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L’application du critère de l’effort physique accompli pour les besoins du service

L A PROTECTION DU FONCTIONNAIRE

B. L’établissement du lien matériel avec le service

1. L’application du critère de l’effort physique accompli pour les besoins du service

C’est dans l’activité professionnelle accomplie au moment de l’accident que se trouve la cause directe du dommage283. Si l’effort physique est la cause directe du dommage, il trouve lui-même sa cause profonde dans un ordre du supérieur hiérarchique, dans un acte professionnel compris comme l’accomplissement « normal » de la fonction mais aussi plus largement dans tout acte dicté pour la bonne marche et/ou l’intérêt du service284 ; on peut dire que c’est dans cette « causalité finale » que se trouve l’événement à l’origine de l’acte qui a conduit au dommage, ainsi, celui-ci n’a pas été conditionné par une « volonté propre » d’agir. Si ce second critère alternatif de la jurisprudence traditionnelle a fait l’objet d’une application restrictive qui perdure, il a subi quelques assouplissements et connaît, par ailleurs, certaines limites. La plupart des exemples se rencontrent dans le domaine des accidents survenus dans le service. Toutefois les différentes applications, restrictive285 et assouplie286, ainsi que les limites287 se trouvent de manière identique288 dans le domaine des accidents de mission.

281- Arrêt Gerot, préc., dans lequel il fut impossible d’obtenir confirmation du témoignage écrit d’une passante. 282- C.E, 26 juin 1989, Valanouva, req. no

84672.

283- C.E, 15 février 1995, Violeau, req. no

144413 et C.E, 3 octobre 1997, Roux, req. no 152317, Dr. adm. 1998, comm. no 54 ; Juris-Data no 051010.

284- C.E, 31 juillet 1996, Giudicelli, req. no

150178.

285- C.E, 28 septembre 1992, Ferrier, req. no

87736.

286- C.E, 26 novembre 1993, Pertuis, req. no

105532.

287- C.E, 27 novembre 1959, Thrivaudey, rec. 638-639. 288- C.E, 7 décembre 1992, Staedelin, req. no

a. L’application restrictive du critère de l’effort physique

L’idée originelle est que la victime accidentée au cours de l’exercice actif des fonctions a produit un effort purement physique par opposition à l’effort intellectuel289 et sortant nettement de l’ordinaire. L’expression traditionnellement retenue est d’ailleurs celle d’effort physique exceptionnel.

Dans ses décisions, le juge souligne simultanément la nature « brutale » de l’effort qui traduit son caractère exceptionnel, ainsi que l’action effectuée au moment de l’accident par la victime et, par là même, la raison de la précipitation. Celle-ci doit être dictée par des motifs strictement « professionnels ». Ainsi le dommage peut résulter par exemple, d’un « mouvement précipité de torsion du corps pour atteindre son bureau afin de répondre à un appel téléphonique »290 ou d’un « mouvement brutal de torsion du genou droit […] effectué dans l’exercice des fonctions »291.

Toutefois, la jurisprudence exige que l’effort de soulèvement doit être objectivement significatif. Ainsi le fait de soulever pour les besoins du service un sac postal rempli de pièces de monnaie et pesant 20,8 kg292, une machine à écrire d’un poids élevé293, une poubelle lourdement chargée294, est considéré comme un effort exceptionnel. Il en est de même lorsque la victime chute à cause du transport d’une lourde charge liée au service295.

Dans la jurisprudence relative aux efforts singuliers et particulièrement pénibles, nous ne rencontrons que des actes pratiqués dans des conditions particulièrement difficiles. Tel est le cas d’une infirmière amenée à pratiquer une piqûre sur un malade que d’autres immobilisaient et maintenaient de force sur un matelas placé à même le sol296.

Il est possible de rattacher à ce courant jurisprudentiel le dommage subi par une femme d’entretien, fonctionnaire d’un centre hospitalier régional, qui s’est « blessée au dos alors qu’elle se relevait après s’être accroupie pour nettoyer un radiateur »297.

La jurisprudence relative aux efforts contre-indiqués se fonde quant à elle sur le principe de proportionnalité . Il semble d’application limitée du fait qu’il paraît nécessaire que le travail ait été médicalement contre-indiqué. Ainsi pour un fonctionnaire municipal victime d’un accident pendant

289- Lecture a contrario de C.E, 14 avril 1995, Teisserenc, req. no

142530.

290- C.E, 31 juillet 1996, Clair, req. no

154714.

291- C.E, 13 juin 1997, Bertrand, req. no

113612.

292- C.E, 18 décembre 1985, Rigal, req. no

50896, rec. 666.

293- C.E, 31 juillet 1996, Giudicelli, préc. 294- C.E, 9 juillet 1997, Andreutti, req. no

143058.

295- C.E, 20 mars 1985, Charun, req. no

53138 et C.E, 31 juillet 1996, Giudicelli, préc.

296- C.E, 8 septembre 1995, Milhaud, req. no

119310.

297- C.E, 12 novembre 1993, Le Gac, req. no

le « repiquage de boutures » à la suite « d’un effort accompli dans cette tâche et alors que plusieurs certificats médicaux antérieurs avaient attesté qu’un tel travail était contre-indiqué »298.

b. L’application assouplie du critère de l’effort physique

Une évolution de cette jurisprudence a été amorcée fin des années quatre-vingt. Dans une décision du 4 mars 1988, le juge a pris en compte les faux mouvements qui se définissent comme des gestes produits par un individu mais échappant à sa volonté.

L’idée de faux mouvement fait peser la cause du dommage dans un geste de la victime dénué d’effort et de choc et dont le lien intellectuel avec le service est véritablement ténu. Toutefois, comme l’inconfort de la position nécessitée par les besoins du service a conduit à ce faux mouvement, le rattachement fut admis299. Cette jurisprudence fut étendue aux fonctions exercées sur le domaine public300.

Le même jour le juge remit en cause le caractère exceptionnel de l’effort. Sont désormais prises en compte des actions banales ou ordinaires mais toujours liées au service, ou plus exactement dictées par le service. L’arrêt de principe qui date de 1988 concerne un fonctionnaire territorial victime d’un accident en retirant le filtre du séchoir industriel à l’entretien duquel il procédait301.

Près de dix ans plus tard a été admis comme lié à un accident de service le dommage subi par une infirmière hospitalier qui a « ressenti une vive douleur lombaire alors qu’elle faisait le lit d’un malade »302 ; si la doctrine comprit cette décision comme une application de la présomption d’imputabilité au service de certains accidents, le lien au service a pourtant été clairement établi. Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’un revirement puisque l’assouplissement, qui est incontestable, peut parfaitement s’expliquer par rattachement à la jurisprudence de 1988.

c. Les limites à l’application du critère de l’effort physique

Les limites au critère de l’effort physique sont, quant à elles, multiples. Trois grandes catégories se dégagent de la jurisprudence : il y a les actes détachables des fonctions, les dommages survenus spontanément et enfin ceux d’une particulière gravité.

Les dommages résultant d’actes détachables du service comprennent ceux qui pourraient apparemment se rattacher au service mais que des éléments déterminant excluent. Les actes détachables des fonctions ou de service impliquent l’existence d’une faute inexcusable ou intentionnelle de la victime303.

298- C.E, 5 avril 1996, Commune de Vaulx-en-Velin, req. no

133364.

299- C.E, 4 mars 1988, André, req. no

67402.

300- C.E, 26 novembre 1993, Pertuis, préc.

301- C.E, 4 mars 1988, Caisse des dépôts et consignations, req. no

67402.

302- C.E, 13 juin 1997, Caisse des dépôts et consignations, AJFP 1998-1, p. 36.

Les dommages survenus de manière spontanée sont définis à partir d’une lecture a contrario de la jurisprudence CLAIR précitée. Survenus sur le lieu et pendant les horaires du service, ils ne résultent ni d’une intervention ou d’une cause extérieure violente soudaine et irrésistible ou d’un quelconque effort. De plus, il n’existe aucun lien professionnel avec le service. Vu l’assouplissement jurisprudentiel – certes encore en chantier – dû à l’admission des actes de la vie courante leur nombre devrait avoir tendance à se réduire comme une peau de chagrin.

Les dommages d’une particulière gravité sont, par principe, étrangers au service. Habituellement, hormis le cas où l’infarctus du myocarde résultant d’un effort exceptionnel au sens strict du terme304, ce type d’accident n’est pas imputable au service305. Cette jurisprudence utilise souvent de manière expresse la même formule suivant laquelle l’accident « a une origine dont la relation directe certaine et déterminante avec le service n’est pas établi ».