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SECTION II. L’adaptation des principes directeurs du procès à l’instance du juge- juge-commissaire

C. Le principe de la publicité des décisions

141. La publicité. La publicité « désigne l’ensemble des moyens destinés à permettre d’informer le

public de l’existence, du déroulement, de l’issue d’une instance juridictionnelle »553. Cette exigence permet le contrôle de l’activité des juges et fournit une garantie au justiciable contre l’arbitraire du juge. Plus largement, c’est aussi « le caractère de ce qui est public » et renvoie à la relation de la justice avec le public. Avant même que le principe de la publicité ne soit affirmé par la Révolution française, il existait dès l’Antiquité de manière sous-jacente, le procès constituant un spectacle. La règle était le secret, imposée par l’ordonnance de Blois de 1498 : « Ledit procès se fera le plus diligemment et secrètement

que pourra se faire, (…) en manière qu’aucun n’en soit averti, pour éviter les subordinations et forgeries qui

549 Sur les liens entre le principe du contradictoire et la loyauté processuelle : BOURSIER (M.-E.), Le principe

de loyauté en droit processuel, Thèse, préface de S. Guinchard, Université Paris II, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque des

Thèses, volume 23 – Si la publicité de la justice ne fait pas obstacle à ce que des actes de la procédure, comme des conclusions ou les pièces des parties, cette diffusion en l’état actuel des usages judiciaires, pourrait bien apparaître comme manquant à la loyauté devant gouverner les relations entre les parties à l’instance.

550 FOYER (J.) et CORNU (G.), Procédure civile, PUF, Thémis, 3e éd., 1996, spéc. n°102, p. 470.

551 FOYER (J.) et CORNU (G.), Procédure civile, op. cit, spéc. n°100, p. 457.

552 V. par ex. Cass. civ. 2e, 7 juillet 2005, n°02-21169 ; Cass. civ. 2e, 6 octobre 2005, n°04-11914 ; Cass. civ. 2e, 11 janvier 2006, D. 2006, IR, 252.

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pourraient se faire en telles matières, en la présence du (seul) greffier ou de son commis », secret maintenu et

renforcé par l’ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539, puis par celle du 26 août 1670. Le secret était absolu puisqu’il était imposé même à l’accusé. L’ordonnance de 1667 a permis les premières formes de publicité dans les procès. Le secret a été justifié par le souci de protéger la présomption d’innocence, de garantir la rédemption du coupable et de protéger les témoins. Il a fallu éviter en matière pénale de faire une mauvaise publicité aux comportements déviants, au risque de les inciter. Le changement a été radical lorsque le secret du délibéré a été aboli et les juges obligés d’« opiner à haute voix et en public » suivant la loi du 26 juin 1793. Cette fois-ci, la « publicité est réclamée dans

l’intérêt général ; la confiance que doit avoir tout le monde qu’un accusé ne subira aucune espèce de vexation ou d’oppression, ne repose que sur la publicité de l’information préparatoire »554. En ce sens, elle a répondu à la crainte d’un « gouvernement des juges » en permettant d’assurer le respect par le juge de la loi. Le juge doit ainsi convaincre de la justesse de sa décision. C’est pour cela que le principe de la publicité des décisions se retrouve dans de nombreux textes tels que l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme ou encore aux articles 22 et 451 du code de procédure civile.

142. Réalisation et limites de la publicité. La publicité implique de manière très générale

l’accès du public à l’audience, signifiant que toute personne peut y assister et non seulement, des personnes accréditées ou des organes de la procédure. Cependant, l’audience devant le juge-commissaire est privée. Le législateur a dû trouver un moyen pour respecter le principe de publicité. C’est ainsi qu’il a été admis que la publicité soit assurée par un autre moyen et notamment par le fait de mettre à disposition au greffe le jugement conformément à l’article 450 du code de procédure civile. La possibilité pour le public de prendre connaissance de la décision suffit à respecter le principe de publicité555. Des limites sont prévues par les textes qui consacrent ce principe, celui-ci devant céder la place à d’autres impératifs jugés supérieurs. Partant, la matière gracieuse est exclue du domaine de la publicité556, l’absence de contentieux rendant cette protection superflue. La relativité du principe est évidente lorsque les dérogations sont permises par l’accord des parties conformément à l’article 435 du code de procédure civile, le contrôle opéré par le juge étant

554 Cité par AUBY (J.-M.), « Le principe de la publicité de la justice et le droit public », in Travaux du VIe

Colloque des Instituts judiciaires, Annales de la faculté de droit et des sciences économiques de Toulouse, t. XVI fasc. 1, 1968, spéc. p.

3.

555 CEDH, 8 décembre 1993, Pretto c/ Italie, Série A n°71. Mais il faut que l’accès libre de chacun à la décision soit organisé : CEDH, 24 novembre 1997, Szucs et Werner c/ Autriche, JCP 1998, I, 107, n°35, obs. Sudre.

556 VILLACÈQUE (J.), « A propos du décret du 28 décembre 2005 réformant la procédure civile : perspectives et regrets, » D. 2006, p. 539 s.

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considéré comme suffisant. En France, le secret du délibéré est un principe général du droit557. Sa principale raison d’être est de garantir l’indépendance des juges, ainsi protégés de toute pression extérieure.

557 KAYSER (P.), « Le principe de la publicité de la justice dans la procédure civile », in Mélanges Pierre Hébraud, 1981, p. 501 s.

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CONCLUSION DU CHAPITRE I

143. Même si, pendant longtemps, le procès civil français a été perçu comme étant « la

chose des parties » et que les rédacteurs du nouveau code de procédure civile ont relativisé par la suite une telle affirmation558, une conception plus libérale du procès a vu le jour.

Il est clairement établi en procédure civile que l’instance appartient aux parties, ayant seules l’initiative de saisir le juge-commissaire. Cependant, si l’article 2 du code de procédure civile a reconnu aux parties le droit de conduire l’instance, il a fait également peser sur elles un devoir d’accomplir les charges qui leur incombe, à savoir « d’accomplir les actes de procédure dans les formes et délais requis ». Or, dans la notion même d’instance, trois concepts se font face : un concept de temps, d’enjeu mais également d’instance au fond. Concernant le concept de temps, la notion revient avant tout à une procédure initiée avant le jugement d’ouverture559. S’agissant de l’enjeu de l’instance, elle revient nécessairement à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent et puis, suite à l’ouverture de la procédure collective, à la fixation de la créance au passif du débiteur560.

Par ailleurs, le principe du contradictoire constitue quant à lui le cœur des droits de la défense. Il est un principe naturel et essentiel que chacune des parties soit en mesure de discuter les prétentions, les arguments mais aussi les preuves de son adversaire. Le code de procédure civile a prévu une double exigence : chacun a le droit d’être entendu ou appelé à l’instance du juge-commissaire mais également chacun a le devoir de communiquer les pièces et conclusions durant ladite instance. Cette double dimension a fait du principe du contradictoire, selon l’expression de Vizioz, « la garantie nécessaire d’une élémentaire justice »561. Le juge-commissaire doit veiller à ce que ce droit soit garanti, à ce que ce devoir soit respecté, mais aussi à s’y soumettre.

Après avoir envisagé la procédure devant le juge-commissaire, il conviendra de prendre en considération les spécificités de l’issue de l’instance devant celui-ci (Chapitre II).

558 CORNU (G.), Rev. hist. fac. dr., repris in La codification, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 1996, p. 71.

559 Cass. com, 7 février 2012, n°11-15528 ; Cass. com, 19 juin 2012, n°11-18282 prises a contrario.

560 Par exemple, une instance en résolution d’un contrat n’est pas une instance en cours : Cass. com, 13 septembre 2017, n°16-12249. La Cour de cassation a par ailleurs précisé dans un arrêt rendu par sa 3e chambre civile le 18 septembre 2012, n°11-19571, qu’un pourvoi en cassation n’est pas une instance en cours, ni un référé, car la décision à intervenir n’aura pas autorité sur le fond de l’affaire. Cette décision a été confirmée par Cass. com, 29 septembre 2015, n°14-17513 et par Cass. com, 2 octobre 2012, n°11-21529.

561 VIZIOZ (H.), « Études de procédure civile », RTD civ. 1943, 57 ; rééd. Dalloz 2011, préface de S. Guinchard, p. 449.

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CHAPITRE II. L’ISSUE DE L’INSTANCE DEVANT LE