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SECTION I. L’organisation de l’instance devant le juge-commissaire

A. Les modalités de saisine du juge-commissaire

SECTION I. L’organisation de l’instance devant le juge-commissaire

104. Le juge-commissaire fait l’objet d’une saisine spécifique (§1), intentée par une des

parties à l’instance (§2). De plus, des singularités existent dans le cadre d’instances particulières devant le juge-commissaire (§3).

§ 1. La saisine du juge-commissaire

105. Dans le cadre de l’introduction de l’instance, le code de procédure civile a prévu dans

son article 854 que le litige pourra être introduit de trois manières distinctes, à savoir : par le procédé classique de l’assignation, par requête conjointe ou encore par présentation volontaire devant le tribunal. Or, dans le cadre de la saisine du juge-commissaire, les modalités sont adaptées (A). De même l’intérêt à agir pose des questions particulières impliquant une appréciation particulière de l’intérêt à agir (B).

A. Les modalités de saisine du juge-commissaire

106. Définition et modes de saisine. La saisine est la conséquence de la demande. En

effet, la demande est par définition l’acte juridique par lequel une personne formule une prétention qu’elle soumet au juge420. Il existe en droit judiciaire privé, trois principes relatifs à la saisine. La saisine in personam signifie que le juge ne doit pas ignorer les personnes en cause et qu’il doit cependant ignorer les tiers. Le litige est alors individualisé, sa compréhension étant circonscrite aux parties. Le fondement de cette solution se retrouve dans les dispositions des articles 5 et 1355 du code civil421. Puis la saisine in rem signifie que la juridiction est tenue de statuer sur les faits dont elle est saisie mais uniquement sur ceux-ci. C’est l’interdiction de statuer « hors de cause ». Les choses dont le juge est saisi se décomposent en prétentions et allégations. Il ne doit statuer ni extra, ni ultra, ni infra petita. Enfin, dans la saisine in jure, c’est-à-dire en droit, le juge doit comprendre le cas d’un point de vue juridique.

420 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, (dir.) Assoc. H. Capitant, 11e éd., PUF, 2016, v° « Demande ».

421 Article 5 du code civil : « Il est défendu aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire ».

Article 1355 du code civil : « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».

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Dès lors, le code de procédure civile a maintenu cinq modes de saisine422 : requête simple et conjointe, assignation, déclaration, présentation volontaire des parties. Or, le juge-commissaire ne peut faire l’objet d’une saisine que par seulement deux d’entre eux : la saisine par requête (1) et la déclaration de créance (2).

1. La saisine du juge-commissaire par requête

107. Définition. L’article 58 du code de procédure civile définit la requête comme « l’acte

par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé ». En outre, l’article 1061-1 dudit code complète cette définition comme l’action intentée à l’initiative de « la partie la plus diligente ». Certaines dispositions du même code ont précisé qu’il s’agissait d’un acte à visée juridictionnelle423 alors que ce n’est en réalité qu’une simple demande ne saisissant pas encore la juridiction.

Les « requêtes unilatérales » prévoient quant à elles, une voie d’entrée dans les procédures dites d’injonction dans le but d’accélérer et de simplifier la procédure. Il est donc possible pour le débiteur de saisir unilatéralement le juge-commissaire. Il en est ainsi par exemple lorsqu’il souhaite obtenir la prorogation du délai d’inventaire des biens dans le cadre d’une procédure de sauvegarde suivant l’article R.622-4-1 du code de commerce424.

En fin de compte, cette saisine reste un acte unilatéral porté au greffe de la juridiction. L’acte est porté à la connaissance du juge et non de l’adversaire425, principale distinction avec l’assignation que l’on peut définir comme étant un acte d’huissier de justice par lequel le demandeur fait inviter son adversaire, le défendeur, à comparaître devant la juridiction appelée à trancher le litige qui les oppose.

2. La saisine du juge-commissaire par déclaration de créance 108. Historique. La déclaration de créance est l’héritière de la production au passif426. Dans le code de commerce de 1807, elle a désigné l’acte par lequel les créanciers antérieurs ont porté leur

422 Aux articles 56 à 58 du code de procédure civile.

423 Conformément aux articles 788, 791, 917 alinéa 1er et 918 du code de procédure civile.

424 Formule par ROLLAND (B.), « Requête au juge-commissaire tendant à obtenir la prorogation du délai d’inventaire des biens du débiteur en procédure de sauvegarde », Procédures n°3, Mars 2016, form. 3.

425 AMRANI-MEKKI (S.), JEULAND (E.), SERINET (Y.-M.) et CADIET (L.), « Le procès civil français à son point de déséquilibre ? », JCP G 2006, I, 146, n°3, note 15.

426 VALLANSAN (J.), « Quelques observations sur les créanciers antérieurs dans les procédures de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires », RPC Avril à Juin 2008, Études, n°14, p. 15 – ROUGER (C.), « La procédure de vérification des créances (les rôles respectifs du représentant des créanciers et du juge-commissaire et la

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créance à la connaissance de la procédure collective en remettant leur titre. Il s’agit d’une démarche sans grande importance juridique, relevant du droit de la preuve427. Les créances sont alors sommairement vérifiées par les créanciers eux-mêmes réunis en assemblée. Cette vérification n’a pas amené le juge à rendre une décision judiciaire et n’a pu conduire à l’extinction de droits substantiels. Le décret-loi de 1935 a apporté un changement en confiant au syndic la mission de vérification des créances, conduite avant l’intervention du juge-commissaire428. La loi du 13 juillet 1967 a obligé le créancier à déclarer dans certains délais, sous peine d’extinction de sa créance. La sanction de l’absence de déclaration des créances dans les délais, a été généralisée par la loi de 1985 : la créance non déclarée était éteinte. Rapidement, la Cour de cassation429 a précisé que la déclaration de créance est assimilée à une demande en justice, obligeant à considérer que le déclarant doit détenir un pouvoir pour y procéder.

109. Définition. La déclaration de créance est désormais définie comme l’acte « affirmant de

leur créance avec indication du montant de celle-ci entre autres précisions (date d’échéance, sureté, etc.) que tous les créanciers dont la créance est antérieure au jugement d’ouverture d’une procédure collective doivent à peine de forclusion, adresser au représentant des créanciers même si elle n’est pas établie par un titre, mais sous l’obligation de faire viser sa déclaration par le commissaire aux comptes après l’avoir certifié sincère, si elle ne résulte pas d’un titre exécutoire »430.

110. Procédure de vérification des créances. La saisine du juge-commissaire se manifeste

dans un premier temps par déclaration de créance dans le cadre de la procédure de vérification et d’admission des créances, procédure qui n’a guère évolué, sous réserve de la dispense de vérification élargie dans le cadre de la liquidation judiciaire simplifiée. Avant l’ordonnance du 12 mars 2014, le débiteur communique au mandataire liquidateur, la liste de ses créanciers afin que ce dernier les avise de l’ouverture de la procédure. Son rôle est alors considéré comme « passif », attendant que chaque créancier déclare entre ses mains le montant qui leur était dû. Depuis ladite ordonnance de

rectification d’erreurs ou d’omissions) », RPC Octobre 2001, p. 182 – DELENEUVILLE (J.-M.), « Les limites de la compétence du juge-commissaire en matière d’admission de créances », RPC 1995, n°4, p. 391 – VALLENS (J.-L), « Le juge-commissaire dans les procédures de redressement et de liquidation judiciaires (loi du 25 janvier 1985) », JCP

E 1985, II, 14550.

427 GHOZI (A.), « Nature juridique de la production des créances dans les procédures collectives de règlement du passif », RTD com 1978, p. 1.

428 LE CORRE (P.-M.), « Déclaration, vérification, admission des créances et procédure civile », LPA 28 novembre 2008, n°239, p. 72.

429 Cass. com, 14 décembre 1993, n°93-11690, Bull. civ. IV, n°471.

430 CORNU (G.) (dir.), Vocabulaire juridique, Assoc. H. Capitant, 11e éd., PUF, 2016, V° « Déclaration de créances ».

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2014, le mandataire liquidateur avise toujours l’ensemble des créanciers de l’ouverture de la procédure mais leur communique désormais le montant déclaré pour leur compte par le débiteur. Dès le début de la procédure de vérification, la déclaration de chaque créance vaut demande en justice devant le juge-commissaire aux fins d’admission. Même si le juge-commissaire n’est pas le destinataire initial des déclarations de créances qui interviennent entre les mains du représentant des créanciers, il n’en prendra connaissance que lors de la transmission par le représentant des créanciers de la liste des créances vérifiées avec les propositions retenues. Il semble nécessaire de constater que le juge-commissaire n’est véritablement saisi des demandes des créanciers qu’au moment où la liste des créances vérifiées lui est transmise par le mandataire judiciaire. C’est à partir de cet instant que son rôle juridictionnel en matière de vérification des créances va commencer et que sa saisine va être réellement effective. Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire va pouvoir cibler les créances contestées, celles proposées à l’admission mais faisant l’objet d’observations du débiteur et les créances dont la détermination semble relever de la compétence d’une autre juridiction.

S’agissant des créances contestées, partiellement ou totalement, dans leur nature ou leur montant, elles doivent faire l’objet d’un débat contradictoire avant toute décision, à peine de nullité de celle-ci. Pour les créances admises sans contestation, un simple visa du juge-commissaire sur la liste déposée par le mandataire judiciaire semble suffire désormais. La décision d’admission fait suite à une déclaration de créance valant demande en justice et chaque déclaration doit donner lieu à une décision distincte. S’agissant des créances admises sur contestation ou sur sa compétence après débat contradictoire, le juge-commissaire rendra une ordonnance motivée, respectant l’article 455 du code de procédure civile. Enfin, la déclaration de créance n’interdit pas l’introduction d’une action civile au pénal, la règle una via electa ne trouvant pas application. La déclaration de créance n’est pas une demande en paiement et ne peut donc être une demande en indemnisation, susceptible d’être indifféremment portée devant la juridiction civile ou devant la juridiction répressive431. La déclaration ne tendant pas à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, et parallèlement, l’admission au passif n’emporte pas la condamnation du débiteur au paiement, mais fixe au jour du jugement d’ouverture les droits du créancier à l’égard de la procédure collective.

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