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Analyser l’intensité des changements

3.2 Etat de l’art des techniques de suivi du territoire et de validation des données

Ce chapitre dresse l’état de l’art sur la compréhension de la qualité et de l’incertitude des systèmes de production de données au regard de leurs spécifications techniques, de leurs modes de représentation de la complexité paysagère et de leur pertinence pour détecter les changements, en particulier dans le cadre des inventaires UTCATF. Il s’agit ici de comprendre la manière dont les données sont construites pour comprendre la validité des méthodes et leur pertinence au regard du besoin de suivi des flux de gaz à effet de serre. Nous recensons dans cette section les différentes approches possibles pour suivre l’évolution de l’occupation du sol, leurs intérêts et limites quant à la capacité à bien détecter les changements. L’objectif de cette section est de considérer a priori comme opérantes toutes ces approches pour les évaluer objectivement, de façon à ne pas écarter trop tôt de solution technique pertinente.

3.2.1 Panorama des différentes approches pour observer et suivre le

territoire

Différentes approches pour différents besoins

Suivre les changements d’utilisation des terres à l’échelle nationale, ou même régionale, nécessite la mise en place de systèmes performants de classification des espaces et de détection des changements, qui puissent être reproductibles dans le temps en suivant la même méthodologie d’observation et de classification. Ces systèmes sont jugés par les acteurs institutionnels sur leur performance, relative aux objectifs poursuivis, alors qu’ils sont évalués sur leur qualité par la communauté de la recherche. La mise en place de ces systèmes de production de données émane d’acteurs qui ont des besoins et une vision du territoire qui influencent nécessairement leurs spécifications. Ainsi les différents systèmes de suivi répondent différemment aux questions suivantes : Tableau 3.2. les modalités techniques de suivi des changements répondent à des besoins concrets

Question pratique : quelle qualité ? quelle précision ? Spécification technique correspondante

Quelle part du territoire observer ? Couverture

Comment observer ? Approche

Comment catégoriser le territoire ? Nomenclature Quelle unité minimale prendre en compte ? Résolution spatiale Quelle fréquence de renouvellement de la détection ? Résolution temporelle Pour qui et pourquoi observer ? Producteur et commanditaire

Différentes réponses à ces questions, combinées à différentes techniques disponibles, expliquent les différents types de données et leurs spécifications propres. Chaque approche a ses avantages et inconvénients, ses types d’erreurs possibles, ses méthodes de validation et ses types de produits. Pour connaître les avantages et limites d’une approche, les métadonnées des données produites renseignent sur ses spécifications et son mode de production.

Une typologie générale : l’approche endogène et exogène

Deux grandes approches fondamentales s’opposent, qui recouvrent la typologie que propose Laffly (2006) : d’une part des données endogènes (par échantillonnage, ascendantes) et d’autre part des données exogènes (synoptique, descendantes).

Les données endogènes sont des « descriptions ponctuelles thématiquement spécialisées » (Laffly, 2006), des informations acquises au niveau le plus fin in situ. L’approche ascendante (« bottom-up ») consiste à collecter et rassembler de multiples observations, réalisées à échelle fine, afin de reconstituer le territoire entier. Elle vise à observer, enregistrer, ou collecter des informations sur des espaces représentatifs afin de tirer une information sur le territoire total, quitte à simplifier par induction, en extrapolant une proportion de l’espace à une surface plus grande non enquêtée. Il peut s’agir d’une enquête de terrain, d’un recensement, de données déclaratives, etc., mis en place spécifiquement pour suivre l’occupation du sol ou bien mis en place dans un autre but mais mobilisé après-coup. Selon cette approche, les capteurs d’information sont multiples (appareils photos, œil humain) de même que les modalités d’enregistrement de l’information (observation, déclaration…). L’information recueillie est parcellaire (tout le territoire n’est pas observé) mais peut être suffisante (Fuller, et al. 1998 ; Laffly, 2006).

Des données exogènes sont des « informations aréales généralistes » (Laffly, 2006), c’est-à- dire des vues d’ensemble (synoptiques), des informations couvrantes, décrivant l’espace dans sa continuité à un niveau de description généralement plus grossier, généralisant la complexité spatiale et thématique dans une représentation de l’espace en classes généralement discrètes1. Selon cette approche descendante (« top down »), l’ensemble du territoire est observé avec le même capteur. L’approche spatiale exhaustive a pour but de tout observer, quitte à simplifier par généralisation cartographique la complexité de la trame spatiale des éléments paysagers. L’information recueillie est spatialement exhaustive mais peut être insuffisante thématiquement (Laffly, 2006 ; Godard, 2007).

Ces approches différentes répondent à une même problématique: le territoire, par sa taille, ne peut être suivi dans son intégralité, la simplification de l'information disponible est nécessaire. Face à l’impossibilité d'accéder à toute l'information souhaitée, il est possible : de tout observer d’un coup, en simplifiant le terrain réel ; ou de n’observer qu’en partie le terrain réel pour reconstituer ensuite le tout. Ces deux approches s’appuient sur des techniques dont les effets sur la détection des changements d’occupation des terres sont importants.

Un autre axe de typologie possible : le degré d’interprétation subjective

Il est aussi possible de distinguer les bases de données disponibles selon le critère de l’approche retenue dans le protocole d’acquisition des données. Le mode d’observation des données répond d’abord à la question « pour qui observe-t-on ? ». Le commanditaire est important car il porte un projet politique consciemment ou non2. Le mode d’observation répond aussi à la question qui

observe ? : est-ce une machine (détection automatique), un spécialiste (analyse scientifique), un

enquêteur, un technicien (application d’un référentiel) ou enfin un déclarant concerné par l’objet déclaré (un propriétaire, un exploitant…) ? La réponse entrainera la possibilité plus ou moins forte d’une subjectivité dans la création de la donnée. Les différentes techniques de segmentation de l’espace en classes d’occupation du sol font appel à différentes procédures allant de l’interprétation visuelle au plus près de l’objet observé (in situ), à la classification automatique de données enregistrées à très grande distance de cet objet (par un satellite). Les niveaux de standardisation (assurant l’homogénéité entre opérateurs humains, entre capteurs) peuvent aussi varier. Selon ces

1

Il peut aussi s’agir de classes continues, voir les données High Resolution Layers, chap. 4, section 4.X

2

Par exemple, Corine land Cover (voir chapitre 4 section 4.2.3) gomme les différences biogéographiques et culturelles par sa nomenclature de type morphologique.

approches, selon le degré d’implication de l’opérateur dans la classification et le choix des critères de celle-ci, les filtres interprétatifs jouent à des degrés différents.

Comparaison des approches

La plupart des travaux évoquant les avantages relatifs de ces différentes approches s’appuient sur des cas de données particulières plutôt que d’évoquer les limites en soi des méthodes. Ces travaux soulignent en général la complémentarité des approches, par exemple entre l’acquisition de photographies aériennes et les données satellitaires (Harvey et Hill, 2001 ; Goodwin et Hudson, 2002) ou entre les enquêtes de terrain et le satellite (Gallego et Bamps, 2008 ; Congalton et Green, 2008). La recherche des causes des différences d’estimation constitue cependant un sujet plus complexe, étant donné la grande diversité des éléments d’explication (Mas, 1999 ; De Biasi et Nascimento, 2000 ; Bird, et al. 2000 ; Loveland, 2004 ; Bibby et Shepherd, 2005 ; Godard 2006 ; Fuller et al. 2010 ; Kim et al 2015). Nous allons présenter successivement les différents facteurs explicatifs des incertitudes et des erreurs, à l’origine de l’incomparabilité et de l’hétérogénéité des jeux de données produits sur l’occupation du sol.

Tableau 3.3 Récapitulatif des différentes approches

Approche Type d’observation Technique

Exogène Télédétection passive Photographie aérienne Satellite Télédétection active Radar Lidar Endogène Observateur formé Enquête de terrain Photographie Enquête administrative Enquête déclarative1 Observateur non formé

Enquête déclarative26

Information Géographique Volontaire

Ici le terme télédétection est entendu au sens large d’observation à distance : l’imagerie satellite et la photographie aérienne en sont des domaines particuliers. Les sections suivantes de ce chapitre traitent successivement de ces différentes techniques qui permettent toutes, directement ou indirectement, de suivre l’évolution de l’occupation du sol.

1

Il existe deux types d’enquêtes déclaratives, selon que l’observateur soit formé ou non. Pour le Registre Parcellaire Graphique (RPG), issue des déclarations des agriculteurs demandant des aides au titre de la Politique Agricole Commune (PAC), les exploitants disposent d’une expertise de leur terrain et les modalités de déclaration font l’objet de formations.

3.2.2 La photographie aérienne

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