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Indépendamment du besoin de suivre les flux de GES, les organismes institutionnels ont développé des outils et des analyses pour mieux suivre l’occupation du sol, dégager des indicateurs pertinents et prendre en compte les limites des sources de données. Or, les questions posées par ces

organismes et les réponses apportées (traitement de données, mobilisation de sources, comparaison de sources, interprétation des données en termes d’évolution du paysage, etc.) apportent des éclairages pertinents et des pistes de réponses pour améliorer la méthode de l’inventaire UTCATF. Ils pourraient aussi passer outre les processus d’amélioration méthodologique classique qui considèrent principalement l’état de l’art académique.

L’obligation faite aux échelons territoriaux régionaux et locaux de mener une gestion économe de l’espace a entrainé la mise en place d’études, d’outils et d’indicateurs pour d’abord évaluer et comprendre la consommation d’espace et ensuite la contrôler. Ces nouvelles réflexions ont permis de renouveler la problématique traditionnelle et historique du suivi politique et stratégique du territoire par des données sur l’occupation et l’utilisation du sol.

Des analyses des données produites

Il existe quelques travaux institutionnels relatifs à l’évaluation de la diversité paysagère en Europe via des analyses spatiales, et notamment via des calculs de métriques paysagères, à partir de données européennes, principalement CORINE land Cover et LUCAS (EEA, 2014a ; 2014b). Eurostat (2000) a ainsi réalisé une analyse de l’occupation du sol sous l’angle de la diversité paysagère.

En France, plusieurs rapports techniques présentent l’hétérogénéité des sources disponibles pour suivre l’occupation du sol, en particulier pour mesurer l’artificialisation. En 2010, le CERTU a publié un panorama des méthodes pour suivre l’artificialisation (CERTU, 2010) ; en 2012, le CGDD a publié un rapport sur les différences de mesure de l’artificialisation du territoire selon les sources (CGDD, 2012) ; en 2014, est paru le premier rapport de l’ONCEA sur les différents moyens de suivre la consommation des terres agricoles (ONCEA, 2014), en 2005, le CERTU a comparé différentes sources spatiales existantes pour cartographier les taches urbaines et en suivre l’évolution (Cuniberti, 2005).

Plusieurs autres documents, rapports ou études s’appuient sur une source en particulier pour le suivi de l’occupation du sol, avec des questionnements sur le meilleur moyen de suivre les dynamiques comme l’artificialisation. Depuis 2010, le ministère en charge de l’Environnement met à disposition des services territoriaux les fichiers fonciers (issus de la direction générale des finances publiques) retravaillés de façon à pouvoir qualifier les espaces. Cette mise à disposition s’est faite dans le cadre de la politique de lutte contre la consommation d’espaces naturels et agricoles par l’urbanisation. Un document (CERTU, 2013) présente le bilan des expériences menées localement pour exploiter ces données et présente une méthodologie pour analyser l’occupation du sol et son évolution. Ce projet est appelé « MAJIC » du nom du logiciel utilisé pour la mise à jour des informations cadastrales. Les limites de ces techniques sont principalement liées à la nature même des fichiers fonciers qui ne sont pas destinés à un tel usage.

Un autre exemple, plus confidentiel, est le redressement des séries TerUti par le SSP. Un document (Arcaraz, 2014) présente une manière de ‘raccorder’ les trois séries statistiques de l’enquête « TerUti » par rétropolation. La méthodologie de construction de la donnée ayant évolué (voir chapitre 4), il est impossible de suivre l’évolution d’une catégorie d’occupation du sol depuis le début de l’enquête jusqu’à l’année la plus récente. Le document présente une série de traitements permettant de recréer une série cohérente. Cette note, à usage interne, et particulièrement intéressante car elle effectue un travail similaire à celui qu’effectue aussi le CITEPA, en interne, pour les inventaires qui utilise aussi l’enquête TerUti et qui a un besoin de raccorder les séries afin d’avoir une série cohérente.

Des projets régionaux, multi-sources

A la suite des lois précédemment évoquées portant sur la maitrise de la consommation d’espace (en 2010 et en 2014), de multiples projets régionaux ont été développés pour améliorer les connaissances sur les dynamiques de consommation d’espace, sur leur quantification, les sources disponibles et sur la construction d’indicateurs pertinents pour leur suivi. Il s’agit aussi de mettre au point des méthodes simplifiées pour pallier l’absence de MOS : en particulier l’utilisation de données existantes (ex : CLC), ou bien l’utilisation des données cadastrales (méthode MAJIC développée par CETE NPdC) ou encore l’application de la méthode dite « tâche urbaine » développée par CERTU via BD Topo. Nous présentons ci-dessous cinq exemples emblématiques de ces réflexions.

L’obligation récente de suivi, a fait émerger de nombreuses discussions entre organismes régionaux, services techniques et administrations sur les méthodes de suivi de l’occupation des terres, au niveau régional et au niveau national, comme dans le cadre du Groupe national Occupation des Sols et Réseau géomatique et territoire. Dans ce groupe, les discussions ont porté sur la mise au point de du projet « Occupation du Sol à Grande Echelle » (OCS-GE) de l’IGN (voir chapitre 4) à moyen terme, sur l’identification de référentiels méthodologiques communs, en particulier la résolution spatiale et la nomenclature. L’objectif n’est pas seulement de fournir un nouveau référentiel national mais d’être utile localement, c’est-à-dire à l’échelon privilégié actuellement pour le suivi des dynamiques d’occupation du sol. Ce projet s’approche d’un idéal de production concertée par les acteurs territoriaux, respectant un cahier des charges de base commun assurant l’interopérabilité des données construites à des échelles différentes, avec des préoccupations et des moyens différents.

Exemple 1 : le différentiel agricole inventorié

La méthode dite du « différentiel agricole inventorié » provient d’une volonté politique régionale (Rhône-Alpes) de gérer durablement le foncier, mobilisant les services régionaux (DREAL, DRAAF et DDT) pour mieux suivre l’artificialisation des terres agricoles. Ces services ont donc développé cet outil de suivi qui permet d’estimer indirectement les terres agricoles qui ont potentiellement changé vers un usage artificiel, en analysant les îlots qui ne sont plus déclarés à la PAC d’une année à l’autre dans le Registre Parcellaire Graphique (voir chap. 4), et en qualifiant les parcelles disparues à l’aide d’autres sources (fichiers fiscaux, BD Topo…) (DREAL Rhône-Alpes, 2015).

Exemple 2 : observatoire de la consommation d’espace en Limousin

L’observatoire de la consommation d’espace en Limousin a été mis en place localement (par la DRAAF, DREAL et DDT) avec pour but de sélectionner les données et les indicateurs pertinents pour mesurer, suivre et analyser la consommation d’espace, et notamment via un outil sur la plateforme régionale d’information géographique « géoLimousin ». L’objectif est de créer un outil d’aide à la planification pour les DDT et d’aide à la décision pour les CDCEA.

Exemple 2 : création d’un MOS composite par le SRISE de la DRAAF Franche-Comté

Il s’agit de ne pas raisonner en « source d’information exhaustive couvrant tout le territoire », mais d’agréger des sources d’informations partielles (cartes de la forêt, des cultures, etc.), et de les additionner. L’interprétation des interstices, espaces lacunaires laissés blanc car renseignés par aucune des couches, étant une part majeure de ce projet. Les différentes couches sont d’abord assemblées par ordre de priorité (quand deux couches se superposent, seule la couche ayant la priorité la plus élevée est retenue) selon la hiérarchie suivante : BD Forêt (forêt) > BD Topo - bâti avec dilatation-érosion de 50m (zones artificielles) > BD Topo-végétation (forêt) > BD Topo-eau (eau) > BD Topo-réseaux

(ferré, routier) > RPG (agrégation des couches 2010, 2011 et 2012) (terres agricoles) (Boudon, et al. 2015). Ce procédé opératoire est particulièrement intéressant et il servira en partie de modèle dans la construction d’un référentiel unique multisource. Néanmoins, cette méthode présente plusieurs défauts : les règles de priorité sont absolues et non relatives (si une route passe en foret, la couche foret est prioritaire), il n’y a pas de gestion de la temporalité, elle agrège des couches ayant des temporalités très hétérogènes. Ce projet a été mené en collaboration avec F-P. Tourneux et D. Roy du laboratoire Théma1 pour mener à bien l’appariement des couches et l’analyse des lacunes.

Exemple 3 : BD Topo-Sitadel par la DREAL Auvergne

En 2012 a été publiée une étude méthodologique pour le suivi de la consommation d’espace à l’échelle communale, par la méthode dite « BD Topo-Sitadel », entre 1990-2010, en utilisant comme référence la BD Topo (2002 à 2005) pour déduire le contour de la tâche urbaine en 1990, puis des valeurs de surfaces de constructions par commune (base Sitadel) afin d’analyser l’évolution quantitative et spatiale de cette dynamique jusqu’en 2010. Des améliorations méthodologiques ont été proposées pour utiliser la BD Topo de 2013. Les questions soulevées par ce projet sont là aussi particulièrement pertinentes pour notre travail.

Dans ces différents exemples, les méthodes limitent parfois le suivi à des formes et des catégories d’occupation trop restreintes vis-à-vis du besoin de suivi de l’évolution du territoire en son ensemble (Durand, 2013). Ces projets partent du principe qu’il est nécessaire de combler un manque d’information sur l’évolution de l’occupation du sol. Plusieurs raisons possibles peuvent être à l’origine de ce constat :

- l’information recherchée existerait, mais elle ne serait pas assez précise spatialement ;

- les sources d’information existantes ne seraient pas assez pertinentes pour répondre au besoin de suivi de la consommation d’espace. La précision de la nomenclature, par exemple, serait insuffisante ; - les données existantes seraient jugées insuffisamment fiables, en raison d’un manque de qualité ou bien suite à un changement méthodologique trop important ;

- les sources d’information existantes ne seraient pas clairement identifiées par ces acteurs, ou l’accès à ces sources ne serait pas aisé ;

- quelle que soit la source considérée, les besoins d’analyse seraient tels qu’il faudrait toujours combiner plusieurs sources.

Ces différents présupposés et questionnements préalables ne sont pas clairement indiqués, voire sont ignorés dans ces projets. Or toute la question est de savoir si des manques précis, identifiés au niveau local, peuvent rejoindre d’autres besoins identifiés au niveau national – en l’occurrence, pour l’élaboration des inventaires d’émission de GES.

Conclusion de la section 1.2

Il existe un besoin de données pour les pouvoirs publics, tant concentrés que déconcentrés, afin de suivre l’occupation du sol pour assurer la gestion du territoire, des ressources, des paysages, des projets d’aménagement, etc. Pour répondre à des enjeux de suivi de plus en plus finalisés, principalement la lutte contre l’artificialisation mais aussi la protection des paysages et de la biodiversité, des besoins d’un suivi plus fin, d’amélioration de l’information, de création de nouvelles sources ou bien de mise en place d’indicateurs multi-sources, ont été identifiés.

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L’ensemble de ces travaux de création, de mise à jour, d’analyse et d’utilisation de ces données sur l’occupation du sol existent indépendamment de la prise en compte de l’enjeu GES associé à ces dynamiques. L’émergence de cet enjeu est d’abord intervenu au niveau académique et international avant d’être intégrée à cette trame de stratégies, de données et d’outils existants au niveau national.

1.3 L’émergence de l’enjeu climatique

1.3.1 Historique de l’enjeu politique

La question des liens entre changements d’occupation du sol, écosystèmes et cycle mondial du carbone et des autres gaz à effet de serre est apparue progressivement dans l’agenda politique et diplomatique international. La dimension institutionnelle et internationale de ce champ de recherche est très présente (Liu et Deng, 2010). Elle s’exprime à travers de très nombreuses enceintes internationales de discussions, de négociations, de propositions qui ont donné naissance à des dispositifs avec une valeur juridique plus forte : conventions, traités, accords… Cette dynamique a abouti à la mise en place d’un « régime climatique » (Aykut & Dahan, 2015), système institutionnel ayant suscité de nouvelles pratiques de recherche, de nouveaux enjeux politiques et diplomatiques, et établi des relations particulières entre sciences, expertise et politique. Il ne s’agit pas ici d’être exhaustif mais de dresser un historique assez complet de la manière dont le lien entre occupation du sol et climat est devenu un objet politique international.

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