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Le contenu et l’utilité du rapport délivré par le juge-commissaire au tribunal

SECTION I. L’intervention du juge-commissaire dans la procédure collective

B. Le rapport, moyen de contribution du juge-commissaire au devoir d’information du tribunal

1. Le contenu et l’utilité du rapport délivré par le juge-commissaire au tribunal

227. Contenu et utilité. Si le juge-commissaire doit être informé, il doit aussi informer afin

d’éclairer le tribunal sur la décision à prendre909. Sa contribution à l’information du tribunal se matérialise par un rapport qui est avant toute chose, une pièce fondamentale de la procédure collective. Le rapport du juge-commissaire constitue une formalité substantielle de la procédure, impérative910 à la fois pour le juge-commissaire et pour le tribunal qui doit en constater l’accomplissement. S’agissant de son contenu, le rapport peut être sommaire jusqu’à prendre la forme d’un avis favorable à la requête d’un mandataire ou d’un tiers911. Ce rapport, même exprimé sous la forme d’un avis912, doit être circonstancié et engager véritablement le juge-commissaire. Même si aucune disposition particulière n’indique le moment où le rapport doit être présenté au tribunal, il peut être présenté en cours de délibéré913. Mais une telle mesure expose alors la décision rendue par le tribunal à la critique, dans la mesure où elle méconnait le principe du contradictoire. Il convient de veiller à ce que la formalité du rapport soit incontestable. La preuve de cette formalité peut résulter du jugement lui-même, d’une pièce de procédure ou du plumitif d’audience. La loi

908 Cass. com, 13 décembre 2017, n°16-15962, op. cit.

909 Article R.662-12, alinéa 1er du code de commerce : « Le tribunal statue sur rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8 ».

910 Le terme « obligatoirement » figurait à l’article 452 du code de commerce dans sa rédaction issue du décret du 20 mai 1955.

911 CA Colmar, 11 septembre 1991, n°2488/90 ; RPC 1993, p. 53 ; D. 1992, somm. com. p. 8, obs. Derrida.

912 L’avis du juge-commissaire équivaut à un rapport, v. en ce sens CA Angers 29 octobre 1996, RPC. 1998, p. 61, n°3, obs. Dureuil.

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souligne le caractère impératif de cette formalité qui sera évoquée ci-après. Ce rapport est donc une formalité substantielle, la note d’audience et le jugement devant le mentionner914. Dans différents cas d’espèces, le rapport du juge-commissaire revêt toute son importance. A titre d’exemple, en cas de prorogation de la période d’observation, le tribunal statuera au vu du rapport du juge-commissaire915, celui-ci donnant ainsi son avis sur ladite prorogation en fonction des résultats de l’entreprise sur la période écoulée et des éléments d’appréciation fournis par l’administrateur judiciaire. Il peut aussi être envisagé le remplacement des mandataires de justice par le tribunal et ce, quel que soit le motif (carence, lien d’intérêt ou surcharge). Le juge-commissaire est amené à prendre position dans un délai raisonnable916, tout en laissant le soin au tribunal de trancher. Ce dernier statuera « sur rapport du juge-commissaire » 917. En matière de sanctions exercées, celles-ci peuvent être prononcées à l’encontre de dirigeants d’entreprise ayant commis de réelles fautes de gestion. Dans cette hypothèse, le tribunal statue une fois encore sur rapport du juge-commissaire, compte tenu des informations que ce dernier a pu obtenir918. Si le tribunal l’estime nécessaire, celui-ci peut sollicelui-citer qu’une enquête supplémentaire sur la situation patrimoniale des dirigeants concernés soit effectuée par le juge-commissaire919. Cette mesure d’investigation permet de renseigner la juridiction sur l’opportunité de l’action engagée, les sanctions patrimoniales n’ayant d’intérêt que si le gage commun des créanciers s’en trouve augmenté. Dans cette hypothèse, le rapport prévu par l’article L.651-5 du code de commerce doit contenir les informations fournies par cette enquête. Mais ce rapport n’est obligatoire que si le tribunal a ordonné une enquête préalable avant de statuer sur les sanctions. À défaut, le dirigeant condamné ne peut critiquer la régularité de la procédure920.

En matière de clôture, le tribunal ou selon le cas, le président, clôture la procédure au vu de l’approbation donnée par le juge-commissaire sur les comptes rendus de fin de mission déposés par les mandataires de justice921 ou en cas de liquidation judiciaire922. En cas de liquidation judiciaire d’une personne morale, cette formalité est d’autant plus nécessaire que la cession totale de l’entreprise et la liquidation judiciaire mettent fin, au même titre qu’une dissolution anticipée, à l’existence de la société débitrice.

914 CA Aix-en-Provence, 6 mars 2014, n°10/12732 ; JCP E 2014, p. 1, n°1334, note Delattre.

915 Selon les dispositions de l’article L 621-9 du code de commerce.

916 Article R.621-21 du code de commerce.

917 Articles R.621-17 et R.641-12 du code de commerce - CA Paris, 3e ch., sect. B, 17 janvier 1991, n°90/3234 ;

D. 1992, somm. com., p. 7, obs. Derrida.

918 Articles R.651-5 et R.653-2 du code de commerce.

919 Conformément aux dispositions de l’article L.651-4 du code de commerce.

920 Cass. com, 24 septembre 2003, n°01-00477.

921 Conformément aux dispositions des articles R.626-39 et R.626-42 du Code de commerce.

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En fin de compte, et sans faire d’amalgame avec le juge d’instruction923, il est nécessaire que le juge-commissaire donne au sein de ce rapport un avis motivé au tribunal. Ce serait une sorte de « pré-jugement » de l’affaire924.

228. Mais cette formalité préalable et essentielle du rapport du juge-commissaire peut

cependant être écartée dans trois cas. Dans un premier temps, lorsque le tribunal statue sur un recours formé contre une décision du juge-commissaire, celui-ci ne peut siéger conformément aux dispositions des articles R.621-21 et R.621-22 du code de commerce. En ce cas, la nécessité d’un rapport du juge-commissaire est discutable, bien que la contestation soit née de la procédure, car il est vrai que l’ordonnance déférée au tribunal exprime suffisamment l’avis du juge-commissaire pour considérer comme superflue cette formalité, sauf à considérer que le juge-commissaire puisse changer d’avis au vu des éléments fournis par l’auteur du recours. Dans un second temps, si le tribunal statue aux lieu et place du juge-commissaire défaillant tel que prévu par l’article R.621-21 alinéa 2 du code de commerce, le rapport préalable de ce dernier est inutile. Le tribunal va statuer sur une contestation née de la procédure, mais dans le cadre des fonctions juridictionnelles du juge-commissaire et non sur une question relevant de sa compétence directe. Enfin, lorsque la Cour d’appel est saisie d’un appel contre une décision du tribunal de commerce, les textes en vigueur n’imposent pas d’entendre le juge-commissaire, le rapport de ce dernier faisant parti, en principe, de la procédure de première instance. Si la Cour d’appel annule un jugement pour un motif tenant à la régularité de la procédure tel que, par exemple, l’absence de rapport du juge-commissaire, la cour statue au fond en vertu de l’effet dévolutif du litige, sans être tenue de réparer cette irrégularité925. Mais l’omission du rapport n’est pas à elle seule un moyen de cassation. Ce moyen est sans intérêt, dans la mesure où la Cour d’appel, saisie par l’appel de l’entier litige, n’est pas elle-même tenue d’entendre le juge-commissaire926. Selon la jurisprudence, la partie qui a conclu à la nullité du jugement, en raison de l’absence du juge-commissaire, doit s’abstenir de conclure « au fond » devant la Cour d’appel. Si elle le fait, saisie de l’entier litige, elle statuera sur l’ensemble sans

923 VERDOT (R.), « La double fonction du juge-commissaire (…) », JCP G 1974, I, 2606, op. cit, spéc. n°9 ; GAMBIER (B.) et al, « Les nouveaux pouvoirs et les nouvelles missions des membres des juridictions après l’ordonnance du 12 mars 2014 », par M. Menjucq, RPC 2014/5, op. cit.

924 GHANDOUR (B.), Le traitement judiciaire des entreprises en difficulté, Thèse, D. Voinot (préf.), LGDJ, Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté, t. 14, 2018, n°196 ; LE CORRE (P.-M.), « Premiers regards sur l’ordonnance du 12 mars 2014 réformant le droit des entreprises en difficulté », D. 2014, p. 733.

925 Cass. com, 11 janvier 1994, n°91-21381 – Cass. com, 5 avril 1994, n°92-10060 – Cass. com, 14 juin 1994, n°92-19519.

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devoir entendre le juge-commissaire. Le moyen tiré de cette formalité non respectée devient alors sans intérêt et irrecevable927. Ne faut-il pas justement conclure « au fond » par précaution ?