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La modélisation des changements d’occupation du sol dans les modèles climatiques

Les changements d'utilisation des terres modifient le budget radiatif en libérant d'une part du carbone dans l'atmosphère (accentuant l'effet de serre) et d'autre part en modifiant l'albédo. Pour connaître l'importance de ces changements par rapport à l'ensemble des facteurs contrôlant le forçage

anthropique, il faut pouvoir observer l'ensemble des couches de l'atmosphère et de la biosphère, des émissions de gaz à effet de serre et ce sur un temps long. Seule la modélisation permet de le faire. Un modèle climatique a pour but de reproduire aussi fidèlement que possible le comportement du climat terrestre, en prenant en compte la variabilité pluvio-climatique, les réservoirs (stocks) et flux de carbone et les réponses du système TAO (Feddema, Oleson et al 2005). Cette simulation prend la forme d’un programme informatique qui fait varier (selon les lois de la physique) plusieurs paramètres entre eux, comme la température annuelle moyenne, les précipitations saisonnières, et aussi des paramètres de surface, comme la couverture végétale avec le stock de carbone de chaque type de couverture. La terre est modélisée en une maille plus ou moins fine (jusqu’à plusieurs km de côté), en trois dimensions pour intégrer l’atmosphère. C’est donc dans le cadre de la modélisation du cycle carbone que l’utilisation des terres entre en compte dans les modèles climatiques. Par exemple, la plate-forme de modélisation de surface « SURFEX », développée à Météo France, utilise la base de données ECOCLIMAP qui combine des cartes d’occupation des terres avec de l’information satellite. Dans chaque point de grille du modèle est représenté par quatre types de surface : mer ou océan, lacs, zones urbaines et nature (sol et végétation), la grille étant de résolution kilométrique (Masson et al., 2003). Il ne s'agit donc pas d'un niveau de précision très fin, tel qu’il est demandé pour les inventaires du Protocole de Kyoto. Un autre exemple de modèle couplé atmosphère-océan-végétation permettant d’estimer l’effet des changements d’occupation du sol développé à l’IPSL (Institut Pierre-Simon Laplace) est présenté par Davin (2008). La résolution spatiale et thématique de l’occupation du sol dans les modèles climatiques globaux est relativement grossière. Dès lors, il est difficile de lier les estimations des modèles globaux (sur lesquels reposent les estimations sur l’évolution du climat) et les travaux locaux et spécialisés sur la mesure de flux en particulier, car leur précision est très différente.

Etat de l’art sur le rôle global des changements d’occupation du sol dans les changements climatiques

Forster et al. (2007) montrent qu’à l’échelle globale les changements d'utilisation des terres sont responsables d’un quart des modifications des échanges radiatifs. Les effets de ce forçage radiatif sur les températures régionales et mondiales ont ainsi été estimés via des modèles montrent une hausse moyenne possible de +1,5°C des températures moyennes hivernales dans l’hémisphère Nord, en particulier en Europe occidentale. Cet effet est largement imputable à la déforestation tropicale, qui entraîne une modification des dynamiques des masses d’air et de la variabilité pluvio-climatique (Harvey 2000).

Plusieurs travaux ont proposé une synthèse sur la contribution relative des changements d’occupation du sol sur les flux de GES et par extension sur les liens entre occupation du sol et climat. Parmi eux, les rapports du Giec permettent de synthétiser les résultats de différents modèles. Dans son dernier rapport (Giec, 2014), les émissions anthropiques totales mondiales de GES sont estimées à 49GT CO2e/an en 2010. Les émissions cumulées (liées aux combustibles fossiles uniquement) entre

1750 et 2010 s’élèvent à 1300GtCO2. Les émissions cumulées de l’UTCATF ont atteint 680GTCO2

pour la même période. L’IGBP a aussi publié en 2004 une synthèse replaçant les changements d’occupation du sol et leurs conséquences au sein du « global change » (Steffen et al. 2004).

Fig 2.3. Part de l’UTCATF dans les émissions mondiales de GES en 2010

D’après les données du cinquième rapport du Giec (2014). Le secteur UTCATF représente près d’un quart des émissions directes, mais très peu des émissions indirectes de production d’électricité. Réalisation : Robert, 2016

Outre les rapports du Giec, de nombreux travaux se sont attachés à estimer et à modéliser les flux de GES liés aux changements d’occupation du sol à échelle mondiale ou régionale. Citons ici quelques-unes des références principales. Houghton et al. (1983) avaient estimé à l’échelle mondiale que les flux de carbone dans les sols et la biomasse étaient compris entre 8 et 4,7 * 1015g en 1980, et que jusque les années 1960, ces flux, en grande partie dus à la déforestation des forêts tropicales, dépassaient les émissions dues aux combustibles fossiles. Comme le montre Dale (1997) les changements d’occupation du sol sont à la fois un facteur et un effet du changement climatique. Il a montré que ces changements ont eu plus d’effets sur les variables écologiques que le changement climatique directement ; et que si la grande majorité des changements d’occupation du sol ne sont pas liés au climat, ils pourraient l’être en grande partie à l’avenir. Selon Pielke et al. (2002) les impact sdes changements d’occupation du sol sur le climat, au niveau régional et mondial, ne peuvent être pas être quantifiés par un indicateur de réchauffement global mais plutôt par un indicateur de réchauffement potentiel régional, afin de prendre en compte la dimension complexe de ces flux. Selon Shulze et al. (2008), en Europe (UE-25), le secteur UTCATF a permis de compenser l’équivalent de 13% des émissions sur la période 2000-2010 ; ce puits étant principalement du aux prairies et aux forêts, les cultures ayant un rôle neutre en carbone. Pongratz et al. (2009) ont modélisé le forçage radiatif du aux changements d’occupation du sol depuis -800. Les travaux menés par Stephens et al. (2007) ont estimé que l’occupation du sol représentait, pour la période 1992-1996, un flux net de stockage de -1,5PgC/an pour l’hémisphère Nord – et qu’il représentait une source de 0,1 PgC /an dans l’hémisphère Sud. Pour Pan et al. (2011), le puits de carbone terrestre est stable, mais pour Ballantyne et al. (2012), le bilan mondial des flux de carbone reflète une augmentation continue du stockage de carbone dans les puits terrestres et océaniques depuis plus de 50 ans, en réponse à la hausse des émissions. Selon Houghton et al. (2012), sur la période 1980-2000, les émissions mondiales du secteur UTCATF ont été stables et ont décliné dans les dernières décennies. Environ 8% des émissions de CO2 anthropiques proviennent

du secteur UTCATF (Le Quéré et al. 2013). Tubiello et al. (2015) proposent de revoir à la baisse cette part relative des émissions totales mondiales dues aux secteurs UTCATF et agricoles estimées par le cinquième rapport du Giec (à 21% contre 24% pour 2010). Selon ces résultats, depuis 2010, ce sont désormais les émissions agricoles (5,4 Gt CO2e en 2012) qui dépassent les émissions de l’UTCATF

(bilan net de 3,2 Gt CO2e en 2012). Ces résultats pourraient se traduire, dans les politiques climat

internationales et nationales, par une attention portée davantage sur les sols agricoles que sur la forêt.

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