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Les tentatives d’atténuation des effets de la retenue sur traitement

L E RÉGIME FINANCIER

B. La règle de la retenue sur traitement

2. Les tentatives d’atténuation des effets de la retenue sur traitement

Pendant le déroulement du conflit, les grévistes peuvent-ils bénéficier d’un soutien matériel pour compenser les pertes de salaires dues à la cessation du travail ? Et, de manière plus précise, par- delà les aides classiques provenant soit des syndicats, soit des collectes organisées ponctuellement, les collectivités locales et, notamment les communes qui sont les plus proches du tissu économique, peuvent-elles accorder des subventions à des syndicats dont les membres sont en grève, voire aux

1138- C.E, 13 février 1974, ministre de l’Économie et des Finances c/ sieur Perotti, rec. 106 ; JCP 1974, II, 18228, obs.

Y. Saint-Jours ; RDP 1976, p. 583, obs. Marcel Waline.

1139- C.E, 23 décembre 1974, ministre de l’Économie et des Finances c/ dame Pegazet, rec. 652. 1140- D’après ce décret, « les heures perdues par suite de grève ne peuvent donner lieu à récupération ». 1141- C.E, 23 mars 1973, Fédération du personnel de la défense nationale, rec. 247.

1142- Idem.

grévistes eux-mêmes, ou faire bénéficier les grévistes ou leurs enfants de la gratuité de certaines prestations accordées par les services publics communaux ?

Ce sont les questions auxquelles le Conseil d’État a dû répondre dans l’affaire Commune d’Aigues-Mortes1144. Dans cet arrêt, en date du 20 novembre 1985, il a considéré que sont illégales les délibérations qui décident, « pour manifester leur solidarité à l’égard des travailleurs en grève d’une importante entreprise de la commune », d’allouer une subvention à un syndicat organisateur de la grève, car les communes « ne peuvent intervenir dans un conflit collectif du travail en apportant leur soutien à l’une des parties au litige ». Le Conseil d’État a confirmé sa position à propos de la grève des cheminots de l’hiver 1986-19871145. Autrement dit, la solution préconisée par le Conseil d’État en 1985 à l’encontre des aides apportées aux salariés du secteur privé est également valable pour celles accordées aux personnels du secteur public. Il faut enfin noter que le fait que la subvention soit accordée après la fin du conflit est sans incidence sur sa légalité1146.

En revanche, dès l’instant où les collectivités locales « habillent » leur aide financière aux grévistes d’une dimension sociale, leurs décisions sont jugées légitimes par le Conseil d’État. Ainsi, toujours à propos de la grève des cheminots de l’hiver 1986-1987, ont été déclarées légales des délibérations accordant aux familles des grévistes la gratuité des cantines scolaires ou des crèches ou remboursant à divers établissements les dépenses qu’ils ont engagées à titre de solidarité en faveur des cheminots grévistes. Pour la Haute Assemblée, dans ces hypothèses, les conseils élus « ne s’immiscent pas dans un conflit collectif du travail mais entreprennent, à des fins sociales, une action présentant un objet d’utilité locale »1147. En outre, le juge précise qu’ « en prenant en faveur des cheminots grévistes, qui se trouvaient dans une situation particulière, les mesures ci-dessus rappelées, le conseil municipal ne saurait être regardé […] comme ayant porté une atteinte illégale au principe d’égalité des citoyens ». Il ressort donc clairement de cet arrêt que l’un des critères de légalité de l’aide est son attribution directe aux grévistes nécessiteux. Dans ces conclusions sur l’affaire du Territoire de Belfort1148, le commissaire du Gouvernement BONICHOT a souligné qu’il s’agit là d’une des limites de cette jurisprudence. Il estime, en effet, que dans certaines hypothèses le critère de l’attribution directe s’avère un peu trop restrictif et qu’il serait sans doute judicieux d’envisager que l’aide puisse transiter par le biais d’organisations spécialisées comme la Croix- Rouge. Cependant, cette extension du critère jurisprudentiel n’a pas été réalisée dans l’affaire territoire de Belfort, car la décision prise par la collectivité présentait manifestement les

1144- C.E, 20 novembre 1985, Commune d’Aigues-Mortes, rec. 330 ; AJDA 1986, p. 116, obs. J. Moreau.

1145- C.E, 11 octobre 1989, Commune de Port-Saint-Louis-du Rhône c/ Préfet des Bouches-du Rhône, Dr. soc., p. 534,

note J.F Lachaume ; AJDA 1990, p. 109, note F. Julien-Laferrère ; voir dans le même sens C.E, 11 octobre 1989, Commune de Gardanne et autres, Dr. adm. 1989, no 555 ; Rev. adm., 1989, p. 538, note Philippe Terneyre. Pour une critique de cette jurisprudence voir Bernard Mathieu et Michel Verpaux, « L’aide apportée par les collectivités locales aux grévistes : une compétence incertaine, des conséquences contestables », Dr. soc., 1991, p. 944.

1146- C.E, 12 octobre 1990, Commune des Champigny-sur-Marne, rec. 607. 1147- C.E, 11 octobre 1989, Commune de Port-Saint-Louis-du Rhône, préc.

1148- Concl. du commissaire du Gouvernement sur C.E, 29 septembre 1993, Territoire de Belfort, LPA no

caractéristiques d’un tour de passe-passe destiné à éluder les règles posées par la jurisprudence du Conseil d’État1149. En revanche, il n’est pas exclu qu’à l’avenir la position de la Haute juridiction administrative n’évolue pas dans ce sens.

Enfin, et par exception au principe général, les fonctionnaires en congé annuel ou de maladie bénéficient de leur traitement1150, ces dérogations trouvent leur origine dans le texte de la loi. Il en est de même en cas de suspension pour faute grave. En cas de poursuites pénales1151 du fonctionnaire, sa rémunération peut être réduite de moitié. Les retenues sont, cependant, remboursées si la suspension n’est suivie d’aucune sanction ; cette disposition est applicable à tous les fonctionnaires dont le traitement a été suspendu, car il s’agit d’un principe du droit de la fonction publique1152. Si le fonctionnaire est incarcéré, en principe à titre préventif, la situation est complexe : tout dépend de la question de savoir s’il est suspendu ou non ; s’il l’est, il perçoit la quotité du traitement autorisée par les textes, s’il ne l’est pas, il ne reçoit rien1153 ; si la suspension a pris fin, l’intéressé est rétabli dans ses fonctions dès sa remise en liberté et son traitement intégralement versé à partir de la date où il a manifesté son intention de reprendre ses fonctions1154.

Mais, en l’absence de dispositions législatives adéquates, l’absence de service fait exclut le droit à rémunération des fonctionnaires empêchés de travailler par une grève à laquelle ils sont étrangers1155 et celui d’un fonctionnaire qui, par exemple, a été empêché d’exercer ses fonctions du fait de la guerre1156. Concernant la guerre du Liban, il est à noter que la loi exécutée par le décret no 2106 du 25/06/1979, a abrogé l’article 19 du décret-loi no 112 du 12/06/1959 en ajoutant un nouveau paragraphe qui autorise au Gouvernement de prendre, par le biais d’un décret pris en Conseil des ministres, les dispositions convenables qu’exigent les circonstances et conditions exceptionnelles qu’est en train de vivre le pays. Ainsi, en se référant à ce texte le Gouvernement a décidé que le fonctionnaire qui s’absente pour des raisons de sécurité sera exonéré de la règle de retenue du traitement1157. Mais le Conseil des ministres s’est revenu sur sa décision en confirmant la règle du service fait1158.

1149- Attribution à la ligue des droits de l’Homme du Territoire de Belfort d’un crédit pour qu’elle vienne en aide aux

victimes des répressions dans le cadre du conflit Peugeot.

1150- C.E.L, 21 octobre 1997, Salibi, RJA 1999, I, 69.

1151- Sur la définition des poursuites pénales, v. C.E, sect., 19 novembre 1993, Vedrenne, AJDA 1993, chron. p. 854. 1152- C.E, Ass., 29 avril 1994, Colombani, rec. 209, concl. S. Fratacci ; AJDA 1994, chron. 377 ; RFDA 1994, p. 479. 1153- C.E, 20 juin 1969, Dame Bardin, rec. 869 ; AJDA 1970, p. 120 et C.E, 13 novembre 1981, Commune de Houilles,

rec. 410 ; AJDA 1982, chron. p. 79.

1154- C.E.L, 4 octobre 1966, Chehadeh, rec. 1967, p. 37 et C.E, 25 novembre 1992, Mme Diestsch, rec. 1067. 1155- C.E, 10 mai 1963, Chialvo, p. 300.

1156- C.E, 29 octobre 1954, Richouftz de Manin, rec. 564 et C.E.L, 3 janvier 1996, El-Zakhem, préc. 1157- Décision no

6 du 17/10/1979.

1158- Décision no

La retenue du traitement n’est pas en elle-même une sanction disciplinaire mais une disposition administrative par laquelle l’administration vise à protéger et à garder l’intérêt du service public et son bon fonctionnement loin de toute intention correctionnelle et toute volonté réprimande. Dans le cas où cette disposition aura le caractère d’une sanction par laquelle l’administration voudrait sanctionner un certain comportement, l’administration doit alors assurer au fonctionnaire les droits de la défense conformément à la règle consacrée par la jurisprudence d’après laquelle le pouvoir public doit appliquer et respecter les droits de la défense avant de prendre à son encontre une décision qui touchera à sa position légale ou lui causera un préjudice1159.

Le traitement net, calculé à partir de l’indice attribué au fonctionnaire, est majoré des compléments divers.

Cette diversité constituée par les divers compléments du traitement nous mène à poser la question du cumul, et de savoir quel régime règle le principe du cumul financier.