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SECTION I. L’organisation de l’instance devant le juge-commissaire

B. La partie « nécessaire »

118. La notion de partie « nécessaire » a dans un premier temps été développé en procédure

civile (1), avant que celle-ci ne soit adapté au droit des entreprises en difficulté (2).

470 Cass. com, 6 mars 2001, Bull. civ. IV, n°50 ; JCP G 2001, I, 360, n°12, obs. Cabrillac et Pétel ; RTD Com 2001, p. 524, obs. Vallens : la Cour de cassation en déduit l’absence de nécessité d’établir, à ce stade, la preuve de l’existence d’une délégation de pouvoir.

471 Cass. com, 14 décembre 1993, JCP G 1994, II, 22200, rapp. Réméry ; JCP E 1994, II, 573, note Campana et Calendini – Cass. com, 14 février 1995, Bull. civ. IV, n°43.

472 GHOZI (A.), « Nature juridique de la production des créances dans les procédures de règlement du passif », RTD Com 1978, p. 1. En ce sens également, v. SOINNE (B.), « La double nature de la déclaration de créance »,

Banque Mars-Avril 1993, p. 94, n°3.

473 Cass. com, 22 mars 1988, D. 1988, n°5, p. 376, note Derrida et Julien - Cette jurisprudence a été confirmée par la suite, par exemple : Cass. com, 8 novembre 1988, op. cit – Cass. com, 2 avril 1996, op. cit – CA Riom, 11 octobre 1996, op. cit.

474 VINCENT (J.) et GUINCHARD (S.), Procédure civile, Dalloz, 26e édition, 2001, n°484 c).

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1. Le concept de « partie nécessaire » en procédure civile

119. Notion de partie nécessaire en procédure civile. La finalité du procès civil est de

mettre un terme à une contestation soulevée476. La contestation constituant la matière soumise à la juridiction, il faut en déduire que les parties seront les parties à la contestation. Mais de nombreuses situations ne répondent pas à ce schéma, même s’il n’existe pas d’instance sans contestation. Le meilleur exemple d’une « partie nécessaire » imposée par la loi est fourni par la situation du ministère public. Celui-ci ne fait jamais valoir de prétention personnelle, assurant la défense de l’intérêt général à l’occasion des faits portant atteinte à l’ordre public. Il est alors une partie « nécessaire » à l’instance car même si la décision de poursuivre repose sur un acte de volonté tel que le principe de l’opportunité des poursuites, l’instance ne peut jamais avoir lieu sans qu’il soit présent. Ce cas est généralisé en matière pénale par exemple, en application des dispositions de l’article 1er du code de procédure pénale477, qui fait du ministère public « la partie principale au procès pénal ». Il peut être reproché de partir des prérogatives reconnues aux parties pour déterminer la notion même de « partie ». Le raisonnement confond causes et effets478 et conduit au risque de prolifération des parties nécessaires479, puisqu’il lui faut reconnaître cette qualité et les conséquences qui en découlent à chaque fois qu’est conféré à un sujet de droit une prérogative de partie.

2. Une notion de « partie nécessaire » propre aux procédures collectives

120. Une notion adaptée aux procédures collectives. La notion de partie « nécessaire »

ou « obligée » est apparue spécialement en droit des procédures collectives480, suivant un arrêt de 1966481 dans le cadre où des personnes étaient nécessairement intéressées par le sort de l’entreprise, sans que celles-ci n’aient de prétention. Puis, la question a été posée de savoir si on pouvait l’étendre à d’autres personnes telles que celles proposant une offre de cession. Pour pallier cette difficulté,

476 La notion de contestation est ici entendue comme dépassant le litige et englobant toute hypothèse dans laquelle il y a dénonciation d’une source de déséquilibre dans la répartition de ce qui est dû à chacun – En ce sens, THÉRON (J.), L’intervention du juge dans les transmissions de biens, op. cit.

477 « L’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires

auxquels elle est confiée par la loi (alinéa 1) ».

478 En ce sens, STAES (O.), op. cit, n°292 – CADIET (L.), « Sur l’appel nullité dans les procédures collectives »,

RPC 1988, p. 17, n°11.

479 STAES (O.), op. cit, n°292 et suivants.

480 CAGNOLI (P.), Essai d’analyse processuelle du droit des entreprises en difficulté, Thèse, Bibliothèque de droit privé, tome 368, LGDJ, 2002, n° 204 s.

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la doctrine a défini comme « parties » toutes personnes liées par le déséquilibre. Cela correspond à la définition de « partie nécessaire » donnée par M. P. Cagnoli : toute personne qui va « subir ou

profiter directement du jugement », mais aussi à la réflexion soutenue par le doyen Houin de « participation obligatoire »482. C’est parce qu’elles sont parties au déséquilibre tranché par le tribunal ou par le juge-commissaire, que ces personnes vont bénéficier ou subir ses effets. Les parties nécessaires sont des personnes dont les intérêts sont nécessairement affectés par le jugement statuant sur le sort de l’entreprise. La partie nécessaire a trouvé dans cette obligation sa légitimité procédurale483. À titre d’exemple, il en va ainsi des repreneurs dans le cadre du plan de cession484, ou encore des auteurs d’offres d’acquisition dans le cadre de cession isolée des biens du débiteur485. Aucun d’eux n’est partie à la contestation avant la saisine de la juridiction. Ils ne doivent pas pâtir des difficultés de l’entreprise. Les offres qu’ils expriment ne sont que des solutions proposées au tribunal ou au juge-commissaire pour essayer de mettre un terme au déséquilibre provoqué par les difficultés de l’entreprise. La qualité de partie n’est pas toujours le résultat d’une initiative.

121. En jurisprudence. Dans un arrêt du 22 mars 1988486, la Cour de cassation a ainsi dénié la qualité de partie aux candidats repreneurs au motif qu’« avant de se prononcer sur le plan de

redressement de l’entreprise, le tribunal n’est pas tenu de procéder à leur audition ». A contrario l’obligation légale

d’entendre une personne constitue le critère de qualification de partie nécessaire. Cet arrêt n’a fait que généraliser la solution adoptée à propos du débiteur injustement tenu à l’écart, prescrivant que chaque fois que le législateur prescrit l’audition d’une personne, celle-ci est partie à l’instance. Mais ce critère d’audition obligatoire a été réfuté car la consultation obligatoire n’est pas un attribut des parties mais bel et bien une mesure d’instruction permettant au juge de parfaire sa conviction en sollicitant l’avis de tiers. La Cour de cassation retient désormais cette solution en ne faisant plus référence à l’absence de convocation obligatoire. Et un créancier ou un groupe de créanciers représentant au moins 15 % des créances déclarées, peut être entendu préalablement à l’adoption d’un plan de continuation, sans que cette audition ne leur confère la qualité de partie au jugement

482 CAGNOLI (P.), Essai d’analyse processuelle du droit des entreprises en difficulté, préface de T. Le Bars, op. cit, n°210.

483 STAES (O.), Procédures collectives et Droit Judiciaire Privé, op. cit, p. 278, n°282.

484 Ce qui explique qu’ils n’aient pas la faculté d’exercer des voies de recours contre le jugement ne retenant pas leur offre (article L.661-6 III du code de commerce). Seul le cessionnaire choisi peut faire appel du jugement qui met à sa charge des obligations qui n’étaient pas contenues dans son offre. Mais il ne faut pas en déduire qu’il acquiert pour autant la qualité de partie. S’il peut agit contre ce jugement, c’est parce qu’il lui fait grief. En somme ce recours répond plus à la philosophie de la tierce opposition qu’à celle de l’appel à proprement parler. Par exemple v. Cass. com, 3 décembre 2003, n°00-20298, D. 2004, 141.

485 Cass. com, 31 mai 2011, n°10-17774, D. 2011, 1613 ; GP 8 octobre 2011, n°281, p. 28, obs. Théron.

486 Cass. com, 22 mars 1988, D. 1988, juris. p. 375, note Derrida et Julien ; RPC 1989, p. 40, n°3, obs. Cadiet ;

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de continuation487. La Cour de cassation refuse de faire de l’audition obligatoire prévue par un texte, un critère de la partie nécessaire. Cette même solution se retrouve pour le droit de former appel488, entraînant la censure de la Haute Cour489.

122. Afin d’apporter un peu de clarté, la doctrine490 a proposé un concept de « partie » qui serait propre au droit des procédures collectives, en distinguant les instances ayant pour objet le traitement de l’entreprise de celles qui mettent en jeu les droits subjectifs des particuliers. Est une « partie », celui dont l’intérêt particulier est associé à l’intérêt de l’entreprise, le traitement de l’entreprise impliquant la participation des personnes qui sont les composants même de la notion d’entreprise. Cette appréhension nouvelle permet de visualiser les intérêts en présence. Par conséquent, sont « parties nécessaires » les personnes qui agissent pour la réalisation de la sauvegarde de l’entreprise. Par exemple, l’administrateur ou le mandataire judiciaire qui propose une solution qu’il estime être la plus appropriée à la défaillance de l’entreprise, doit être considéré comme une partie nécessaire. La partie nécessaire est celle qui contribue le plus utilement au traitement de l’entreprise, soit parce que ses intérêts sont liés à ceux de l’entreprise, soit parce que la loi lui en donne la mission491. Leur participation est jugée indispensable au redressement de l’entreprise. La notion de « partie » pose encore des difficultés dans tous les cas où une personne a qualité pour agir dans l’intérêt d’autrui. La difficulté en procédures collectives vient de ce que les décisions prises concernent des intérêts divergents, à des degrés variables. Cette analyse semble être partagée par la Cour de cassation492.

487 Cass. com, 23 juin 1998, Bull. civ. IV, n°207.

488 DERRIDA (F.), art. préc. n°9.

489 Cass. com, 19 octobre 1993, Bull. civ. IV, n°345 ; RPC 1994, p. 150, n°8, obs. Lienhard ; D. 1994, somm. comm. p. 46, obs. Derrida. Dans cette espèce, le comité d’entreprise d’une société mise en liquidation judiciaire avait formé tierce opposition au jugement de liquidation. Le droit de former cette voie de recours lui fut dénié, en instance d’appel, par les magistrats du second degré. Ils se sont fondés sur le droit de former appel d’un tel jugement (article 171, 3° de la loi du 25 janvier 1985 devenu l’article L 623-1, I, 3°). Pour rejeter le pourvoi, la Cour de cassation a procédé à une substitution de motifs : elle s’est contentée de rappeler que l’exercice d’une voie de recours à la place de celle prévue par la loi devait être sanctionnée par une fin de non-recevoir. La substitution des motifs est une technique permettant d’éviter la cassation d’une décision dont le dispositif est correct (PRIEUR (E.), La substitution des motifs, Thèse, Caen, Économica, 1986). Il n’en est pas moins une condamnation de la motivation de la décision des juges du fond (BORÉ (J.), « La cassation en matière civile », D. 1997, n°2500 – PERDRIAU (A.), La pratique des arrêts civils de la

Cour de cassation, principes et méthodes de rédaction, Litec, 1993, n°998 et suivants – JOBARD-BACHELIER (M.-N.) et

BACHELIER (X.), La technique de cassation, Dalloz, 3e édition, 1994, p. 29 – PRIEUR (E.), op. cit, n°12 et suivants. Selon ce dernier auteur, cette technique est parfois utilisée pour remplacer une motivation dont la validité est seulement douteuse aux yeux de la Cour de cassation (n°29 et suivants).

490 MÉLÉDO-BRIAND (D.), Nature du droit des entreprises en difficulté et systèmes de droit, Thèse, Rennes, 1992, n°456 et 460.

491 STAES (O.), op. cit, p. 292, n°300- Sont ainsi concernés ceux dont l’intérêt est associé à celui de l’entreprise ou « ceux à qui la loi donne mission d’agir pour la réalisation de l’intérêt objectif », tels les organes de la procédure.

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§3. Les particularités d’instance existantes devant le juge-commissaire

123. Certaines spécificités entraînent une technicité importante de l’instance devant le

juge-commissaire. Il a pu être relevé le traitement des instances en cours et la reprise desdits instances après déclaration de créance aux seules fins de fixation de créance (A) mais aussi les modalités procédurales de la reprise d’instance et de la péremption de l’instance non reprise (B).

A. Le traitement des instances en cours et la reprise des instances après