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L’application de la notion d’autorité de la chose jugée aux décisions du juge-commissaire

SECTION I. L’autorité de chose jugée accordée aux décisions rendues du juge- juge-commissaire

B. L’application de la notion d’autorité de la chose jugée aux décisions du juge-commissaire

157. L’application de la règle de la triple identité au contentieux spécifique du juge-commissaire. La déclaration de créance au passif du débiteur équivaut à une demande en justice

saisissant le juge-commissaire qui doit statuer sur toutes les créances déclarées624. L’admission de la créance au passif est une décision de justice dotée de l’autorité de la chose jugée625. La jurisprudence en a tiré des conséquences626, notamment en ce qui concerne le créancier privilégié qui a pu se voir opposer l’autorité de la chose jugée par « l’état des créances approuvé par le juge-commissaire qui précise la

nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est assortie et empêche la reconnaissance postérieure d’une garantie hypothécaire »627. Il en est de même pour la caution contre laquelle a été retenu que, faute de réclamation dans le délai légal, l’admission d’une créance au passif de la procédure collective a été décidée de façon irrévocable par le juge de la procédure collective et s’impose à toute personne

622 V. par ex : Cass. civ. 2e, 17 octobre 2013, n°12-26178 où en l’espèce un père a ouvert un compte bancaire au nom de chacun de ses trois enfants. Or ces derniers vont ester en justice d’annuler ces conventions d’ouverture de comptes et que la banque soit condamnée à leur restituer le capital placé. Les enfants ayant obtenu gain de cause, la banque a sollicité à son tour d’obtenir la restitution des intérêts versés au titre des trois ouvertures de comptes. La Cour de cassation a jugé que l'action en annulation des conventions de comptes n'avait pas le même objet que l'action en restitution des intérêts et que donc la vente n'était pas tenue de présenter sa demande lors de l'instance initiale.

Ou encore par ex : Cass. civ. 1ère, 4 décembre 2013, 12-25088 où deux personnes sont propriétaires en indivision d'un immeuble saisi par l'un des indivisaires, la justice a ordonné le partage en nature. Le notaire a convoqué les deux indivisaires pour procéder à ce partage en nature mais l'autre indivisaire ne se présente pas, le notaire dressera par conséquent un procès-verbal de carence. Celui qui a engagé le procès demande alors à la justice d'ordonner la vente de l'ensemble de l'immeuble en soutenant qu'il ne peut pas parvenir au partage en nature. La Cour de cassation décidera que la demande n’est pas recevable car le refus d'un des indivisaires d'exécuter le jugement devenu irrévocable, ne peut constituer un fait nouveau privant cette décision de l'autorité de la chose jugée.

623 Article 79 du code de procédure civile : « Lorsqu'il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d'une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes. Sa décision a autorité de chose jugée sur cette question de fond ».

624 Cass. com, 14 décembre 1993, n°93-11690 et n° 93-12543 ; Cass. Ass. Plén. 26 janvier 2001, Bull. 2001, Ass. Plén., n°1 ; Cass. com, 5 février 2002, Bull. n°26 ; Cass. com, 13 février 2007, Bull. n°37.

625 Cass. com, 8 janvier 2002, n°98-21745.

626 Cour de cassation, Avis de M. Bonnet, Avocat général, relatif à l’arrêt n°576 du 16 avril 2009, op. cit.

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intéressée628. Ainsi l’autorité de la chose jugée n’opère en théorie que dans la limite de ce qui a été vérifié et admis629, sous réserve des cas de fraude630.

Les nullités de la période suspecte sont aussi concernées et la chambre commerciale a décidé « que la nullité relative des actes faits par le débiteur depuis la cessation des paiements, telle que prévue par

l’article 107 de la loi du 25 janvier 1985, ne peut être prononcée qu’à l’initiative d’une des personnes visées à l’article 110 de ladite loi et qu’elle n’est pas susceptible de remettre en cause une décision d’admission de créance arrêtée par le juge-commissaire, dès lors que l’autorité de la chose jugée attachée à une telle décision, dont le caractère irrévocable n’est pas contesté, est générale »631.

158. Limites. Mais une action en nullité a été admise632 : « Attendu que le jugement n’a l’autorité

de la chose jugée que relativement à la contestation qu’il tranche ; que la décision de rejet de la créance ne rend pas irrecevable, comme contraire à l’autorité de la chose jugée, l’action en nullité de la cession de créances professionnelles faite par le débiteur au cours de la période suspecte ». La Cour a conclu « que la décision de rejet de la créance n’avait pas tranché dans son dispositif, qui seul a autorité de la chose jugée, la validité du paiement au moyen de la cession de créances professionnelles, effectué en période suspecte ». La décision d’admission d’une créance au

passif d’un débiteur n’a autorité de chose jugée qu’en ce qui concerne le montant de celle-ci au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective. Elle n’interdit en rien à la caution de se prévaloir d’encaissements intervenus postérieurement633. De plus, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rajouté dans un arrêt du 3 mai 2011634 que « la décision irrévocable d’admission d’une

créance au passif ayant autorité de chose jugée quant à la date de naissance de la créance déclarée…, son antériorité par rapport à la date d’ouverture de la procédure collective ne peut plus être contestée ». Cette autorité a été

accordée à la décision du juge-commissaire qui a statué sur une créance dont il n’avait pas à connaître dans le cadre de la procédure d’admission. Cette atteinte s’est doublée d’une contradiction lorsque la Cour de cassation a décidé qu’un créancier déjà admis a pu se voir refuser

628 Cass. com, 28 mai 2002, n°96-20679 : « Qu’ayant constaté que la créance du Crédit commercial de France avait été

définitivement admise au passif de la société Gorju, la cour d’appel en a exactement déduit que les consorts X..., sous-cautions, ne pouvaient opposer au Crédit commercial de France, faute d’exception qui leur soit personnelle, ni le défaut de déclaration de la créance principale, ni l’absence de relevé de forclusion du créancier, ni l’extinction de cette créance ».

629 Cass. com, 25 novembre 2008, n°07-14583 ; RTD Com 2010, p. 635, note Théron.

630 Par exemple : Cass. com, 8 juillet 2008, n°07-11004 ; JCP E 2008, 2493, n°3, obs. Simler.

631 Cass. com, 13 octobre 1998, n°96-10621.

632 Cass. com, 8 juin 1999, n°96-22071, Bull. n°123.

633 Cass. com, 1er mars 2005, n°03-19539.

634 Cass. Com, 3 mai 2011, n°10-18031 ; D. 2011, 2079, note Le Corre ; BJE septembre 2011, p. 233, n°134, obs. Pérochon.

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ensuite un relevé de forclusion635 ou encore que « aucun texte ne confère au juge-commissaire le pouvoir de

statuer sur une créance née régulièrement après l’ouverture de la procédure collective »636.

Enfin, l’admission de la créance n’autorise pas l’administrateur à payer le créancier chirographaire en violation de la règle de l’égalité des créanciers637. En déboutant le liquidateur de sa demande en répétition des sommes versées aux créanciers admis à titre chirographaire, la Cour d’appel a violé le principe de l’égalité des créanciers chirographaires ainsi que les dispositions des articles 1376 et 1377 du Code civil, au motif que l’admission définitive d’une créance, même lorsqu’elle n’est pas assortie de sûreté, exclut tout caractère indu du paiement par l’administrateur.

Enfin dans un arrêt du 12 juillet 2016638, la chambre commerciale de la Cour de cassation a donné une solution intéressante bien qu’inédite. En l’espèce, des époux avaient maintenu en indivision un immeuble d’habitation dépendant de la communauté, dans le cadre de leur convention de divorce. Suite à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire au profit d’un des deux époux, le juge-commissaire avait ordonné la cession de gré à gré de la part indivise dudit immeuble à l’autre époux. Or, celui-ci avait invoqué la compensation du prix de rachat de la part d’indivision avec d’autres sommes non réglées par l’époux mis en liquidation judiciaire. Logiquement le liquidateur avait tenté de s’opposer à une telle compensation. La chambre commerciale a rappelé que certaines des créances non réglées représentaient des créances alimentaires telles qu’une prestation compensatoire et une pension alimentaire, et ne pouvaient donc pas être concernées par l’interdiction des paiements, ni par l’interdiction de la compensation. Également elle a refusé que le liquidateur puisse obtenir la licitation du bien indivis car l’ordonnance du juge-commissaire ordonnant la cession de gré à gré était passée en force de chose jugée et s’était imposée au liquidateur, avant même la passation des actes de cession.

635 Cass. Com, 31 mai 2011, n°10-15721 ; Actualités des procédures collectives 2011-12, n°182, obs. Vallansan : la décision d’admission n’a « autorité de la chose jugée qu’en ce qui concerne le montant de celle-ci », ce qui contredit l’arrêt du 3 mai 2011 précité qui étend l’autorité à la date de la naissance.

636 Cass. civ. 2e, 16 septembre 2010, n°09-16182.

637 Cass. com, 11 février 2004, n°02-17520, Bull. n°27 ; GP 22 juillet 2004, p. 13, obs. Brenner.

638 Cass. com, 12 juillet 2016, n°13-19782 et n°15-24252 ; GP 18 octobre 2016, n°36, p. 67, note Antonini-Cochin ; BJE 1er novembre 2016, n°6, p. 411, obs. Benilsi.

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SECTION II. La neutralisation légale de l’exécution provisoire de plein droit des décisions