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L A PROTECTION DU FONCTIONNAIRE

B. La communication du dossier

1. La portée de la règle de communication

Le domaine d’application de cette règle est remarquablement étendu. La communication du dossier s’applique à toutes les personnes qui ont « un lien administratif » avec l’administration624, d’où, et afin de cerner sa portée, nous procèderons à relever les cas qui forment les limites à l’application de cette règle. D’autre part, nous essayerons de relever les cas d’après lesquels l’administration sera en obligation de communiquer le dossier.

a. Champs d’application

Nous remarquerons que la jurisprudence, constante en la matière, considère qu’il ne serait pas obligation d’appliquer le droit de la défense et par suite la règle de communication dans le cas rarissime de circonstances exceptionnelles625. Il revient au juge administratif d’apprécier si les circonstances évoquées par l’administration constituent de vraies circonstances exceptionnelles ou non626.

Le Conseil d’État a considéré que l’évocation par le Président de la République des circonstances exceptionnelles dans son arrêté du 7/6/1961 afin soit de donner aux militaires des congés, soit de les démissionner en les privant des garanties disciplinaires ; n’est pas légal, du fait de l’inexistence des circonstances exceptionnelles justifiant l’inapplication des textes légales et principes généraux qui exigent les autorités administratives d’assurer les droits de la communication

620- C.E, 30 octobre 1981, Centre interdépart. de psychiatrie infantile, Dr. adm. 1981, nº 412 et C.E, 21 juin 1996,

Comm. de Buchères, RFDA 1996, p. 851.

621- C.E, 23 avril 1982, Mme

Mataame, Dr. adm. 1982, nº 187 et C.E, 18 janvier 1985, Forget, D. 1986, p. 386, note J.- L. Crozafon et J.-P. Pillon.

622- C.E.L, 14 mai 1998, Agha, RJA 1999, II, 501. 623- Chapus (R) ; Droit administratif général, préc., p. 343.

624- C.E, 26 juin 1957, Kat, rec. 112 et C.E, 2 février 1966, Torres, rec. 70 et C.E, 17 janvier 1973, Cazelles, rec. 43.

Pour les ambassadeurs : C.E, 12 novembre 1997, Fessard de Foucault ; et pour les préfets : C.E, 5 juillet 2000, Mermet, préc.

625- C.E, 28 juin 1918, Heyriès, rec. 651, S. 1922. 3. 49, note Hauriou. 626- El Khoury (Y.S) ; Droit administratif général, T. I, 3è

et de la défense, ainsi le Conseil d’État a annulé ces mesures prises à l’encontre de ces militaires pour leur illégalité627.

De même, l’obligation de communiquer le dossier n’est pas applicable dans le cas où le fonctionnaire a été condamné pénalement, même s’il n’est pas privé de ses droits civils628.

Cette règle n’est pas applicable lorsque le fonctionnaire, sans motif légal, abandonne son poste629. En effet, il résulte de l’abandon du poste que le fonctionnaire rompt, de sa propre volonté, tout lien avec l’administration, celle-ci n’est plus reliée aux règles lui incombant, d’où le fonctionnaire ne serait plus en mesure de recourir contre la mesure disciplinaire prise à son encontre car « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».

Dans cet ordre d’idées, la jurisprudence libanaise considère que le décret qui certifie la démission du fonctionnaire après quinze jours de son abandon sans excuse légitime, n’a pas un caractère disciplinaire et il ne serait pas nécessaire de le précéder par l’application de la règle de communication du dossier, car par cet abandon le fonctionnaire manifeste sa volonté de se séparer de ses fonctions630 ainsi il se démissionne d’office.

Par contre la jurisprudence française, par manque de texte explicite en la matière – ce qui n’est pas le cas au Liban – ne considère pas toujours ce cas comme une démission d’office, ainsi elle oblige l’administration a informé le fonctionnaire intéressé des mesures qu’il encourt s’il ne reprend pas ses fonctions631. Le juge considère que le simple abandon du poste ne rompt pas le lien entre le fonctionnaire et l’administration, il justifie une sanction disciplinaire éventuellement sans garanties de procédures632.

Il est bien évident que cette garantie n’est pas applicable lorsque des textes légales explicitent libèrent l’administration de son obligation de communiquer le dossier633.

b. Le refus de communication

La décision par laquelle l’administration notifie au fonctionnaire son refus de communication, ne peut être attaquée en tant que telle par le fonctionnaire634. Les actes de l’administration et ses mesures prises en ce domaine sont concomitants à la décision finale par laquelle une sanction

627- C.E, 23 octobre 1964, D’Oriano, préc. et dans le même sens et dans une lecture a contrario C.E.L, 18 octobre

1995, Ido, RJA 1997, I, 42.

628- C.E, 22 octobre 1982, Jacques, Dr. adm. 1982, nº 428.

629- C.E, 21 avril 1950, Gicquel, rec. 225 et C.E, 10 mai 1972, Dufond, rec. 351 et C.E, 30 janvier 1991, Mme

Camier, rec. 1025.

630- C.E.L, 26 novembre 1968, Fouad El Khoury, rec. 1969, p. 42. 631- C.E, 10 janvier 1964, Demarcy, AJDA 1964, p. 633.

632- C.E, 26 février 1954, Sevestre, rec. 832 et C.E, 30 janvier 1991, Mme

Camier, préc.

633- C.E.L, 19 décembre 1977, Haraka, DCE 1977, V, nº 58 et C.E.L, 10 mars 1993, Joseph Ide Hanna, RJA 1994, p.

199 et C.E, 10 mars 1972, Santamaria, rec. 207.

disciplinaire est infligée, ces actes préparatoires ne peuvent être détachables de cette décision. Ainsi, ce refus de communication permet d’obtenir l’annulation de la sanction635 qui sera une décision viciée par le vice de procédure. Cela rend la sanction donc irrégulière, sauf si cette irrégularité résulte de la négligence ou de la mauvaise volonté du fonctionnaire636.

La sanction sera aussi annulée s’il est accordé au fonctionnaire de prendre connaissance d’une partie des pièces du dossier637. Ceci est bien sûr dans le cas où la sanction a été infligée en se fondant sur des pièces autres que celles présentées au fonctionnaire dans son dossier638.

En tout cas, le moyen n’est pas d’ordre public et il doit être invoqué par le fonctionnaire639, alors le juge annulera la sanction, contrairement à la jurisprudence libanaise qui le considère d’ordre public, comme nous l’avons souligné plus haut, d’ailleurs cette jurisprudence est suivie par la Haute Commission pour la discipline au Liban640.

Le refus de communication peut donc aboutir, dans le cas où le fonctionnaire a subi un préjudice, à la réclamation des dommages-intérêts en réparation de ce préjudice641.

Dans le cas où la procédure ne va pas se poursuivre devant le conseil de discipline, la jurisprudence considère que l’autorité administrative compétente doit, s’il y a lieu à sanction, la prononcer dans un délai raisonnable après que le fonctionnaire ait pris connaissance de son dossier. Ainsi si l’administration, afin de prononcer une sanction, dépasse excessivement le délai raisonnable, une nouvelle communication du dossier serait nécessaire, sinon la sanction sera annulée. Ainsi, le Conseil d’État a annulé la sanction prononcée près de trois ans après la communication du dossier642.

À la lumière des textes législatifs, la jurisprudence a précisé le contenu de la règle de communication ainsi que les conditions d’après lesquelles elle pourra être considérée comme réalisée.