l’on doit ce qualificatif. Elle est alors chargée d’élaborer une échelle évaluant le degré de violence des quartiers en difficulté. C’est en 1992 qu’elle annonce qu’une trentaine de quartiers sont

sociologie, XXXVIII, janvier-mars 1997, p. 97-117. Pour prolonger cette analyse des effets de territoire et

l’envisager dans une perspective comparative internationale, voir la partie III de Authier J.-Y., Bacqué M.-H., Guérin-Pace F. (sous la dir.), Le quartier. Enjeux scientifiques, actions politiques et pratiques sociales, La découverte, Coll. recherches, Paris, 2007, 293p.

64 Anderson A., Vieillard-Baron H., Op. cit., 2003, p. 48.

65 Houdeville L., avec la collaboration de Dhuys J.-F., Pour une civilisation de l’habitat, préface de Pierre Mendès France, Eds. Economie et humanisme, Paris, 1969.

66 Bachmann Ch., Le Guennec N., Op. cit., 1996, p. 66

67 Cette idée, appuyée d’un rappel de l’exigence faite aux communes d’avoir 20% de HLM sur leur territoire, est récurrente dès qu’un événement social ou politique de premier plan surgit : ce qui a été appelé « les émeutes d’octobre/novembre 2005 » en furent une occasion ; le décès de l’Abbé Pierre en fut une autre ; les élections présidentielles de 2007 en sont encore une autre.

68 Bourdieu P., « Effets de lieu », La misère du monde, Eds. du Seuil, Paris, 1993, p. 249-262.

69 Bui-Trong L., « L’insécurité des quartiers sensibles : une échelle d’évaluation », Les cahiers de la sécurité

intérieure, n°14, p. 235-247. Son échelle proposait huit degrés allant du vandalisme à l’émeute, ce qui avait,

comme le souligne Laurent Mucchielli, « pour effet évident d’enlever tout caractère politique à l’émeute pour en faire une simple délinquance en bande. ». Mucchielli L. « Violences urbaines, réactions collectives et représentations de classe chez les jeunes des quartiers relégués de la France des années 1990 », Actuel Marx, n°26, 1999, p. 85-108.

« hyper-sensibles », 70 sont au degré 4 et 210 sont au niveau 1 et 270. A partir de 1993, la Politique de la ville ne sera plus gérée par le ministère de la ville mais par un grand ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville qui sera alors confié à Simone Weil et le premier « plan de relance » prolongera les orientations précédentes. Suite à l’élection de Jacques Chirac à la présidence de la République le 7 mai 1995, on assiste à une démultiplication des responsabilités gouvernementales avec un ministre à l’Intégration et la Lutte contre l’exclusion (Eric Raoult), un ministre à l’action humanitaire d’urgence (Xavier Emmanuelli) et un ministre des quartiers en difficulté (Françoise de Vérinas). La création de ce dernier ministère semble donc opérer un recentrement des préoccupations politiques en matière de Politique de la ville et rend davantage publique la situation de certains quartiers. Octobre de cette même année voit revenir la mixité sociale comme priorité nationale ainsi que l’emploi et les activités économiques sous l’angle du développement du commerce de proximité, la présence des services publics – notamment en matière de sécurité – dans les quartiers et la valorisation du tissu associatif, envisagé comme « un "trait d’union" entre les habitants des banlieues »71. Françoise de Vérinas cèdera sa place le 7 novembre 1995 suite au redéploiement et à la réduction des membres opéré par Alain Juppé, alors nouveau Premier ministre. La nouvelle priorité est, comme le rappellent Anderson et Vieillard-Baron, la « politique d’intégration urbaine » […], à côté des réformes de l’Etat, de la fiscalité et de la Sécurité sociale. »72 Le Pacte de relance pour la ville, annoncé en 1996, s’enclenche la même année et voit la création de nouveaux périmètres géographiques d’intervention : 700 zones urbaines sensibles (ZUS), 350 zones de redynamisation urbaine (ZRU) et 44 zones franches urbaines (ZFU73). De nouveaux acteurs sont également créés localement tels que les unités éducatives à encadrement renforcé (UEER), destinées à l’encadrement des très jeunes délinquants, qui seront finalement remplacées par les centres éducatifs renforcés (CRE) à la suite d’un rapport très critique de l’inspection générale des affaires sociales publié en janvier 1998. Juin 1997 et la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac remettent le Pacte de relance en cause : le ministère de la Ville est supprimé et la Politique de la ville se retrouve mêlée aux questions du travail et de l’emploi, de la santé, de la protection sociale, de

70 Bachmann Ch., Le Guennec N., Op. cit., 1996, p. 489-490.

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Anderson A., Vieillard-Baron H., Op. cit., 2003, p. 53.

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Ibid., p. 53.

73 Ce dispositif, qui permet entre autres aux entreprises de bénéficier d’exonérations de cotisations sociales patronales lors de l’embauche de salariés résidents de la ZFU ou la ZRU (durant 5 ans sur la part des rémunérations inférieures ou égales à 150% du SMIC), cessera d’exister en 2002, à la suite d’un rapport critique de l’inspection générale des Affaires sociales pour renaître en 2004. Les autres possibilités d’exonération sont : l’exonération d’impôt sur les bénéfices, de la taxe professionnelle, de taxe foncière sur les propriétés bâties, des cotisations personnelles pour les artisans et les commerçants, des droits de mutation sur les fonds de commerce et de clientèle. Ibid., p. 60.

l’action sociale, de l’immigration et de l’intégration au sein du ministère de l’Emploi et de la Solidarité, confié à Martine Aubry. La priorité est donnée à la lutte contre l’exclusion sous toutes ses formes (économique, sociale, de protection sociale, du logement, etc.) et la logique d’une politique transversale et non quartier par quartier est instaurée. Les emplois de ville destinés aux territoires spécifiques créés par le gouvernement précédent se retrouvent inclus dans le dispositif global d’aide à l’accès à l’emploi des jeunes (les futurs emplois-jeunes). 1998 voit un nouveau tournant de la Politique de la ville sous la plume de Jean-Pierre Sueur74, chargé de dresser un bilan de la Politique de la ville et d’énoncer de nouvelles préconisations. Dans son rapport, pour le dire rapidement, Sueur suggère une action à deux pôles : d’une part, un élargissement du territoire d’intervention en remplaçant les contrats de ville par des contrats d’agglomération75 – le niveau et la logique de l’agglomération devant faciliter la mixité sociale – et d’autre part, un rétrécissement par la création de conseils d’agglomération, élus par les habitants. De plus, la logique de discrimination positive des zonages créés (ZUS, ZRU, ZFU), est remise en cause au nom de l’égalité républicaine. Enfin, la LOV doit pouvoir s’appliquer selon sa logique initiale, avant les amendements votés en 1992. En 1999, les réseaux d’éducation prioritaire (REP) sont créés afin de remplacer à terme les ZEP. Comme le notent Anderson et Vieillard-Baron, « on passe d’une première étape de l’action publique marquée par des politiques étroitement territorialisées et visant des quartiers cibles à une seconde étape fondée sur des projets et la mise en œuvre de la "gouvernance", celle-ci étant définie comme l’aptitude, dans une organisation complexe, à prendre des décisions globales assumées par tous les acteurs et comme la capacité à mettre en œuvre un système de pilotage partenarial et efficace. »76 L’enjeu de cette notion de gouvernance locale est une implication concrète de l’ensemble des acteurs locaux, et notamment des habitants. On verra comment cette nouvelle prérogative va s’ajouter à l’ensemble des missions77 du secteur associatif, qui constituent déjà un vaste champ (exclusion, éducation, logement, santé, etc.). C’est la « loi Chevènement » du 12 juillet 1999, relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, qui entérinera la création des communautés d’agglomération. Dans le même temps, la « loi Voynet » du 25 juin 1999, relative à l’aménagement et au

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Sueur J.-P., Demain la ville, La documentation française, Paris, mars 1998, 800p. Et dans une version plus concise : Changer la ville, pour une nouvelle urbanité, Editions Odile Jacob, Paris, 1999, 215p.

75 Les contrats 2000-2006 sont des contrats de ville « nouvelle génération ». Cf. Anderson A., Vieillard-Baron H., Op. cit., 2003, p. 59.

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Ibid., p. 59.

77 Si je choisis, ici, de parler de « mission » plutôt que de fonction du secteur associatif c’est parce que ce terme est celui qui résume le mieux la complexité et les sources originelles du secteur c’est-à-dire que l’on peut y entendre la mission religieuse comme la mission de service public, qui constituent finalement deux pans et deux visions du secteur associatif. La présentation de ces missions éclairera encore davantage cette conception.

développement durable du territoire, modifie la « loi Pasqua » du 4 février 1995 et consolide les notions de pays et d’agglomération. Les rencontres nationales sur le renouvellement urbain des 9 et 10 décembre 1999 dressent un bilan plus que mitigé des grands projets urbains puisque seules quatre villes ont réellement réussi à faire émerger une dynamique d’ensemble. Le 14 décembre, le Comité interministériel des villes crée les grands projets de ville (GPV), qui, suivant les propos du ministre de la ville de l’époque Claude Bartolone, seront censés opérer un « traitement de choc » sur les quartiers jugés en difficulté, liant systématiquement urbain et social c’est-à-dire rénovation et politique d’accès à l’emploi, de lutte contre l’échec scolaire, etc., et ce, en intégrant la participation des habitants sous la forme d’un comité consultatif. Enfin, l’article 25 du projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains (dit SRU) déposé le 8 mars 2000 oblige chaque commune à avoir au moins 20% de logements sociaux. Cette disposition sera nuancée par le Conseil constitutionnel le 7 décembre de la même année, jugeant les sanctions prévues en cas de non respect trop systématiques et trop limitatives de la liberté d’administration des collectivités locales78. Cette obligation sera également pondérée en fonction de la démographie locale79. A la suite de ce qui sera appelé « la crise des banlieues » en octobre 2005, le gouvernement, constatant publiquement que cette obligation n’a pas été remplie par l’ensemble des communes – loin de là80 –, réimposera cette obligation. La logique de ces nouveaux projets vise à densifier la ville en réhabilitant des friches industrielles ou des terrains insuffisamment construits et éviter ainsi un délitement de l’espace. Ce renouveau urbain qui est alors visé s’agrémente de démolitions, reconstructions, réhabilitations dans un souci de désenclavement de certains quartiers et d’ouverture sur la ville mais est accompagné également d’actions de proximité en direction des petits commerces, des services publics, des transports en commun, ici, dans un souci d’amélioration

78 Les sanctions prévues sont : un engagement dans un plan de rattrapage pour tendre vers l’objectif de mixité sociale, 152,45€ d’amende par logement manquant, hors communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et disposant de plus de 15% de logements sociaux.

79 L’article L. 302-5 du code d’urbanisme, relatif aux logements sociaux et à la solidarité entre les communes s’applique aux « communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Ile-de-France et 3 500 habitants dans les autres régions, et qui se situent dans une agglomération d’au moins 50 000 habitants comportant une commune de 15 000 habitants ou plus. », Anderson A., Vieillard-Baron, Op. cit., 2003, p. 65.

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Au 31 décembre 2005, 742 communes ont été identifiées comme ne respectant pas la loi SRU. Parmi elles, on trouve quatre communes du département le plus riche de France et la commune la plus riche de France : Neuilly-sur-Seine, auxquelles s’ajoutent Marnes-la-Coquette, Sceaux et Vaucresson dans les Hauts-de-Seine. Elles devront payer des majorations de prélèvement de solidarité pour ne pas avoir respecté le quota de 20 % de logements sociaux imposé par la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain).

http://www.lemoniteur-expert.com/btp/etat_collectivites/non_respect_loi_sru_prefet.htm ;

http://www.conso.net/page/bases.2_actualites.1_une_inc_hebdo.1_infos_des_semaines_precedentes./Item-itm_ccc_admin_20050912154951_154951_LesrponsesduPremierminist.txt, pages consultées le 23 mars 2007.

du quotidien des habitants81. L’alternance politique de 2002 ne nuira pas à ce projet de renouvellement urbain mais l’entérinera avec le principe de rénovation urbaine (terme qui n’est pas sans évoquer les opérations d’aménagement radicales des années soixante). Cette loi SRU instaure d’autres changements importants : le code d’urbanisme institue le schéma de cohérence territoriale (SCOT), remplaçant l’ancien schéma directeur qui ne prenait en compte que le sol sans réelles considérations en terme d’aménagement (loisirs, habitat, déplacements et stationnements, équipements d’Etat, infrastructures diverses, etc.) ; le plan local d’urbanisme (PLU) remplace l’ancien plan d’occupation des sols (POS) et intègre les anciens plans d’aménagement des zones (PAZ) ; la création d’établissements publics fonciers locaux (EPCI) qui sont « des établissements industriels et commerciaux susceptibles d’acquérir des terrains pour le compte des communes »82. Par ailleurs, la question de la démocratie de proximité se fait de plus en plus insistante dans cette période et le 27 février 2002 est publiée (après adoption le 14 février) la loi relative à la démocratie de proximité, qui instaure les conseils de quartier dans toutes les villes de plus de 50 000 habitants. Le secteur associatif sera alors présenté comme l’un des piliers de la mise en œuvre concrète de ces conseils. En termes de sécurité et de prévention de la délinquance, les Contrats locaux de sécurité (CLS), instaurés par la circulaire du 28 octobre 1997, sont renforcés et élargis aux professions de santé. De nombreuses autres initiatives sont initialisées, telles que le projet pilote du « bureau du temps », mis en œuvre dans seulement deux départements et deux villes, à la suite du rapport de Edmond Hervé remis le 19 juin 200183 ou encore l’initiative « talents des cités » qui, par ce concours (encouragé et le plus souvent porté par le secteur associatif), vise à promouvoir la création économique des jeunes des quartiers relevant de la politique de la ville. Les élections de 2002 portant à nouveau Jacques Chirac à la présidence de la République amènent Jean-Louis Borloo au ministère de la Ville. Il va globalement prolonger les orientations des années précédentes, en ré-instaurant néanmoins les ZFU. Celles-ci se voient reconnues efficaces à la suite du rapport du sénateur maire RPR de Saint-Quentin (Aisne), Pierre André, se distinguant par là même du rapport de l’inspection générale des affaires sociales, au point d’élargir leur champ d’action : la clause des 20% d’embauches locales se retrouve à s’appliquer au bassin d’emploi de la ZFU et plus simplement aux

81 La critique de ce type de politique à partir d’actions de « démolition-reconstruction » est ancienne. Voir Engels F., La question du logement, Editions sociales, Paris, (1872) 1969, 123p. Nous verrons, avec les travailleurs associatifs interrogés, que les « problèmes sociaux » sont en effet davantage déplacés que résolus. En outre, ce type d’action, encore utilisé aujourd’hui, opère des déplacements de population qui participent au délitement de liens sociaux existants.

82 Anderson A., Vieillard-Baron H., Op. cit., 2003, p. 65.

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résidents de la ZFU. L’intention est ici de permettre à toute entreprise, y compris associative, de trouver du personnel qualifié plus facilement. La concurrence pour l’emploi se trouve accentuée par cette mesure. A celle-ci s’ajouteront d’autres dispositifs tels, en août 2003, la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. Créée par la loi du 1er août 2003, l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) est lancée officiellement le 17 novembre. Elle est un guichet unique, au budget de six milliards d’euros sur cinq ans, qui finance les projets de démolition, de reconstruction et de réhabilitation des quartiers dits sensibles. En date du 1er janvier 2004, 41 ZFU sont ouvertes. 2004 est une année importante en ce qu’elle constitue l’année opérant un deuxième volet de décentralisation attribuant de nouvelles missions et responsabilités aux régions et départements. Le plan de cohésion sociale (juin 2004) et la loi de cohésion sociale (volet égalité des chances, réforme de la DSU, la création des équipes de réussite éducative – ERE), votée le 18 janvier 2005, impulsent une réaffirmation de la politique de la ville menée depuis quelques années. Les assises de la ville qui se sont tenues le 8 avril 2005 réunissent 2 000 personnes issues de différents secteurs (architectes, politiques, associatifs, etc.). Juin 2005 voit la création de la HALDE (Haute Autorité à la Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité) dont la mission principale est de prendre le relais du FASILD (Fonds d’Action et de Soutien pour l’Intégration et la Lutte contre les Discriminations), aujourd’hui devenu ANCSEC (Agence nationale de la cohésion sociale et pour l’égalité des chances84). L’ANPE connaît également des orientations spécifiques avec la création de « l’accompagnement personnalisé des jeunes ». Dans la prolongation de cet esprit, 2006 voit l’arrivée de la « loi pour l’égalité des chances », qui propose divers dispositifs (stages dans la police et l’armée pour les jeunes en difficulté d’insertion ; instauration du testing comme outil légal de mesure des discriminations qu’elles soient à l’embauche, à l’accès au logement ou encore aux lieux culturels ; autorisation légale d’occuper un emploi pour les enfants dès 14 ans ; contrat première embauche (CPE), longuement sous les feux médiatiques et fruit de la colère populaire durant plusieurs mois, qui a finalement conduit à son retrait) afin d’établir une prise en charge globale des principaux problèmes identifiés comme tels par le gouvernement affairant notamment aux territoires dits sensibles. Enfin, lors du Comité Interministériel des Villes (CIV) du 9 mars 2006, la création de 15 nouvelles ZFU portant leur nombre à 10085 est annoncée ainsi que le doublement des Equipes de Réussite Educative (passant de 250 à 520). L’année 2006 voit également la naissance des nouveaux contrats qui visent à remplacer les

84 Agence créée par la loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006 et activée en novembre de la même année.

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contrats de ville : les Contrats Urbains de Cohésion Sociale (CUCS), trisannuels et reconductibles, dont l’application a débuté en janvier 2007. Avec ces nouveaux contrats, la « géographie d’intervention » s’élargit et vise à profiter aux territoires dits sensibles connaissant des « situations de décrochage d’intensité différente »86, mais également à ceux dont certains aspects mériteraient, selon l’appréciation des préfets de région et de département, une intervention plus ou moins ponctuelle, mobilisant des moyens spécifiques allant au-delà des moyens de droit commun87. Les acteurs mobilisés restent les mêmes, avec une place de choix qui est à nouveau faite à la participation associative et surtout à celle des habitants, puisque, en parallèle de ces nouvelles instances propres à la Politique de la Ville, a été créée la Direction de la Vie Associative, de l’Emploi et des Formations (DVAEF) avec un décret d’application en date du 30 décembre 2005. Cette DVAEF coordonne et anime les différents niveaux de gestion de la vie associative et assure également en concertation avec le secteur associatif le suivi et la gestion du Conseil de développement de la vie associative, créé le 3 juillet 200488.

Au final, c’est depuis les années cinquante et jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix que se crée, se développe et s’institutionnalise la politique de la ville telle que nous la connaissons aujourd’hui. Le secteur associatif, convié ou s’imposant comme acteur légitime, n’a cessé dans le même temps d’accroître son influence dans les débats et les actions touchant la gestion sociale des quartiers dits sensibles. Au fil de cette histoire, les seuils sociaux (de pauvreté, de chômage, de gestion locative, etc.) et la tolérance qui leur est associée ont évolué. Comme le rappelle Aloïs Hahn, « les seuils sont redéfinis avec la naissance et la perte des dispositifs 89». Je dirais même, concernant les politiques publiques et plus spécifiquement la Politique de la ville, que c’est l’accumulation de dispositifs (naissant et mourant) qui tend à modifier les seuils90. Ces opérations se sont alors traduites le plus souvent par un processus de

86 Vocabulaire utilisé dans la plaquette de présentation de ces nouveaux contrats sur le site du ministère de la ville. http://www.ville.gouv.fr/infos/dossiers/cucs.html, page consultée le 22 janvier 2007.

87 Circulaire Ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement du 24 mai 2006 à l’attention des préfets de région et de département.

88 Pour une présentation plus complète de cette nouvelle Direction, voir la présentation faite par son responsable Gérard Sarracanie, en préambule du rapport du CerPhi d’octobre 2006. Malet J., La France associative en

mouvement, quatrième édition, octobre 2006, 48p., p. 4.

89 Hahn A., « The Sick and the Criminal, Strangers and the « Supernumerary » : The Sociology of Inclusion and