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Pour le suivi environnemental, des observations régulières du terrain par un capteur in

situ représentent un intérêt majeur en soi (Teillet, et al. 2002). Les approches classiques (télédétection,

échantillonnage) permettent de dessiner une carte ou, au mieux, d’estimer des surfaces. La photographie -in situ et non à distance- d’un paysage, et éventuellement la répétition de cette photographie au même lieu, selon le même angle mais à différents pas de temps d’intervalle, est une approche différente de l’étude des changements d’occupation des terres. Certains travaux ne choisissent pas de nouvelles prises de vues mais prennent des photographies anciennes existantes (cartes postales, archives de la RTM1, Vallauri, 1997) et photographient à nouveau le même paysage à plusieurs décennies voire un siècle d’écart, afin d’en tirer une analyse diachronique. Celle-ci est souvent gênée par la présence d’objets (bâtiments, arbres…) construits ou apparus entre deux dates et obstruant la perspective, ou par la destruction des lieux de prise de vue. Certains travaux appliquent une technique complexe de reconstruction des surfaces (vue verticale) à partir d’une vue horizontale par projection sur une carte de la perspective (Lepart, et al. 1996). Il existe aussi des observatoires photographiques qui visent une approche plus exhaustive, en photographiant le territoire de façon systématique, par exemple selon un plan d’échantillonnage ou bien le long d’un axe, de façon systématique (transect rectiligne) ou non systématique (le long d’un chemin par exemple (Griselin & Nagelesein 2014)). Il est aussi possible de tirer parti d’une base de données existante comme l’observatoire photographique national du paysage (Coutanceau, 2011).

La photographie aérienne oblique

La photographie oblique est une technique qui consiste à photographier le territoire vue d’avion/par voie aéroportée, avec un angle de vue -10° à -80° par rapport à l'horizontale. Cette technique, développée dès le début du XXe siècle, a connu un essor important dans les années 1950 à 1970, au moment où elle constituait une alternative relativement légère à des inventaires longs et couteux au sol, et avant que se développe l’imagerie satellitaire. Avec cette approche, la vue n’est ni absolument horizontale (comme la photographie au sol) ni verticale (comme la photographie aérienne utilisée notamment pour la cartographie des surfaces), ce qui crée un effet de profondeur et une vision particulièrement riche des composantes d’un paysage. Il existe des vues obliques hautes (proche de la vue horizontale) ou basses (proche de la vue verticale). Les avantages de cette approche sont d’apporter une lisibilité du paysage (Aubert et al, 1979), mais elles sont surtout utilisées comme supports d’analyse des paysages dans le cadre d’ouvrages de géographie régionale. Aujourd’hui, assez peu de travaux mobilisent cette technique2, du fait de nouvelles orientations épistémologiques de la géographie, ainsi que de l’essor des techniques satellitaires (Humbert et al, 2013).

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Restauration des Terrains de Montagne

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Webcams

L’utilisation de caméras fixes dont le flux vidéo (ou d’images prises régulièrement) est transmis par internet permettent de comparer des clichés réguliers, du point de vue oblique. Une application d’un tel système est par exemple en cours au Spitzberg depuis 2000, où des images sont acquises systématiquement toutes les heures (de jour), afin de suivre des processus environnementaux comme l’évolution de l’occupation du sol (végétation, englacement, etc.) (Griselin et Ormaux, 1999).

Qualité, intérêt et limite pour la mesure de l’occupation du sol

Les photographies de type cartes postales soulignent le filtre culturel et le regard du photographe : ce qui est photographié est montré avec la volonté de souligner un élément. Dès lors le paysage n'est pas forcément représentatif car la prise de vue répond à un objectif soit esthétique, pittoresque ou démonstratif (Lepart, et al. 1996). Du point de vue de l’approche quantitative du suivi de l’occupation du sol, ces approches restent très limitées. Cependant, du point de l’analyse qualitative des dynamiques paysagères, en particulier sur le temps long, ces approches sont pertinentes. Ainsi, les photos obliques sont utiles pour l’analyse approfondie d’un paysage via l’observation des ‘unités paysagères visibles’ (Pinchemel, 1987), reprises par Legouy (2006) dans une démarche d’analyse en quatre points de vue successifs: le point de vue oblique (jeux des échelles et des unités paysagères), diachronique (dynamiques temporelles), spatial (sur les unités spatiales dans les points de vue verticaux des cartes au 1 :25000) et enfin environnemental (rapport de l’homme au milieu). Le point de vue oblique induit trois étapes d’analyse : les grands faciès, les sous-ensembles et enfin les objets géographiques (Humbert et al. 2013). Cette technique, si utile qu’elle soit pour la compréhension des paysages et de leur évolution, permet d’analyser les dynamiques de changements d’occupation du sol mais n’en permet pas une quantification systématique par manque de rigueur géométrique. Néanmoins, cette approche correspond davantage à un point de vue intuitif sur le paysage, ce qui éclaire, en creux, sur les incertitudes et difficultés liées à l’interprétation de paysages avec un point de vue vertical qui reste un angle de vue abstrait/non intuitif pour l’œil humain et transforme des formes connues en motifs parfois difficiles à interpréter. La photographie oblique constitue un point de vue très efficient quant à la compréhension immédiate et de l’interprétation des paysages, mais n’est pas directement compatible avec une approche comptable des évolutions des surfaces.

Qualité, intérêts et limites pour la détection des changements

Moins utile pour quantifier des surfaces et extrapoler des données de changement, la photographie oblique permet plutôt de documenter des mutations, de les traduire par des vues plus facilement interprétables, appréhendables à l’œil humain puisqu’il s’agit de la vue naturelle et quotidienne de l’espace. Pour être utile à l’analyse et constituer une source complémentaire de données, ces photographies doivent être représentatives du territoire et de ses mutations, car le choix des prises de vues est subjectif et en nombre restreint (par rapport à un plan de sondage systématique, et a fortiori par rapport à une carte de couverture exhaustive). Il s’agit en général d’utiliser des photos avant et après ou « couple diachronique » afin de mettre en avant des dynamiques: aménagement de la voirie, disparition des vergers… Guittet et Ledu-Blayo (2013) proposent un état de l’art de l’utilisation des fonds photographiques paysagers1 pour suivre l’évolution du territoire. Cette démarche a été expérimentée dès 1882 avec la Restauration des Terrains de Montagne en France, puis par les services forestiers italiens, suisses, australiens, jusqu’aux Etats-Unis dans les années 1960. En France, il existe 19 itinéraires de l'OPNP et de nouveaux Observatoires photographiques du paysage locaux

apparaissent, avec l’émergence de la préoccupation paysagère dans les politiques nationales et locales. Malgré l’impossibilité d’aboutir par ce biais à une connaissance quantitative complète, des informations sur les formes visibles et le rythme que prennent localement les dynamiques d’évolution des paysages (Dervieux, 2004), par exemple l’enfrichement et le boisement dans l’arrière-pays méditerranéen, ou la disparition des haies (Pointereau & Coulon, 2006) sont accessibles par simple comparaison visuelle, si tant est que l’on échappe à l’effet de masque. Coutanceau (2011) a ainsi montré la complémentarité entre les dynamiques paysagères observées dans les séries photographiques de l’OPNP et les autres informations sur ces évolutions (données, documents d’aménagement) : les photographies permettent de révéler les traces physiques particulières que prennent des évolutions générales, de saisir ces dynamiques telles qu’elles sont perçues par les populations et de mieux comprendre leurs causes et leurs conséquences. A partir d’un fonds photographique, une démarche rétrospective et prospective sont possibles. Mais la photo n’est qu’un support de réflexion sur l’évolution du paysage ; la connaissance des dynamiques est nécessaire pour juger de la pertinence des photos, de leur représentativité, en quoi elles illustrent les faits majeurs ou mineurs (voire sont des contre-exemples des dynamiques générales).

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