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Le pouvoir de substitution du tribunal en raison de la carence du juge- juge-commissaire

SECTION I. Les liens nécessaires entre droit des procédures collectives et tribunal de commerce

B. Le pouvoir de substitution du tribunal en raison de la carence du juge- juge-commissaire

44. La faculté de substitution du tribunal de la procédure. Sous la loi de 1967, l’article

25 du code de commerce a permis au requérant de saisir le tribunal si le juge-commissaire antérieurement saisi n’a pas statué201. Cette mesure était destinée à accélérer le déroulement de la procédure et ne pouvait être analysée comme un recours juridictionnel devant le tribunal, car ici le juge-commissaire n’a pas encore statué. Sous l’emprise du décret du 27 décembre 1985, l’article 25 alinéa 2 modifié a permis au tribunal de se saisir d’office202 ou d’être saisi à la demande d’une partie si le juge-commissaire n’a pas statué dans un délai raisonnable. Cette mesure s’est inspirée d’une sorte de recours hiérarchique destiné à sanctionner la carence du juge-commissaire. Ledit article modifié a introduit une faculté de substitution du tribunal pour accélérer le déroulement de la procédure. Il est paradoxal de reconnaître au juge-commissaire une compétence exclusive tout en admettant la faculté de substitution du tribunal de la procédure. C’est pour cela qu’il convient de considérer que le tribunal a disposé d’une compétence concurrente à celle du juge-commissaire. Mais la saisine s’est avérée originale, n’étant que subsidiaire et ne pouvant intervenir que si le juge-commissaire n’a pas statué dans le délai raisonnable. Cette faculté a été abrogée par le décret n°2005-1677 du 28 décembre 2005.

Désormais, la compétence du tribunal et celle du juge-commissaire fonctionnent comme des vases communiquant. L’un ou l’autre sera compétent. Celle du juge-commissaire est vaste. Lorsque la loi attribue cette compétence au tribunal, elle le dit précisément. En principe, celui-ci a compétence pour deux catégories de décision : à savoir, les décisions dites étapes de la procédure collective telles que la décision d’ouverture, de maintien de la période d’observation, de son renouvellement, de sa conversion en une autre procédure et enfin de clôture ; mais aussi pour les décisions les plus importantes telles que l’arrêté d’un plan de redressement, de cession, les sanctions, la fixation et report de la date de cessation des paiements et la nullité de certains actes.

201 Dans cette hypothèse, le tribunal devant lequel la demande en revendication avait été réitérée mais hors délai, après avoir adressée au juge-commissaire dans le délai, devait statuer au fond sans pouvoir la déclarer irrecevable : Cass. com, 28 juin 1990, Bull. civ. IV, n°196, p. 134 ; D. 1992, somm. comm. 6, obs. Derrida.

202 Il convient de préciser que cette faculté de saisine d’office du tribunal ayant été jugée inconstitutionnelle depuis une décision du 4 mai 2012 (Cons. constit, décision n°2012-241 QPC précitée).

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Dans le cadre d’une substitution, l’article R.621-21 du code de commerce prévoit que le tribunal peut statuer si le juge-commissaire ne l’a pas fait dans un délai raisonnable. Cette disposition pose de nombreuses difficultés dans le cas où une voie de recours contre ladite décision serait

normalement portée devant ce même tribunal203. L’article L.621-9 alinéa 3 du code de commerce

précise qu’en sauvegarde ou en redressement judiciaire, le juge-commissaire empêché peut être remplacé par le président du tribunal. Même si, dans ce cas, le président signera seulement une ordonnance de remplacement dudit juge-commissaire, cette décision est une mesure d’administration non susceptible de recours204, mais surtout elle est définitive.

§ 2. La position du juge-commissaire au sein du tribunal de la procédure

45. Si la doctrine et la jurisprudence reconnaissent au juge-commissaire une compétence

propre, sa qualification de juridiction distincte reste toutefois discutée et ce, d’autant que le législateur ne s’est jamais prononcé sur la qualification du juge-commissaire en tant que juridiction. Même si la reconnaissance d’un pouvoir juridictionnel propre ne confère pas nécessairement le caractère de juridiction, il convient de se demander si tout juge auquel le législateur a réservé la connaissance de litiges particuliers, peut devenir une juridiction autonome. Rattachée à la qualité de juridiction, la compétence ne rend pas compte de toutes les hypothèses de répartition du travail judiciaire. La répartition se rattache à la qualification de juridiction mais aussi au pouvoir juridictionnel de prendre un acte (A). Sans perdre de son intérêt, la dualité de rattachement de la compétence a une incidence sur le régime de la sanction des dépassements d’attributions du juge-commissaire (B).

A. Le juge-commissaire : un juge dépendant du tribunal de la procédure 46. Le manque d’autonomie du juge-commissaire au sein du tribunal de la procédure. Les juridictions spécialisées ne constituent des juridictions que si la dévolution légale

des affaires leur confère un pouvoir juridictionnel propre, distinct de celui de la juridiction à laquelle elles appartiennent205. La doctrine a admis que l’attribution des litiges emporte la reconnaissance d’un pouvoir juridictionnel propre. Pour Héron, les juges d’une juridiction qui ont reçu compétence pour certaines affaires ont un pouvoir juridictionnel propre et de fait, deviennent d’une certaine

203 Cette disposition ne s’applique pas à la vérification des créances : Cass. com, 19 mars 2002, n°00-11219.

204 Article 537 du code de procédure civile.

205 La répartition des affaires entre les formations d’une juridiction qui n’ont pas reçu un pouvoir juridictionnel propre pour connaitre de certaines affaires est une question de procédure qui n’est pas toujours sanctionnée : SOLUS (H.) et PERROT (R.), op. cit, t. II, n°3, p. 6 et 7.

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façon, « des juridictions distinctes du tribunal auquel ils appartiennent »206. Une répartition similaire a été mise en place au sein du bloc de compétence en matière de faillite. Le juge-commissaire n’est pas compétent sur toutes les affaires qui relèvent de la compétence du tribunal de la procédure, mais il est investi d’un pouvoir juridictionnel propre qui présente les caractères d’une juridiction distincte du tribunal207, à l’instar du juge aux affaires familiales. Cependant, si une partie de la doctrine lui a attribué une compétence propre, elle n’est pas allée jusqu’à lui attribuer la qualification de juridiction. Pour d’autres auteurs208, le juge-commissaire est effectivement une juridiction autonome alors que certains estiment qu’il n’est qu’une émanation du tribunal209. Cette division s’explique par la faculté du tribunal de se substituer au juge-commissaire et tient au fait que celui-ci est souvent comparé au juge de la mise en état210, pour qui la qualification de juridiction reste discutée.

Cependant, la compétence du juge-commissaire pour statuer sur une demande d’admission ou de rejet de créance déclarée au passif d’une personne physique ou morale faisant l’objet d’une procédure collective, a été modifiée par l’ordonnance du 12 mars 2014. L’article L.624-2 du code

de commerce211 a subordonné sa compétence à l’absence de contestation sérieuse. Si la demande

d’admission se heurte à une contestation susceptible d’exercer une influence sur l’existence ou le montant de la créance, le juge-commissaire doit renvoyer son examen devant le juge dit « du fond », en d’autres termes celui qui est compétent pour statuer sur le litige résultant à la fois de la demande d’admission et de la contestation de cette demande. Ce principe a été rappelé par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendu le 15 novembre 2017212, qui a reproché à une Cour d’appel de s’être reconnue compétente pour statuer sur une demande d’admission sans rechercher si les contestations soulevées sont dépourvues de sérieux et ne sont pas susceptibles

206 HÉRON (J.), op. cit, n°803, p. 591. L’auteur précise que ces juridictions ne sont pas complétement différentes de la juridiction à laquelle elles sont rattachées (note 1, p. 591).

207 Le juge-commissaire est selon M. Jeantin, investi d’une délégation légale de compétence du tribunal (JEANTIN (M.), op. cit, n°972, p. 592).

208 Cass. com, 8 décembre 1987, n°86-11525 : D. 1988, 54, n°4, note Derrida. La qualification de juridiction autonome est implicitement reconnue par les auteurs qui qualifient d’appel le recours contre les ordonnances du juge-commissaire (CADIET (L.) Droit judiciaire privé, n°245, p. 133 – M. JEANTIN, op. cit, n°972, p. 592).

209 CHAPUT (Y.), Droit du redressement et de la liquidation judiciaires des entreprises, PUF, 2e éd. 1990, n°78, p. 81 – CAUSSE (H.), « Redressement et liquidation judiciaires – organe, juge-commissaire », J.-Cl. Com, Fasc. 2220, n°42. La qualification d’émanation du tribunal est implicitement retenue par les auteurs qui considèrent que le recours est soit une opposition car il est porté devant le tribunal auquel appartient le juge-commissaire (SAINT-ALARY-HOUIN (C.),

op. cit, n°412, p. 225), soit un « recours horizontal à l’intérieur d’une même juridiction » (PERROT (R.), RTD Civ. 1993,

p. 654, n°14).

210 CAUSSE (H.), « Redressement et liquidation judiciaires – organe, juge-commissaire », op. cit, n°42.

211 Article L.624-2 du code de commerce : « Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission ».

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d’exercer une influence de l’existence de la créance. Par cette disposition, il est désormais clair que le juge-commissaire n’est pas une juridiction autonome vis-à-vis du tribunal de la procédure.

B. L’importance du défaut d’autonomie du juge-commissaire sur les