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Qualité, intérêts et limites pour la détection des changements Les différentes méthodes de détection des changements et leurs limites

On oppose traditionnellement deux grandes approches pour détecter les changements à partir d’images satellitaires, mais aussi à partir de photographies aériennes haute résolution (Singh, 1989) :

- l’analyse classique bi-temporelle de comparaison entre deux cartes (c’est-à-dire des produits de post-classification) de deux dates différentes et indépendamment classifiées ; l’analyse des images recrée les changements par comparaison d’états du même territoire à deux moments différents, que ce soit par soustraction entre images ou par comparaison de points d’échantillonnages. La comparaison permet donc d’évaluer les modifications structurelles (bilan des surfaces par catégories, bilan des changements, observations des modifications de formes). Il s’agit de valoriser l’historique des pixels ou des polygones qui ont connu divers états (Crews-Meyer, 2002) et de détecter de régions changées dans deux ou plusieurs images de la même scène prise à des instants différents (Radke et al., 2005).

- l’analyse simultanée de données multitemporelles, avec une détection du changement plus dynamique. Par exemple, avec mise à disposition des séries multitemporelles Landsat, Zhu et Woodcock (2014) ont développé une méthode de classification et de détection des changements « en continu », c’est-à-dire pour l’ensemble des images acquises, au sein d’une même année ou non, quel que soit leur degré d’ennnuagement. L’application systématique de cette technique n’est pas encore envisageable, en raison du poids très important des données mobilisées et de l’inadéquation de l’algorithme aux surfaces agricoles ayant plusieurs variations interannuelles (Zhu et Woodcock, 2014). Plusieurs publications proposent une synthèse critique des différentes techniques possibles pour détecter les changements à partir de données de télédétection satellitaire, leurs intérêts et leurs limites, voire une évaluation de leur performance (Mas et al, 1999 ; Coppin et al, 2004 ; Lu et al, 2004 ; Radke et al, 2005 ; Robin, 2007 ; Bruzzone, 2013 ; Tewkesbury et al, 2015). Les techniques principales sont les suivantes : la méthode pixellique, classique et encore largement employée, qui relève de la comparaison post-classification de l’état d’un pixel entre deux dates afin de le considérer

comme changé, soit en fonction d’un seuil empirique de quantité de changement, soit via des méthodes plus complexes (Mas et al, 1999). Les méthodes utilisant des algorithmes basés sur l’ACP discriminent les pixels changés en prenant en compte des informations contextuelles (Inglada, 2001). D’autres méthodes se fondent sur les changements de contraste globaux, comme les réseaux de neurones pour discriminer les changements « naturels » des changements non prévisibles (Clifton, 2003). L’approche contextuelle permet de détecter des zones changées et pas seulement des pixels (limitant ainsi les faux positifs, Fournier, 2008). Des systèmes experts complexes et modulables ont aussi été proposés (Wang, 1993 ; Stefanov et al, 2001). D’autres auteurs (Hubert-Moy et al, 2002 ; Corgne et al, 2004, Le Hegarat-Mascle et al, 2006) présentent une approche de détection des changements par fusion de données de télédétection grâce à la théorie des évidences (théorie de Dempster-Shafer). Enfin, l’approche orientée-objet permet une analyse de la pertinence des changements détectés (Tiede et al, 2014).

Quelle que soit la méthode de détection des changements retenue, les erreurs de détection de changement (faux positifs et négatifs) sont fréquentes et leurs causes multiples : résolution des capteurs, corrections, méthodes de classification, sensibilité aux variations de luminosité, aux ombres, à l’échelle temporelle, à la texture, etc. La difficulté est de trouver un opérateur à la fois suffisamment discriminant au niveau des faux positifs, et particulièrement robuste aux changements de paramètres (illumination, qualités et position du capteur…). Certaines cartes d’occupation du sol ne peuvent être utilisées pour l’identification des changements car la magnitude de l’erreur dépasse le taux de changement lui-même (Friedl et al, 2010 ; Fuller, Smith, et Devereux, 2003). La production de séries temporelles cohérentes permettant une évaluation claire des changements reste un objectif majeur de la recherche (Pouliot et al, 2014). Les travaux sur la pertinence des changements détectés selon les facteurs d’erreurs thématiques, spatiaux et temporels seront traités en section 3.3.

Pertinence de l’approche pour les inventaires UTCATF

La télédétection satellitaire est utilisée largement pour les inventaires UTCATF et plus largement pour étudier l’effet des changements d’occupation du sol dans le cadre du changement global, et ce à plusieurs échelles. Cette approche est a priori très pertinente pour les inventaires en raison de sa régularité, sa couverture spatiale (permettant de suivre un pays entier), ses niveaux de résolution de plus en plus fins… Cependant, les erreurs de classification et de détection des changements posent problème lorsque les résolutions sont insuffisantes pour suivre les changements subtils et donc ne détectent pas l’essentiel des changements anthropiques (Foody, 2002) qui doivent justement être suivis avec rigueur dans les inventaires UTCATF. Le suivi de ces changements subtils est cependant un objectif de la communauté de recherche sur le sujet et le satellite devrait répondre de mieux en mieux à ce besoin (Houet, et al 2010).

3.2.4 La télédétection (active) spatiale : RADAR, LIDAR

Technique et usage pour l’occupation du sol

La télédétection active est fondée sur la mesure du délai entre les signaux transmis et leur réflexion par les états de surface et les objets au sol. Les capteurs actifs ne mesurent pas la variation d’énergie naturelle (rayonnement…) mais captent le retour de l’énergie qu’ils envoient eux-mêmes. Ainsi, ils ont l’avantage de pouvoir effectuer des mesures de jour comme de nuit, sans contrainte de luminosité ou d’ennuagement. Ils permettent de distinguer les différences dans les états de surfaces par l’analyse de leur texture, leur géométrie, les objets qui les composent. Cependant l’énergie émise est de basse intensité, ce qui peut induire beaucoup de bruit dans les enregistrements.

Le Radar

Le Radar (RAdio Detection And Ranging) utilise des ondes électromagnétiques qui se propagent dans tous les milieux. La bande spectrale utilisée par les radars conventionnels (de 3 MHz à 300 GHz, les longueurs d’ondes associées allant de 100 m à 1 mm) est découpée en bandes de fréquences désignées par une lettre, les radars imageurs utilisant surtout les bandes L, C et X (Riché, 2013). Le radar est utilisé en complément des méthodes optiques (Tupin 2010). Par exemple pour la production de GLC20001, l’identification de certaines classes (zones artificialisées et zones humides notamment) a bénéficié de données Radar afin d’être plus robuste (Jochi, et al 2016).

Le Lidar

Le Lidar (Light Detection And Ranging) ou ALS (Airborne Laser Scanning) ne relève pas d’une approche « image » intuitive mais mesure l’élévation du terrain et dessine une carte de points denses en trois dimensions. À la différence du radar qui emploie des ondes radio ou du sonar qui utilise des ondes sonores, le lidar utilise de la lumière (issue d’un laser la plupart du temps). Le Lidar utilise des impulsions dans le spectre visible ou infrarouge des ondes électromagnétiques à fréquence très élevée, mais ces ondes sont atténuées par le milieu atmosphérique et, contrairement au radar, la portée des lidars est limitée (Wehr & Lohr 1999).

Qualité, intérêts et limites pour la mesure de l’occupation du sol

Ces approches permettent une approche fine en en trois dimensions de la biomasse. Le radar est sensible aux propriétés électromagnétiques et géométriques de la végétation. L’usage du radar est pertinent pour cartographier et quantifier la biomasse aérienne. Cependant, son usage en études écologiques est encore rare en dehors de la zone tropicale humide, en raison du manque de système radar définis spécifiquement pour cet usage, et du manque de données appropriées et du fait de la nécessite d’outils et de connaissances spécifiques pour traiter ces données. Ces outils sont encore peu développés en comparaison des techniques de classification des données optiques (Le Toan, Delbart et al, 2014). Le LIDAR permet de cartographier la structure de la canopée mais n’est pas considérée comme un moyen direct de classification de la végétation (Nagendra, et al 2013) ; cela est possible (Wagner al 2008), mais ce potentiel reste à développer pour être déployé efficacement pour l’occupation du sol en général (Zlinsky et al, 2014). Le Lidar est surtout utilisé en complément des approches optiques (Amarsaikhan et al, 2010 ; Waske & van der Linden 2008; Dusseux et al, 2014 ; Jochi al 2016) mais les techniques pour associer ces données très différentes dans la production d’une même carte restent un sujet d’amélioration important (Richards, 2005). Ainsi, le Lidar est surtout utilisé pour les forêts, où il est pertinent pour mesurer les différentes strates de végétation (Hollaus et al, 2009), il est aussi pertinent pour les prairies buissonnantes (Sankey et Bond, 2011) et les zones

1

humides (Collin et al, 2010 ; Johansen al 2011) mais moins pour les prairies herbacées où la végétation est moins stratifiée (Ichter al 2014; Zlinsky et al. 2014).

Qualité, intérêts et limites pour la détection des changements

Utilisée en complément d’approches plus classiques de télédétection passive, le Radar et le Lidar permettent de caractériser plus finement des classes difficiles à identifier, à la texture complexe (Jochi, et al 2016), et donc de réduire des erreurs pouvant donner lieu à des faux positifs.

Pertinence de l’approche pour les inventaires UTCATF

Les technologies Radar et Lidar sont pertinentes pour mesurer la biomasse et les espaces bâtis : ils peuvent apporter une précision importante dans la cartographie de ces espaces associés à un fort enjeu carbone.

3.2.5 L’échantillonnage statistique

Technique et usage pour l’occupation du sol

La technique statistique de l’échantillonnage en appliquant la théorie des sondages (Cochran 1953 ; Desabie 1966), peut être associée à des statistiques inférentielles afin d’extrapoler l’échantillon à la population ou à l’espace (Frontier, 1983). En géographie, elle permet d’analyser des espaces importants sans devoir les visiter exhaustivement, par extrapolation aréolaire de points d’échantillonnage (chaque point est assorti d’un coefficient d’extrapolation, c’est-à-dire une valeur de représentativité en surface) (Fattorini et al, 2015). Il s’agit de suivre des fractions représentatives (visite des points sur le terrain) du territoire étudié et d’extrapoler les informations recueillies pour l’ensemble du territoire en surfaces ; la répétition de l’enquête (suivi des mêmes points ou non) permet de mesurer l’évolution du territoire. Il s’agit d’appliquer le principe général de l’extrapolation aréolaire :

ou

Ŝ

h

= V * N

h

avec V= Valeur d’un point ; S : surface totale ; N : nombre de points

Plusieurs variables méthodologiques influencent les estimations de l’évolution de l’occupation du sol : plan de sondage, fréquence d’observation, fenêtre d’observation, etc.). Différentes stratégies d’échantillonnage sont envisageables pour suivre l’occupation du sol sur de grands territoires (Fattorini et al. 2015). Dans les sondages avec tirage systématique, les catégories de paysage ont une probabilité d’appartenance à l’échantillon proportionnelle à la surface du territoire qu’elles occupent. (Godard, 2006). Concrètement, le point-échantillon n’est pas un point mathématique (sans dimensions), mais une fenêtre dont les dimensions (son rayon peut varier de quelques centimètres à plusieurs dizaines de mètres), et la forme, peuvent varier selon les méthodes. Connaitre ces spécifications revient à connaitre la taille des objets observés qui seront extrapolés. Il existe différents types de sondage (Scherrer, 1983), avec plusieurs configurations possibles : alignement ou non- alignement des points (Fattorini et al, 2003) ; remplacement partiel ou la conservation des points entre deux dates ; disposition des points d’échantillonnage aléatoire ou systématique, stratifié ou non, rassemblés en grappes ou non. Ces paramétrages des enquêtes répondent à des besoins d’efficacité statistique (représentativité) mais aussi de coût (le grappage réduit la distance à parcourir). A l’origine, son application a en particulier concerné la forêt (Houllier, 1985), puis elle s’est généralisée à l’occupation du sol en général (Fournier, 1972). Ce type d’enquête permet de s’adapter au terrain, d’adopter une stratégie d’échantillonnage en fonction du pattern spatial (variation du nombre de points

à enquêter, pré-stratification, grappage) de manière à optimiser l’enquête en fonction des moyens et des besoins (Godard, 1990).

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