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Quelques tempéraments à l’encadrement jurisprudentiel de l’office juridictionnel du juge-commissaire

SECTION I. L’exercice du pouvoir juridictionnel par le juge-commissaire

2. Quelques tempéraments à l’encadrement jurisprudentiel de l’office juridictionnel du juge-commissaire

200. Rôle fondamental du juge-commissaire. M. J.-L. Vallens806 a suggéré que le juge-commissaire soit investi d’un réel pouvoir de trancher les contestations, à l’instar du juge de l’exécution qui peut statuer sur le fond du droit à l’occasion d’une difficulté ou d’une contestation relative à une mesure d’exécution. Le juge-commissaire doit être habilité à statuer, du moment qu’il reste dans les limites de la compétence du tribunal de commerce, à l’exception de toute demande incidente ou de toute exception ne tendant pas uniquement au rejet de la créance. Cet auteur incite

« Pouvoir juridictionnel du juge-commissaire en matière d’admission des créances, des modifications présentes et à venir … », Revue des sociétés 2014, p. 405 ; ROUSSEL-GALLE (P.), « Incompétence du juge-commissaire en matière de vérification des créances ou dépassement de pouvoirs, même combat ! », JCP E 2013, 818 ; BOUSTANI (D.), « Vérification des créances : l’alignement du régime de l’incompétence et du dépassement de l’office juridictionnel du juge-commissaire », GP 1er juillet 2014, p. 14 ; JCP E 2014, 1447, obs. Pétel, le délai de forclusion prévu par l’article R 624-5 du code de commerce s’applique aussi lorsque le juge-commissaire constate que la contestation ne relève pas de son pouvoir juridictionnel et sursoit à statuer après avoir invité les parties à saisir le juge compétent.

804 Cass. com, 23 septembre 2014, n°13-22539, 13-22540 et 13-22541 ; Dalloz Actualités, 8 octobre 2014, Lienhard.

805 Obs. sous Cass. com, 13 mai 2014 : LEDEN juin 2014, p. 2, n°86, obs. Rubellin.

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à repousser la doctrine majoritaire en ce qu’elle se limite à raisonner par comparaison avec le juge des référés et à considérer que le juge-commissaire n’est que le « juge de l’évidence »807, même si cette interprétation reprend la jurisprudence antérieure et évoquée ci-avant. Il est possible de penser que le législateur a attribué au juge-commissaire un pouvoir juridictionnel efficient. Selon l’auteur, la mention légale « en l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence » peut être lue comme une reconnaissance d’une compétence pour écarter, dans le cadre de son office juridictionnel, toute contestation qui serait dépourvue de caractère sérieux. Le juge-commissaire reste compétent lorsque la discussion portant sur une créance, est purement dilatoire et opportuniste, dépourvue de caractère sérieux808. Au lieu de l’inviter à surseoir à statuer ou à se déclarer incompétent, et ainsi retarder la fixation du passif grâce à l’intervention d’une autre juridiction, cette interprétation fondée sur l’objectif de célérité souhaitée par le législateur, a vocation à permettre au juge-commissaire de demeurer compétent et d’écarter l’argument purement dilatoire, afin de statuer sur la créance. Cette interprétation restaure le juge-commissaire dans son rôle fondamental de juridiction au service de la procédure collective, dans l’objectif d’envisager le plus rapidement possible le sort de l’entreprise en difficulté et ce, grâce à une détermination rapide du passif.

201. Demande reconventionnelle. La Cour de cassation a procédé par un arrêt du 27

janvier 2015809, à un revirement de jurisprudence. En l’espèce, la banque a bien déclaré à la procédure sa créance, laquelle a été annulée. Le créancier l’a déclarée de nouveau, mais le débiteur lui a opposé la prescription. La question posée a été de savoir si l’annulation de la procédure annule aussi l’effet interruptif de la déclaration de créance810. La Cour a estimé que « la décision qui annule

l’ouverture d’une liquidation ne prive pas la déclaration de créance de son effet interruptif de prescription, qui se prolonge jusqu’à cette décision ». Il n’appartient pas au juge-commissaire en matière d’admission, de

statuer sur la responsabilité de l’établissement de crédit et le cas échéant, sur le montant de l’indemnité due811. Une fois la créance déclarée, le créancier voit ses droits gelés. Quand bien même cette prétention est admise et qu’il y a compensation, cette demande ne doit pas remettre en cause

807 BERTHELOT (G.), « Déclaration et vérification des créances. Une souplesse apparente dans un souci de célérité », op. cit.

808 D 2014, chron. 733, n°59, obs. Le Corre et JCP E 214, 1223, n°34, obs. Pétel.

809 Cass. com, 27 janvier 2015, n°13-20463 : JurisData n°2015-001083 ; BRIGNON (B.), « Effet interruptif de prescription de la déclaration de créance et pouvoir juridictionnel du juge-commissaire », JCP E 2015, 1135 – THÉRON (J.), « Précisions quant aux pouvoirs du juge-commissaire en matière d’admission des créances », Act. Pro.

coll. 2015, comm. 66 – Chronique par PÉTEL (P.), « Sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires des

entreprises », JCP E 2015, 1204, n°9.

810 Devenu l’article L.622-25-1 du code de commerce, depuis l’ordonnance du 12 mars 2014.

811 En ce sens, Cass. com, 6 février 2001, n°98-19267 – Cass. com, 24 mars 2009, n°07-18927 - Act. Pro. Coll. 13 mars 2015, § 69, obs. Cagnoli.

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le montant de la créance déclarée812. Or, la chambre commerciale de la Cour de cassation n’a pas suivi la solution de la Cour d’appel et a prononcé une cassation pour violation de la loi au visa de l’article L 621-104 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005. M. P. Théry a relevé qu’est une demande reconventionnelle « tout ce qui est susceptible de faire l’objet d’une

action autonome »813, alors que M. J. Théron a remarqué qu’une demande de dommages et intérêts résultant de la reconnaissance de la faute d’un créancier peut faire l’objet d’une action autonome. Sans se prononcer sur la validité des raisonnements évoqués, la procédure de vérification doit désormais intégrer des événements affectant l’existence ou le montant de la créance en cours de procédure, alors qu’il a été instruit jusqu’ici que le montant à admettre est celui existant au jour de l’ouverture de la procédure814. La fin annoncée du contentieux des déclarations de créances ne doit pas porter atteinte aux rôles et fonctions du juge-commissaire, rouage essentiel des procédures collectives. Celui-ci est extrêmement loin de constituer une simple chambre d’enregistrement815.

202. Pouvoir souverain du juge-commissaire. Dans un arrêt publié du 5 avril 2016816, la Cour de cassation est venue rappeler que la clause majorant le taux des intérêts contractuels en cas de défaillance de l’emprunteur, s’analyse en une clause pénale relevant du pouvoir souverain de modération du juge-commissaire lors de l’admission de la créance d’intérêts déclarée par le créancier. Cette position est fondée, dans la mesure où l’article 1231-5 du code civil817 ne vise que le juge sans aucune autre indication.

L’ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 a précisé à quelle partie revient la charge de saisir le juge compétent dans le délai d’un mois. Les faits de l’arrêt rendu le 27 septembre 2016818

ont indiqué qu’à l’occasion d’une liquidation judiciaire, la banque a déclaré une créance au titre du solde d’un prêt dont le remboursement avait été aménagé par un protocole d’accord antérieur à la

812 JCP E 2014, 1173, n°6 et JCP G 2014, 636, n°6, obs. sous Cass. com. 28 janvier 2014, n°12-35048.

813 Obs. sous Cass. Ass. Plén., 22 avril 2011, n°09-16008 ; RTD civ. 2011, p. 795.

814 Cass. com, 8 juin 2010, n°09-14624 ; GP 15-16 oct. 2010, p. 32, obs. Le Corre-Broly.

815 BRIGNON (B.), « Effet interruptif de prescription de la déclaration de créance et pouvoir juridictionnel du juge-commissaire », JCP E 2015, 1135.

816 Cass. com, 5 avril 2016, n°14-20169 ; D. 2016, 2244, chron. Arbellot ; ROUSSEL-GALLE (P.), « La clause pénale, oui mais avec le pouvoir modérateur du juge-commissaire ! », Revue des sociétés 2016, p. 395 ; DAGORNE-LABBÉ (Y.), « La révision de la clause pénale », JCP G 2016, 790 ; MARTIN-SERF (A.), « Déclaration et vérification des créances. Réduction d’une clause pénale par le juge-commissaire lors de l’admission d’une créance », RTD Com 2016, p. 547.

817 Ancien article 1152 du code civil devenu article 1231-5 issu de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 : « Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire ».

818 Cass. com, 27 septembre 2016, n°14-18998 et 14-21231 ; D. 2016, 1997, somm. ; BORGA (N.), « Dépassement de l’office juridictionnel du juge-commissaire : charge de la saisine », Lettre d’actualité des Procédures

collectives civiles et commerciales n°17, novembre 2016, repère 233 ; Lettre d’actualité des Procédures collectives civiles et commerciales

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procédure collective. La débitrice a invoqué la nullité et l’inopposabilité de ce protocole, ce qui a conduit la Cour d’appel, statuant en matière de vérification de créances, à considérer que la contestation ne relève pas de ses pouvoirs juridictionnels. Cette dernière a invité le créancier à saisir le juge compétent. Faute d’y avoir procédé, la banque a vu sa créance rejetée. Dans cet arrêt, la Cour de cassation entend laisser une latitude importante aux juges du fond dans le choix de la partie invitée à saisir le bon juge. Mais la partie qui refuse de s’y soumettre, risque de voir la créance rejetée ou admise selon les cas, sans pouvoir se plaindre d’un excès de pouvoir. Les auteurs819 ont souligné que c’est à la partie qui a un intérêt à voir la contestation tranchée, de saisir le juge compétent. Cet arrêt a été confirmé par la suite par plusieurs arrêts du 2 novembre 2016820.

SECTION II. Les voies de recours à l’encontre des décisions rendues par le