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SECTION I. L’intervention du juge-commissaire dans la procédure collective

B. Le rapport, moyen de contribution du juge-commissaire au devoir d’information du tribunal

2. Forme du rapport du juge-commissaire

229. Forme du rapport. L’article R.662-12 du code de commerce928 ne prévoit aucune forme pour le rapport, permettant d’en déduire qu’il peut être écrit comme oral929. En l’absence de règle générale imposant l’établissement d’un rapport écrit, le juge-commissaire peut rendre un rapport oral930. La Cour de cassation a jugé que le rapport verbal n’était ni contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ni à l’article 16 du code de procédure civile931. La procédure devant le tribunal de commerce étant elle-même orale932, il n’est pas imposé au greffier de porter sur un procès-verbal d’audience la mention du rapport du juge-commissaire. Ce rapport doit être indiqué dans toute pièce de la procédure, qu’il s’agisse du plumitif d’audience mais encore dans les motifs du jugement rendu par le tribunal. Dans le cas d’un rapport oral, il doit être fait par le juge-commissaire également en début d’audience avant d’aborder le fond du dossier. Même si, depuis l’ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014, le juge-commissaire n’a plus la faculté de siéger dans la composition de jugement933 sous peine de nullité de la décision à intervenir, aucun texte n’impose la forme d’un rapport écrit et ce, malgré l’avis exprimé par une Cour d’appel934. Il n’est pas non plus exigé du tribunal, qu’il précise la forme en laquelle le juge-commissaire a fait son rapport935.

Dans les deux cas, il semble indispensable que le respect de cette formalité soit retranscrit par le greffier sur le plumitif, afin qu’il transparaisse clairement dans le jugement que le dirigeant a été mis en situation d’y répondre. Ce dispositif doit permettre de justifier le principe du contradictoire. Si le rapport est oral, il est évident que le juge-commissaire sera présent lors de l’audience afin justement de présenter son rapport. Une telle mention erronée peut engendrer une

927 Cass. com, 1er juillet 1997, n°95-15149.

928 Article R.662-12 du code de commerce : « « le tribunal statue sur rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L 653-8 ».

929 DELATTRE (C.), « Les rapports du juge-commissaire en matière de sanctions », RPC 2011, étude 16.

930 Cass. com, 29 mars 1989, n°87-14443 – Cass. com, 6 juillet 1993, n°90-11667 – Cass. com, 23 janvier 1996, n°94-13391 ; LPA 17 avril 1996, n°47, p. 9, note Derrida ; RPC 1998, p. 62, n°3, obs. Dureuil ; RPC 1996, p. 326, n°4, obs. Soinne.

931 Cass. com, 25 novembre 1997, n°94-22000.

932 Conformément à l’article 871 du code de procédure civile.

933 Article L 662-7 du code de commerce.

934 CA Dijon, 2 avril 1996, n°2303/95 : Bull. inf. C. cass, 1er décembre 1996, n°1265 ; RPC 1998, p. 62, n°3, obs. Dureuil.

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procédure de faux au sens de l’article 306 du code de procédure civile936. En cas d’appel, la note d’audience sera transmise à la Cour937. Dans tous les cas, le respect de ces formalités doit être mentionné dans le jugement afin de permettre à la Cour d’appel de contrôler le cadre procédural. L’ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 a répondu à cette problématique en interdisant dans le cadre de l’article L.622-7 du code de commerce938, la présence du juge-commissaire dans la composition de jugement ainsi que dans la participation au délibéré.

Dans cette situation, il est logique que le rapport soit forcément écrit. Cette interdiction devenue une règle générale, doit être saluée939. Il convient de préciser que l’exigence du rapport écrit pour statuer valablement sur la sanction prononcée à l’encours d’un dirigeant, n’est applicable que si le tribunal a désigné un juge-commissaire pour établir un rapport940. Dans le cas d’un rapport écrit et versé au dossier, les pratiques divergent selon les juridictions. Dans certains tribunaux, le greffier en adresse une copie au dirigeant. Or, aucun texte ne prescrit une telle formalité. De plus, si cette formalité devait devenir obligatoire, la question de son coût doit nécessairement être posée, et notamment la question de savoir par qui ce dernier devrait être supportée : la procédure ? Le greffe ?

3. Les conséquences du défaut de rapport du juge-commissaire 230. Suites du défaut de rapport. A défaut de preuve du dépôt du rapport, le jugement

intervenu peut être annulé941. Dans une affaire du 6 mars 2014942 où le rapport du juge-commissaire

936 CA Versailles, 13e ch., 12 janvier 2012, RG n°11/02751 – DELATTRE (C.), « La tenue de l’audience des procédures collectives », BJE nov-déc. 2013, p. 399.

937 Conformément aux dispositions de l’article 896 du code de procédure civile qui dispose : « Au dossier de la cour est joint celui de la juridiction de première instance que le greffier demande dès que la Cour est saisie ».

938 Article L 662-7 du code de commerce : « A peine de nullité du jugement, ne peut siéger dans les formations de jugement ni participer au délibéré de la procédure :

1° Le président du tribunal, s'il a connu du débiteur en application des dispositions du titre Ier du présent livre ;

2° Le juge commis chargé de recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l'entreprise, pour les procédures dans lesquelles il a été désigné ;

3° Le juge-commissaire ou, s'il en a été désigné un, son suppléant, pour les procédures dans lesquelles il a été désigné;

4° Le juge commis chargé de recueillir tous renseignements sur la situation patrimoniale du débiteur, pour les procédures de rétablissement professionnel dans lesquelles il a été désigné ».

939 CA Bastia, ch. civ, 2 octobre 2013, RG n°12/00179 : JCP E 2014, 1085, note Delattre, « Interdiction pour le juge-commissaire de participer au jugement de sanction sous peine d’impartialité ».

940 Cass. com, 27 mars 2012, n°11-12188.

941 CA Besançon, 21 avril 1995, n°2521/94 ; RPC 1996, p. 53, obs. Dureuil.

942 CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 6 mars 2014, RG n°10/12732 : « Attendu que le tribunal de commerce ne pouvait

statuer sur la demande de cession de parts sociales qu’au vu du rapport du juge-commissaire qui était obligatoire en vertu des dispositions de l’article R 662-12 du code de commerce ; qu’est versée au débat la copie du rapport manuscrit daté du 4 novembre 2013, concluant dans un sens favorable à la cession ; que cependant, le jugement attaqué ne comporte aucune mention, même sous forme de visa, de la présence de ce juge à l’audience ou du dépôt de son rapport ; que dans ces conditions, il faut retenir que le tribunal de commerce n’a pas recueilli l’avis

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a bien existé, le jugement ne l’a absolument pas mentionné, ce qui est surprenant. Il arrive que la formalité du rapport du juge-commissaire ait bien été faite mais que, lors de l’audience, le rapport n’a pas été évoqué par simple omission. Mais cette dernière constitue une nullité incontestable943. En pratique, les difficultés sont généralement liées au rapport du juge-commissaire suivant l’angle d’attaque de la décision querellée. Il convient de respecter une certaine vigilance quant au respect de cette formalité au cours de l’audience, quant à la mention qui doit exister dans la note d’audience, ainsi que dans le jugement. En l’espèce, le rapport du juge-commissaire avait bien été établi le 4 novembre 2013, soit avant que le jugement querellé ne soit rendu le 12 novembre 2013.

C’est cette même mention qui permet de justifier que la formalité a été respectée et que le dirigeant en a bien eu connaissance, le respect du contradictoire étant impératif. En raison de l’absence de disposition prévoyant le rapport du juge-commissaire devant la Cour d’appel944 et de l’effet dévolutif de l’appel, la Cour d’appel, malgré l’annulation du jugement, statue sur les faits commis. L’effet dévolutif de l’appel permet ainsi de « sauver » la procédure. Mais un tel argument n’a pour objectif que de faire gagner du temps à celui qui s’en prévaut. La jurisprudence a mis en évidence que le défaut du rapport du juge-commissaire est un moyen permettant d’obtenir la levée de l’exécution provisoire du jugement en question945.

Dans une espèce similaire946, le Premier Président de la Cour d’appel de Rennes a suspendu l’exécution provisoire d’un jugement d’extension de procédure aux motifs suivants : « Considérant

qu’aux termes de l’article R 662-12 du code de commerce le tribunal statue sur rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L 653-8 ; que le rapport du juge-commissaire constitue une formalité substantielle d’ordre public ; qu’en l’espèce il ne résulte d’aucune énonciation du jugement que le juge-commissaire a déposé un rapport écrit ou a été entendu en son rapport oral ; que la nullité du jugement voire la régularité de la saisine du tribunal invoquées par la société X constituent donc des moyens sérieux ».

A l’occasion d’un appel engagé à l’encontre d’un jugement de conversion de redressement en liquidation judiciaire, la Cour d’appel de Reims947 a tiré les conséquences de l’absence du rapport

du juge-commissaire et que le jugement est nul pour irrégularité de forme ; que la saisine du tribunal à l’initiative du ministère public ne s’en trouve cependant pas affectée, de sorte que malgré la nullité, le litige se trouve dévolu en son entier à la cour en vertu des dispositions de l’article 562 du code de procédure civile » ; DELATTRE (C.), « Rapport du Juge-commissaire : la nécessaire retranscription

de cette formalité par le greffier sur la note d’audience et par le tribunal dans la décision », JCP E 2014, 1334.

943 Par exemple : CA Reims, 25 octobre 2011, n°10/03274 ; LEDEN 2011/183, note Delattre ; Droit des

sociétés 2013, comm. 145, note Legros – DELATTRE (C.), « Quelques rappels sur le rapport du juge-commissaire de

l’article R 662-12 du code de commerce », RPC 2017/2, étude 7.

944 Cass. com, 22 mai 2013, n°12-18823 ; Droit des sociétés 2013, comm. 145, obs. Legros.

945 CA Rouen, ord. 1er prés., 12 mars 2014, RG n°14/00007.

946 CA Rennes, réf., 1er prés., 1er août 2011, RG n°11/05035.

947 CA Reims, 25 octobre 2011, RG n°10/03274 – DELATTRE (C.) « Le rapport du juge-commissaire est fondamental. Le Tribunal qui passe outre s’expose à la censure », LEDEN déc. 2011, n°183.

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du juge-commissaire et de l’absence d’information sur la note d’audience, pour annuler le jugement de liquidation948.

§ 2. Les limitations à la liberté de gestion du débiteur apportées par le juge-commissaire

231. A l’exception des actes de gestion courante, le juge-commissaire contrôle, par le biais

d’autorisation, les actes pouvant altérer gravement et durablement le patrimoine du débiteur, restreignant considérablement la liberté de gestion du débiteur. Le débiteur et l’administrateur, même en agissant ensemble, ne sont pas toujours libres dans la gestion de l’entreprise pendant la période d’observation. Certains actes essentiels leur sont, soit interdits, soit subissent un contrôle particulier du juge-commissaire (A). A défaut d’autorisation du juge-commissaire pour lesdits actes, ceux-ci encourent la sanction de la nullité (B).

A. Le contrôle effectué par le juge-commissaire dans le cadre des actes