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« Forêt » est un terme commun et ambigu : il recouvre une grande disparité d’aspect d’occupation du sol (essences, densité, forme du massif, type de peuplement, gestion en futaies ou taillis, degré d’ouverture et de fermeture, etc.). Son usage dans le parler populaire et dans les terminologies scientifiques et techniques soulève des problèmes d’interprétation, de sous-entendus et de conceptions erronées (Da Lage et Arnould, 1997 ; Bennett, 2001). Au lieu de la forêt, c’est surtout l’arbre (en groupe) qui est l’élément commun de référence de ces différentes acceptions. Mais l’arbre est un élément constitutif de beaucoup d’occupations du sol (cultures, prairies, zone humide, zone artificielle, autres terres) et pas uniquement de la forêt, qui nécessite d’être définie par des seuils quantitatifs.

Le CNRTL propose la définition de la forêt suivante : « vaste étendue de terrain couverte

d'arbres; ensemble des arbres qui couvrent cette étendue ». On note d’une part que le terme désigne à

la fois l’espace et l’ensemble des objets (les arbres) le composant ; et d’autre part que le boisement ne suffit pas à désigner la forêt, mais qu’il faut un seuil de surface (non défini dans l’acception courante, simplement indiqué par l’adjectif « vaste »). En France, les différentes bases de données traitant les surfaces forestières ne présentent pas de définitions cohérentes (Cinotti, 1996) : le cadastre ne définit pas la catégorie « bois » (elle exclut de fait les peupleraies) ; l’IFN a changé sa définition lors de son changement de méthode en 2005, pour se conformer à la définition de la FAO ; TerUti utilise ces mêmes seuils ; l’ONF inclut, dans ses domaines soumis au régime forestier, des espaces non boisés (prairies, bâtiments, landes…).

La mise en place d’une définition de référence de la forêt pour les inventaires UTCATF

Deux définitions de références sont à considérer pour les inventaires UTCATF : d’abord la définition du GIEC puis celle de la FAO. A l’origine, il n’existait pas de définition précise par le GIEC dans sa littérature méthodologique relative aux inventaires de 1996, seulement une définition très large, laissant les pays choisir leurs propres critères : « [la catégorie terres forestières] inclut toutes les

terres à végétation ligneuse correspondant aux seuils utilisés dans la définition des terres forestières dans l’inventaire national des gaz à effet de serre. Elle inclut également les systèmes dont la structure végétale est actuellement inférieure aux seuils de la catégorie des terres forestières utilisés par le pays, mais qui pourrait potentiellement les dépasser » (GIEC, 1996).

Or, en 1997, la signature du Protocole de Kyoto et de ses articles 3.3 et 3.4 a mis en avant l’importance de la comptabilisation des forêts et donc la nécessité de s’accorder sur des définitions précises de ce terme ainsi que des autres termes nouvellement introduits dans ces dispositions : Afforestation, Déforestation et Reforestation. Les différentes Parties ne s’accordaient pas : certains souhaitaient une définition par pays (Canada) et d’autres (dont France) voulaient approche type FAO. (Höhne, et al. 2007). Suite à la demande de clarification de la CCNUCC à la COP-3 (1997), un groupe de discussion sur la terminologie a été créé par l’IUFRO (International Union of Forestry Research

Organizations) et une liste de définitions et d’approches, par pays, a été dressée en 1998, liste toujours

mise à jour depuis lors sur internet (Lund, 2015). La synthèse de cette compilation permet entre autres de dresser la situation suivante (Lund, 1999) : les 130 définitions de la forêt recensées peuvent se regrouper en trois catégories : administrative, occupation et utilisation. L’approche utilisation permet de classer en forêt des zones non boisées et de classer des zones boisées hors forêt. L’approche occupation est donc plus cohérente dans une perspective carbone, car elle renseigne directement sur la présence conséquente de biomasse ligneuse. La variété de ces définitions a un impact sur la variété des appréciations quantitatives des surfaces et des changements et ne reflète pas toujours de manière cohérente l’esprit de la CCNUCC, à savoir refléter les variations anthropiques (et non purement naturelles) et s’attacher à refléter la présence effective de carbone avant tout.

Lors de la COP-7 (fin 2001), les accords de Marrakech tranchent la question en adoptant comme référence la définition FAO, malgré les craintes alors exprimées que cela n’entraine une sous-

estimation des surfaces déforestées en dessous du seuil considéré (Höhne, et al. 2007) et malgré le problème persistant de l’inclusion des plantations (Sasaki et Putz, 2009). Ces accords définissent la forêt comme une surface supérieure à 0,5 – 1,0 ha avec un taux de couverture arborée minimal de 10- 30%, où les arbres sont définis comme des plantes ligneuses pouvant atteindre une hauteur potentielle de 2-5m. Les Parties sont libres de choisir, parmi les fourchettes proposées, les seuils spécifiques qui correspondent à leur situation (CCNUCC, 2002).

Ainsi, la définition de la FAO est reconnue comme la définition de référence dans ce contexte La FAO définit ainsi les forêts : « terres avec un couvert arboré (ou une densité de peuplement)

supérieur à 10 % et d'une superficie supérieure à 0,5 hectare. Les arbres devraient pouvoir atteindre une hauteur minimum de 5 m à maturité in situ. Elles peuvent comprendre soit les formations forestières fermées où les arbres de différents étages et sous-étages couvrent une grande partie du terrain, soit les formations forestières ouvertes avec un couvert végétal continu dans lesquelles le couvert arboré excède 10 %. Les jeunes peuplements naturels et toutes les plantations établies dans un objectif forestier qui doivent encore atteindre une densité de couverture de 10 % ou une hauteur de 5 m sont inclus (…), de même que les surfaces (…) qui ont été temporairement déboisées à la suite d'interventions humaines ou de causes naturelles, mais qui doivent retourner à l'état de forêt. La définition du terme «forêt» inclut: les pépinières forestières et les vergers à graines qui font partie intégrante de la forêt; les chemins forestiers, les espaces défrichés, les coupe-feu et autres petits espaces ouverts dans la forêt; les forêts situées dans les parcs nationaux, (…); les brise-vent et les rideaux-abris constitués par des arbres occupant une superficie de plus de 0,5 hectare sur une largeur de plus de 20 mètres. Toutefois, la définition exclut: les exclut les terres à vocation agricole ou urbaine prédominante » (FAO 1998). La forêt est déterminée tant par la présence d’arbres que par l’absence

d’autres utilisations prédominantes (urbaine, agricole) des terres. Cette définition résume les trois aspects fondamentaux du consensus qui a émergé sur la définition de la forêt : l’occupation du sol dominée par arbres ou végétation arborée ou ligneuse avec un seuil minimal de couvert (Verchot al 2007).

Critiques de la définition de la FAO

La définition de la forêt par la FAO est connue pour être minimaliste, de façon à intégrer dans sa définition de très nombreuses surfaces, et son application hétérogène par les pays limite fortement la validité des données FAO (Mayaux et al, 1998; Defries et al, 2002; Hansen et al., 2008; Grainger et al., 2008; Hansen et al., 2013; Achard et al., 2014). Ainsi, la compilation de celles-ci (FAO, FRA 2010) surestiment la déforestation tropicale entre 1980 et 1990 et la sous-estiment entre 1990 et 2010 (Kim, et al. 2015), en raison d’incohérences sémantiques et méthodologiques, comme la différence entre utilisation et occupation (notamment pour les plantations) (Grainger, 2008).

Tableau 3.7 : définitions de la forêt dans les données françaises

IFN (avant 2005) couvert min 10% (ou 500 brins d’avenir de semis ou plants bien répartis par hectare), surface et largeur

moyenne en cime : 5 ares et 15m (ou 4 ha et 25m en forêt de production).

IFN (depuis 2005)

La forêt est un territoire occupant une superficie d’au moins 50 ares avec des arbres pouvant atteindre une hauteur supérieure à 5 m à maturité in situ, un couvert boisé de plus de 10 % et une largeur moyenne d’au moins 20 mètres 2. Elle n’inclut pas les terrains dont l’utilisation du sol prédominante est agricole ou urbaine. Les alignements d’une largeur moyenne inférieure à 20 m ne sont donc pas inclus dans la superficie forestière.

TerUti distingue bois et forêts (0.5ha min), bosquets (entre 0.05 et 0.5ha), superficies boisées hors forêts (moins de 0.05ha), et peupleraies.

LUCAS [C00] terres boisées, dont [C10] feuillus ; [C20] conifères ; [C30] mixte

CLC [31] forêts comme des « formations végétales principalement constituées par des arbres, mais aussi par

des buissons et arbustes » [311] feuillus ; [312] conifères ; [313] Forêts mixtes1

[324] Forêts et végétation arbustive en mutation (sic)*1 (végétation arbustive ou herbacée avec arbres

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épars. Formations pouvant résulter de la dégradation de la forêt ou d'une re-colonisation/régénération par la forêt)

[323] Végétation sclérophylle (végétation arbustive persistante, aux feuilles relativement petites, coriaces et épaisses. Y compris maquis et garrigues) ;

[334] Zones incendiées* ;

[243] Surfaces essentiellement agricoles, interrompues par des espaces naturels importants* ;

*les classes 243, 334 et 324 sont des classes mixtes contenant en tout ou partie des forêts.

IGBP (MODIS) [2,3,4,5, 6] Lands dominated by woody vegetation with a percent cover > 60 % and height exceeding 2 meters.

LCCS [1, 2, 4, 5, 5] Tree Cover The main layer consists of [broadleaved/needleleaved evergreen/ deciduous] closed to open trees. The crown cover is between 100 and 15% (a further sub range can be defined – Closed to Open 100–40%). The height is in the range of >30 - 3m but may be defined into a smaller range 3. Tree Cover, broadleaved, deciduous, open. The main layer consists of broadleaved deciduous woodland. The crown cover is between 70-60 and 20-10%. The openness of the vegetation may be further specified. The height is in the range of >30 - 3m but may be further defined into a smaller range. [7,8]. Tree Cover, regularly flooded, fresh/saline water

[9]. Mosaic: Tree cover / Other natural vegetation

[10]. Tree Cover, burnt

[17] Mosaic: Cropland / Tree Cover / Other natural vegetation

Problèmes posés par cette hétérogénéité de définitions

Alors qu’il dresse le tableau des différentes estimations de la surface forestière en France, Cinotti (1996) montre qu’à chaque nouvelle source une nouvelle estimation s’ajoute, différente des autres, et que malgré la montée en précision, en scientificité, il reste des problèmes d’incomparabilité, notamment en raison de définitions différentes de ce qu’est la forêt : « Les méthodes statistiques

scientifiques ne résolvent donc pas tous les problèmes. Et il y a fort à parier que la probable utilisation prochaine de l'imagerie satellitaire à des fins statistiques se heurtera, elle aussi, aux mêmes questions : comment définir les espaces forestiers et en mesurer l'étendue ? Comment comparer les nouvelles séries de données qui en résulteront avec les séries anciennes ? » (Cinotti, 1996 p.558). Ces

questions s’avèrent pertinentes aujourd’hui : les nouvelles données, notamment acquises par télédétection, ne font qu’amplifier ce problème de mise en cohérences d’estimations diverses et d’objets répondant à des définitions différentes. Le problème réside surtout dans les seuils et dans l’appréciation de la hauteur potentielle (Dereix, et al. 2011) mais aussi selon la prise en compte de l’utilisation du sol (Lund, 1999 ; Comber et al, 2008). Selon les approches retenues pour définir et comptabiliser l’évolution des surfaces forestières, des interprétations très différentes peuvent être tirées (tableau 3.8).

Tableau 3.8. Cas de différences d’interprétation des dynamiques de la forêt (d’après Lund, 1999)

cas Année 1 Année 2 Année 3

a occupation boisé boisé boisé

utilisation foresterie agriculture foresterie

b occupation boisé non boisé boisé

utilisation foresterie foresterie foresterie

c occupation boisé (grands arbres) non boisé boisé (petits arbres)

Selon les cas, la prise en compte des trois années où seulement de deux années, de même que la prise en compte de l’occupation seule, de l’utilisation seule ou des deux va entraîner une comptabilisation différente dans le cadre des inventaires UTCATF. Par exemple, dans le cas a, avec une approche utilisation, une déforestation peut être comptabilisée alors que la couverture boisée a été conservée. Le cas b peut être interprété à tort comme une

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déforestation (alors qu’il s’agit d’une coupe forestière) ou comme une forêt restant forêt Le cas c peut être interprété comme une reforestation spontanée, une replantation ou encore un cycle d’exploitation forestière selon que l’on observe ou non toutes les années (Lund, 1999).

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