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SECTION II. L’adaptation des principes directeurs du procès à l’instance du juge- juge-commissaire

A. L’oralité des débats

138. Le principe de l’oralité des débats. Le principe d’oralité des débats devant le tribunal

de commerce et de surcroît devant le juge-commissaire537, est original dans la mesure où la présence

534 Article 472 alinéa 2 du code de procédure civile : « Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée ».

535 Les mesures d’administration judiciaire sont des décisions de gestion administrative prises par le président de la juridiction. Elles ne peuvent par conséquent émaner du juge-commissaire.

536 CORNU (G.), « Les principes directeurs du procès civil par eux-mêmes (fragments d’un état des questions) », in Études offertes à Pierre Bellet, Paris, Litec, 1991, p. 85 s.

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des parties assure l’effectivité de la contradiction, les preuves sont ainsi censées être mieux débattues. Il peut s’avérer prudent de faire noter au plumitif tout ce qui pourrait avoir une incidence sur le cours ou l’issue du procès, dans la perspective d’une voie de recours538. Le débat oral est l’expression de la liberté qui doit présider à l’expression des droits des parties539. L’oralité est nécessaire car elle est reconnue par tous comme une garantie de publicité et comme un élément de formation de la conviction du juge. Le débat oral est non seulement organisé par le juge, mais aussi dominé par celui-ci. La véritable modernité consiste en quelque sorte à adapter l’intervention orale de l’avocat aux objectifs que doit avoir cette plaidoirie. L’intérêt de l’oralité est qu’elle impose la présence physique du plaideur lors de l’audience. Or, stratégiquement, la présence du plaideur est un avantage sur de simples conclusions écrites dans la dialectique judiciaire. À titre d’exemple, la jurisprudence de la Cour d’appel de Toulouse540 en matière de contestation des créances risque de remettre en cause les habitudes des créanciers institutionnels. Celle-ci a réaffirmé que la déclaration de créance est une demande en justice et que la procédure étant orale, le juge-commissaire peut prononcer la caducité de l’instance, faute de comparution du créancier. L’article 468 du code de procédure civile sanctionne en effet le « demandeur » qui ne comparaît pas à l’instance qu’il a initiée.

En matière de vérification de passif, il est fréquent que les créanciers institutionnels ne comparaissent pas et ne soient pas représentés, se contentant de transmettre leurs observations écrites au juge-commissaire. Le créancier s’expose à ce que ses prétentions soient déclarées irrecevables si elles sont adressées par courrier au juge-commissaire. En l’espèce, la banque créancière a adressé au juge-commissaire ses observations par courrier sans avancer de motif légitime à son absence ou à tout le moins à son défaut de représentation. Or, la procédure d’admission, comme toute procédure devant le tribunal de commerce, est orale. Par application de l’article 871 du code de procédure civile, les prétentions des parties sont présumées avoir été débattues contradictoirement541. La présence du greffier est indispensable aux débats542, afin que lesdites prétentions formulées soient consignées par celui-ci et retranscrites par suite dans les ordonnances du juge-commissaire. Le juge-commissaire doit respecter l’article 455 du code de procédure civile, à savoir l’obligation de rappeler les prétentions des parties et les moyens soulevés avant d’y répondre et ce, à peine de nullité de la décision543. Aucune disposition spéciale ne venant

538 V. par exemple Cass. Com, 31 janvier 1995 : Gaz. Pal. 1995, 2, 370, note Perdriau.

539 FLECHEUX (G.), « Le droit d’être entendu », op. cit, spéc. p. 159.

540 CA Toulouse, 3e chambre, 14 octobre 2015, n°15/02327 : LE CORRE (P.-M.), « Conséquence de l’oralité des débats devant le juge-commissaire sur la procédure de contestation des créances », GP 19 janvier 2016, 71 ; THÉRON (J.), « Déclaration de créance : comparution obligatoire du créancier demandeur », GP 17 mai 2016, 66.

541 Cass. Civ. 1ère, 25 novembre 1992, n°89-16438 : Bull. civ. I, n°291.

542 RPC 1998, p. 63, n°5, obs. Soinne.

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écarter l’article 468 du même code, celui-ci est applicable en vertu de l’article R 662-1 du code de commerce. Il en découle qu’en l’absence de comparution ou de représentation dudit créancier, sauf à ce que le mandataire le demande, le juge-commissaire ne peut pas statuer sur la créance544. Il ne dispose que d’une alternative : soit prononcer la caducité, soit renvoyer l’affaire. Or, si ce dernier décide d’écarter des débats les écritures du créancier absent et de constater la caducité de l’instance, cela constitue une sanction redoutable, interdisant par suite au créancier d’être réglé dans le cadre de la procédure collective.

139. Danger de l’oralité. La Cour de cassation a affirmé que les moyens retenus par le

juge sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l’audience545. Suivant un arrêt du 31 janvier 1995546, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a appliqué ce principe à propos du contentieux des admissions des créances. La procédure étant orale devant le juge-commissaire, elle a indiqué que « les prétentions des parties peuvent être formulées au cours de l’audience et sont présumées y

avoir été débattues contradictoirement ». Ici le plumitif d’audience n’a été d’aucun secours, le législateur

n’imposant pas que les moyens soulevés par le juge ou les parties soient retranscrits547.

De plus, l’oralité des débats ne peut pas justifier la violation préalable du contradictoire du fait, par exemple, de la non communication des pièces. Cette double instruction, écrite puis orale, pose un problème lorsqu’à l’audience, une partie développe548 un moyen non communiqué antérieurement, ou lorsqu’un élément est glissé dans les côtes de plaidoiries, dont le contenu n’apparaît qu’à la consultation du dossier par le juge postérieurement à l’audience. Toutes ces mesures se justifient dans un seul but : la découverte de la vérité juridique. La contestation n’est pas un droit discrétionnaire de la partie.

544 STAES (O.), « Caducité de l’instance pour défaut de comparution du créancier déclarant », LEDEN février 2016, n°21, p. 4.

545 Cass. soc. 8 novembre 1984, Bull. civ. V, n°423 ; RTD civ. 1985, p. 446, n°6, obs. Perrot ; Cass. civ, 13 octobre 1993, Bull. civ. I, n°286.

546 Cass. com, 31 janvier 1995, Bull. civ. IV, n°30.

547 Article 728 du code de procédure civile : le greffier dans les procédures orales, note les demandes formulées pour la première fois à l’audience. On pourrait imaginer d’imposer au greffier de relever les moyens débattus à l’audience (v. HÉRON (J.), op. cit, n°243, note 2).

548 BOCCARA (B.), « La procédure dans le désordre. I : Le désert du contradictoire », JCP 1981, I, 3004, spéc. n°203 remarque que « si l’oralité des juges possède des vertus spécifiques, elle comporte également des dangers en raison de son instantanéité ». MOTULSKY (H.), « Droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des Droits de la défense en procédure civile », op. cit, spéc. p. 186, en conclut qu’il n’est pas certain que « la procédure orale soit celle qui respecte le plus les droits de la défense ».

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